BTP : Comment l'intelligence artificielle peut accélérer la réduction des émissions de CO2

De la production de ciment bas carbone à l’optimisation de la consommation énergétique des bâtiments, l’intelligence artificielle offre dès aujourd’hui des pistes pour baisser rapidement l’empreinte environnementale de la construction.
(Crédits : Reuters)

À l'échelle mondiale, le BTP compte pour 11% des émissions de CO2, chiffre qui passe à 39% si l'on inclut la consommation énergétique opérationnelle des bâtiments. Pour atteindre l'objectif fixé par l'Accord de Paris sur le climat, les émissions de l'industrie de la construction doivent être réduites de moitié d'ici 2030, et tomber à zéro d'ici 2050... Un verdissement que le secteur devra de toute manière emprunter contraint et forcé suite à la multiplication des régulations, comme en France la loi Agec 2020.

Pour ce faire, les options sont heureusement nombreuses, du ciment produit sans calcaire au réemploi des matériaux, en passant par l'usage de l'hydrogène vert pour fabriquer de l'acier. Cependant, ces méthodes, aussi prometteuses soient-elles, nécessitent de repenser totalement le fonctionnement du tissu industriel, et ne peuvent donc pas être déployées massivement à très court terme. Or, le secteur joue une course contre la montre. C'est pourquoi un nombre croissant d'acteurs parient également sur les récents et fulgurants progrès de l'intelligence artificielle pour optimiser les processus de production existants.

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Réduire la consommation d'énergie liée au ciment grâce à l'IA

Carbon Re, une jeune pousse britannique, s'appuie ainsi sur cette technologie pour faire baisser les émissions dues à la production de ciment. Ce dernier est en effet un produit extrêmement polluant, dont on consomme chaque année 4,6 milliards de tonnes (l'équivalent du Mont Everest) à l'échelle mondiale. Si l'industrie cimentière était un continent, ce serait le troisième au monde en matière d'émissions de CO2. Difficile, donc, de verdir l'industrie du BTP sans s'attaquer à ce gros morceau.

Pour se faire, Carbon Re s'appuie sur l'intelligence artificielle afin d'optimiser la consommation d'énergie.

« Produire du ciment implique notamment de cuire du calcaire à très haute température, et l'énergie utilisée pour atteindre cette température est responsable d'environ 40% des émissions », affirme Sherif Elsayed-Ali, cofondateur et PDG de l'entreprise.

« Or, obtenir une température optimale est très compliqué, il faut jongler avec une large quantité de données, comme le type de carburant utilisé, les matières premières impliquées, le degré d'humidité de l'air... Mais l'intelligence artificielle est très douée pour ce type de problèmes d'optimisation. En passant les données de l'usine au crible de nos algorithmes, nous sommes donc capables de réduire la quantité d'énergie nécessaire », résume-t-il.

Pour l'heure, la solution de la jeune pousse, qui vend son logiciel sous forme d'abonnement aux fabricants de ciment, permet en moyenne de réduire de 8% la consommation de carburant. Les algorithmes d'intelligence artificielle apprenant et s'améliorent en permanence, elle compte à terme parvenir jusqu'à 20%

De l'acier à la consommation énergétique des bâtiments

Outre le ciment, l'acier est également l'un des matériaux phares du secteur de la construction, et un gros émetteur de CO2. Le Mittelstand allemand en est un gros consommateur : pas étonnant, donc, qu'une jeune pousse d'outre-Rhin s'efforce de décarboner sa production, en misant elle aussi sur l'intelligence artificielle. Tout comme ceux de Carbon Re, les algorithmes de Smart Steel Technologies permettent d'optimiser la température lors du processus de production pour limiter la facture énergétique. Mais aussi d'augmenter la qualité de l'acier produit et de limiter la quantité de déchets. Elle travaille notamment avec ArcelorMittal et Marienhütte, un fabricant d'acier autrichien.

Enfin, la consommation énergétique des bâtiments compte à elle seule pour 28% des émissions de CO2 mondiales. On ne peut, pour améliorer cette empreinte carbone, se contenter de miser sur de nouveaux bâtiments plus économes en énergie, dans la mesure où 80% des bâtiments qui seront debout en 2050 ont déjà été construits. Il faut donc aussi et surtout améliorer l'efficacité du bâti existant. Là encore, l'intelligence artificielle peut permettre de réaliser des économies. C'est le pari de Mortar IO, une autre jeune pousse londonienne qui s'appuie sur l'intelligence artificielle pour faire rapidement un audit énergétique d'un parc de bâtiments et donner des pistes simples pour optimiser leur efficacité.

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Le groupe Vinci a également déployé des projets pilotes qui ont permis de réduire jusqu'à 40% l'efficacité énergétique des bâtiments. Singapour, qui s'efforce de réduire rapidement l'empreinte énergétique de son parc immobilier pour atteindre zéro émissions nettes d'ici 2050, a dans cette optique commencé à rénover des bâtiments pour optimiser l'éclairage et la température via l'intelligence artificielle afin de réaliser des économies d'énergie, mais aussi effectuer de la maintenance prédictive pour prolonger la durée de vie des bâtiments.

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