Plombé par la guerre en Ukraine, le BTP fait bloc avant la présidentielle et les législatives

Les trente-huit acteurs de la filière de la construction et de l'immobilier viennent de publier une déclaration commune à l'adresse des candidats à l'élection présidentielle. Confrontés à la nouvelle réglementation environnementale dite "RE2020" et à la lutte contre l'artificialisation des sols (ZAN), en plus de la guerre en Ukraine, les professionnels du bâtiment et des travaux publics appellent à la construction d'un ministère de la construction durable et de l'aménagement du territoire. La Fédération française du bâtiment prépare, elle, déjà les élections législatives...
César Armand
(Crédits : Reuters:Benoit Tessier)

Ils sont trente-huit. Trente-huit acteurs du bâtiment et des travaux publics qui viennent de signer une déclaration commune à l'attention des candidats à l'élection présidentielle. Douze jours avant le premier tour, ces professionnels de la construction et de l'immobilier espèrent que les questions de l'aménagement du territoire et de la construction, et plus généralement du cadre de vie, du logement et des mobilités, se trouvent au cœur des débats.

A la manœuvre, les deux premières organisations professionnelles représentatives que sont la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). S'ajoutent la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), la Fédération des entreprises immobilières (FEI), l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), l'Union sociale pour l'habitat (USH - logement social)... Sans oublier les artisans (CAPEB), CNATP), les aménageurs (UNAM), les agents immobiliers (FNAIM) ou encore les architectes (Conseil national de l'Ordre).

À quand un ministère de la Construction durable et de l'Aménagement du territoire ?

Leur recommandation-phare, la construction d'un ministère de plein exercice dédié à la construction durable et à l'aménagement du territoire. Objectif, "dégager une vision d'ensemble et une stratégie dans le domaine de la construction, de l'habitat, des mobilités, des infrastructures et de l'aménagement du territoire".

Cette idée est déjà défendue notamment par Nordine Hachemi, le Pdg de Kaufman & Broad (numéro 3 de la promotion immobilière, Ndlr), mais c'est la première fois qu'une telle idée fait l'unanimité sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Rappeler aux candidats la "force de frappe économique" du secteur

D'autant qu'aujourd'hui, le ministère de la Cohésion des territoires a toujours la tutelle sur le ministère de la Ville, tandis que, depuis la nomination de Jean Castex à Matignon et le remaniement de juillet 2020, le Logement est passé sous le giron du ministère de la Transition écologique.

Les signataires rappellent en outre qu'ils possèdent une "force de frappe économique de premier ordre avec plusieurs centaines de milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel", réalisés par des "centaines" d'entreprises recensant elles-mêmes "de l'ordre de 4 millions d'emplois".

Le timing de cette interpellation politique n'a rien d'anodin. Depuis le 1er janvier 2022, la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs dite "RE2020" est entrée en vigueur. Censée "donner la primauté à la sobriété énergétique et à la décarbonation" et "adapter [les nouveaux bâtis] aux vagues de chaleur", les professionnels du logement neuf témoignent déjà de difficultés à l'appliquer.

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Record d'autorisations de permis de construire en trompe-l'œil

Le ministère de la Transition écologique a certes communiqué le 29 mars sur le record de 49.200 permis de construire délivrés en février 2022 - du jamais-vu depuis mai 2007. Mais cette explosion a tout l'air d'un trompe-l'œil: selon la Fédération française du bâtiment (FFB), qui vient de tenir une conférence de presse, elle est le résultat d'un dépôt massif de PC fin 2021, juste avant l'entrée en vigueur de la RE2020, pour s'en tenir à l'ex-réglementation baptisée "RT 2012".

Outre cette nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la FFB estime que l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols à horizon 2050 "pèse" sur la production. Depuis la promulgation de la loi "Climat & Résilience" en août 2021, la France doit déjà diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols d'ici à 2030, mais selon les bâtisseurs, "certaines collectivités traduisent l'objectif en arrêt immédiat de toute construction".

La guerre en Ukraine a encore renchéri le prix des matériaux

"RE2020", "ZAN"... il n'y a pas que ces acronymes qui pénalisent le BTP. Enclenchée le 24 février dernier, la guerre en Ukraine a fait reprendre l'envolée des prix des matériaux de construction et engendré une forte volatilité des prix de l'énergie. "C'est les montagnes russes... Le terme n'est pas adapté, mais bon, c'est celui qui convient", a lâché le président de la Fédération du Bâtiment, Olivier Salleron.

Ce dernier n'en a pas pour autant oublié le plan de résilience présenté par le Premier ministre Jean Castex il y a quinze jours et s'est félicité que le BTP y ait été intégré, mais il l'a jugé "encore insuffisant" par rapport à ses demandes. Et, "en même temps", comme dirait le président-candidat, Olivier Salleron a bien pris conscience que ce plan est "évolutif" par rapport à la conjoncture géopolitique.

Sans attendre des ajustements gouvernementaux, il a donc demandé la suppression de pénalité de retard sur les marchés privés, l'ayant obtenue il y a deux ans au plus fort du premier confinement. Dans ce domaine, le patron du Bâtiment a aussi rêvé d'une prise en charge intégrale de l'activité partielle en cas d'arrêt des chantiers - même si, pour l'heure, aucune des 101 fédérations départementales ne lui remonte ce problème... Enfin, il a soumis à l'Etat un allongement de la durée de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE), "jusqu'à au moins une dizaine d'années".

85 propositions pour les législatives

Autant d'idées sur la table qu'Olivier Salleron a l'habitude de défendre depuis son élection en juin 2020 à la fin du premier confinement, et autant de pistes qu'il a déjà soumises aux candidats au scrutin suprême depuis l'automne 2021. Il prépare par ailleurs les élections législatives. Dans les prochains jours, la Fédération française du bâtiment dévoilera 85 propositions réparties en onze thèmes.

Invité à en dévoiler au moins une, le patron de la FFB en a cité... cinq: le retour de l'autorisation de la publicité sur les bâches de chantier pour financer les travaux - "une centaine de millions d'euros par an" -, la création d'un statut universel du bailleur privé, l'extension de MaPrimeRénov' aux résidences secondaires, l'allègement des charges sociales pour les TPE, ou encore, la compensation des surcoûts de la RE2020.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 30/03/2022 à 20:07
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opportunisme et propagande... il nous faut ' un minstere du batiment durable reenchante et tolerant dans un grand cadre d'egalite des chances pour toutes, dans la justice bienveillante a l'egalite vraie'........tiens, ca me rappelle le ministere de r...

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