Pénurie de matériaux dans le BTP : les bonnes résolutions de Bercy déjà critiquées

Bercy vient de publier une "déclaration de bonnes pratiques" paraphé par le Médiateur des entreprises et la majorité des organisations professionnelles représentatives du BTP. Objectif: aider les acteurs de terrain dans leurs relations commerciales. Des bonnes intentions sans force contraignante, regrettent déjà des fédérations du bâtiment et des travaux publics. Explications.
César Armand
(Crédits : Reuters)

C'était il y a un peu plus d'un an: face aux difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance annonçait, le 14 juin 2022, l'envoi d'une circulaire à tous les acheteurs de l'Etat pour ne pas appliquer de pénalités de retard aux TPE-PME du BTP, la création d'un "comité de crise" pour faire remonter les « comportements anormaux » sous la houlette du Médiateur des entreprises Pierre Pelouzet et l'instauration d'une "médiation de filière" pour amortir ce choc.

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A défaut de pouvoir agir sur les aciéristes indiens...

Treize mois plus tard, la crise économique s'est doublée d'une crise énergétique avec la guerre en Ukraine et l'heure est au point d'étape. Avec l'ensemble de la chaîne de valeur de l'amont à l'aval, le Médiateur des entreprises veut « influencer tous les décideurs » en portant « des recommandations générales de pratiques de solidarité face aux tensions en terme d'approvisionnement, de logistique, de matières premières, de prix de l'énergie, de volatilité des prix... ».

« Je ne peux pas agir sur les aciéristes indiens ou la guerre en Ukraine, mais je peux essayer de fédérer les producteurs, les distributeurs, les artisans et les clients finaux comme les promoteurs immobiliers et les bailleurs sociaux », confiait Pierre Pelouzet il y a quelques jours à La Tribune.

C'est chose faite depuis ce 11 juillet 2022. Avec la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, le haut-fonctionnaire et la majorité des organisations professionnelles représentatives ont paraphé, à Bercy, une déclaration de bonnes pratiques.

... il s'agit d'aider les acteurs de terrain dans leurs relations commerciales

 L'objectif est double : aider les acteurs du terrain « à gérer au mieux les conséquences de la crise actuelle dans les relations commerciales bilatérales entre entreprises et avec les maîtres d'ouvrage » et « à limiter l'impact de ce contexte exceptionnel pour préserver l'activité et l'emploi, avec une évaluation régulière de leur mise en œuvre ».

Dans le détail, il est question de faire accéder et de diffuser une information fiable sur les perspectives d'approvisionnement, d'assurer un traitement équitable dans la relation client-fournisseur, de répercuter les augmentations de prix dans les marchés, d'aménager des conditions d'exécution des marchés ou encore de prolonger ou de suspendre des délais d'exécution des marchés.

« Une déclaration de bonnes intentions sans aucun élément nouveau ni force contraignante »

A peine signé, le document a déjà fait l'objet de critiques de la part des présents dans la salle, aussi bien du bâtiment que des travaux publics. Dans ce domaine, la présidente de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) aurait aimé que les parties prenantes traitent des marchés privés, et pas simplement des marchés publics.

« Il faut encore qu'on travaille pour pérenniser nos entreprises et nos emplois », a déclaré Françoise Despret.

La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) a, elle aussi, ratifié, « mais s'est posée la question », a témoigné son directeur général.

« C'est une déclaration de bonnes intentions sans aucun élément nouveau ni force contraignante. Nous attendons plus de mesures concrètes. Nous risquons d'avoir l'inflation et la récession », a lâché Julien Guez.

La « frilosité » de « certains »

Dans le bâtiment, après avoir été très sceptique l'an dernier, le président de la Fédération française (FFB), Olivier Salleron, s'est, lui, félicité d'une « première pierre à l'édifice » avant de rêver, tout haut, d'un ''Conseil national de la Construction'', comme il en existe dans l'industrie par exemple.

A contrario, son homologue de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), Jean-Christophe Repon, refuse - pour l'instant - d'apposer son nom au papier. Il a déjà contractualisé avec des fournisseurs, comme Saint-Gobain, et s'est déclaré « insatisfait » de « la frilosité » de « certains » sur les délais de prévenance. Autrement dit, les délais pour avertir les entreprises des hausses de prix.

Des Assises de la Construction à la rentrée

En réponse, le haut-fonctionnaire Pierre Pelouzet, a vanté « un texte d'équilibre, un texte évolutif ».

« Il est important en termes de signal et d'exemplarité pour d'autres filières », a renchéri la ministre Olivia Grégoire.

Cette dernière a en outre confirmé la tenue, à la rentrée, d'Assises de la Construction à la suite desquelles des mesures pourraient être « présentées voire portées » dans le projet de loi de finances 2023.

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César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 11/07/2022 à 17:35
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l'etat, qui est le pire des clients, publie un guide des bonnes pratiques sur lequel il sera le premier a s'assoir

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