Sécheresse : Borne s'attaque au fléau des fissures dans les logements

Une maison individuelle sur deux en France est exposée au retrait-gonflement des sols argileux, et donc aux fissures de son bâti. La Première ministre Elisabeth Borne vient de charger le représentant de la 10ème circonscription du Nord à l'Assemblée nationale Vincent Ledoux d'une mission sur les conséquences de la sécheresse sur le bâti. D'ici à octobre, le député Renaissance doit étudier des bonnes pratiques sur le soutien à apporter aux plus modestes, la prévention et l'information des élus et sinistrés. Décryptage.
César Armand
« Actuellement, le régime des ''CatNat'' prend, en charge, en moyenne, 90% du coût des sinistres [...] La prise en charge des dommages matériels [...] risque de profondément déséquilibrer le régime », souligne la locataire de Matignon.
« Actuellement, le régime des ''CatNat'' prend, en charge, en moyenne, 90% du coût des sinistres [...] La prise en charge des dommages matériels [...] risque de profondément déséquilibrer le régime », souligne la locataire de Matignon. (Crédits : Reuters)

C'est une ordonnance qui était attendue avec impatience par les professionnels de l'assurance et du bâtiment prévue par la loi de décentralisation, de déconcentration, de différenciation et de simplification de l'action publique (« 3DS »). Son objectif : « améliorer la prise en charge des conséquences exceptionnellement graves sur le bâti et sur les conditions matérielles d'existence des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ». Autrement dit, adapter le régime de catastrophe naturelle à ces spécificités.

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50% des maisons exposées au retrait-gonflement des sols argileux

D'après le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), il existe en effet plus de 10,4 millions de maisons individuelles « potentiellement très exposées » au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, à l'origine de fissures, répartis sur 48% des sols métropolitains. Soit la moitié des 19 millions de maisons individuelles. Toujours selon cet établissement public d'Etat, il demeure « une méconnaissance » des sinistrés et des acteurs locaux. Aussi, recommande-t-il de « considérer les impacts sociologique et psychologique ».

L'ordonnance a été publiée le 9 février au Journal officiel. Elle modifie le Code des Assurances et y ajoute un nouveau mécanisme permettant la reconnaissance « catastrophe naturelle » dit « CatNat » de communes ayant subi une succession « anormale » de sécheresses d'ampleur significative. Elle précise également les conditions d'indemnisation des sinistres résultant de phénomènes naturels de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Elle fixe encore une obligation pour les assurés d'affecter l'indemnité perçue à la réalisation effective des travaux de réparation durable de leur habitation. Une demande historique de France Assureurs.

Selon cette fédération professionnelle, depuis la reconnaissance en 1989 de la sécheresse comme catastrophe naturelle, il y a près de 30.000 sinistres par an pour un total d'environ 16 milliards d'euros sur trente-trois ans. En 2022, la facture devait ainsi atteindre entre 1,9 et 2,8 milliards d'euros, contre 2,1 milliards d'euros en 2003, date de l'avant-dernière canicule historique. Pis, si le coût des sinistres climatiques va doubler dans les trente prochaines années, il va tripler pour la sécheresse.

Une enveloppe de dix millions d'euros

C'est pour toutes ces raisons que la Première ministre Elisabeth Borne vient de missionner, ce 14 avril, le député (Renaissance) de la 10ème circonscription du Nord, Vincent Ledoux, « sur les réponses à apporter » à ce phénomène.

« Vous pourrez, pour l'ensemble des axes de travail, effectuer une étude des bonnes pratiques en Europe et dans le monde », écrit-elle à ce parlementaire.

Dès octobre 2020, le successeur de Gérald Darmanin au Palais-Bourbon avait en effet été désigné par le Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale co-rapporteur avec le communiste Hubert Wulfranc d'une mission d'évaluation sur la prise en compte du retrait-gonflement des argiles. Vincent Ledoux avait alors obtenu de celui qui était ministre de l'Action et des Comptes publics une enveloppe de 10 millions d'euros dans la loi de finances, reconduite l'année suivante.

Vers une enveloppe financée par la surprime d'assurance ?

Aujourd'hui son travail consiste à « évaluer les aides aux ménages les plus modestes » et à « formuler des propositions pour renforcer leur efficacité ».

« Actuellement, le régime des ''CatNat'' prend, en charge, en moyenne, 90% du coût des sinistres [...] La prise en charge des dommages matériels [...] risque de profondément déséquilibrer le régime », souligne la locataire de Matignon.

« Vous pourrez explorer les moyens de soutenir les ménages modestes sinistrés non-couverts par le régime, notamment à travers une enveloppe financée par la surprime mais également hors du cadre du régime assurantiel d'indemnisation des catastrophes naturelles », insiste Elisabeth Borne.

Déjà une loi votée par l'Assemblée et arrivée au Sénat

Elle ne croit pas si bien dire. Nouvelle co-rapporteure depuis 2022 de la mission d'information avec Sandra Marsaud (Charente, Renaissance), la députée (EELV) de Paris, Sandrine Rousseau, a déjà fait adopter, par l'Assemblée, une proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait‑gonflement de l'argile. Le texte a été déposé le 7 avril dernier en commission des Finances du Sénat.

Déjà lors d'une audition le 14 décembre au Palais du Luxembourg, le président (UDI) de la commission de l'aménagement et du développement durable de la Chambre haute avait déclaré que « depuis 2017, les dossiers liés à la sécheresse sont supérieurs à 60% dans les cas de catastrophe naturelle ».

« De 30% en 2018, nous sommes passés à 50% en 2019-2020, mais 50% des dossiers ne sont pas pris en charge par les assureurs », avait pointé Jean-François Longeot.

« C'est kafkaïen ! »

« Depuis le 1er janvier 2023, des réassureurs sont complètement sortis du retrait-gonflement des argiles », a confirmé, sans le vouloir, une professionnelle de l'assurance, lors d'une matinale sur la résilience urbaine organisée ce 14 avril par Bouygues Construction, Linkcity et Elan, trois entités du groupe Bouygues.

Si le député Ledoux, lui, a été choisi par la Première ministre Elisabeth Borne, c'est parce qu'il est « concerné » dans sa circonscription et notamment dans sa commune de Roncq dont il a été maire jusqu'en 2017.

« Chez moi, un collectif de retraités, que j'ai rebaptisé les ''papis experts'', s'est constitué. Parfois, c'est kafkaïen en termes d'assurance alors que ça peut coûter des dizaines de milliers d'euros », témoigne-t-il à La Tribune.

Un rendez-vous avec le CNRS

D'ici au 1er octobre, le parlementaire doit ainsi « veiller à étudier les voies et les moyens afin de mieux sensibiliser » les propriétaires et « examiner les solutions visant à faciliter [leur] accès aux aides [...] les procédures d'indemnisation [ainsi que] l'appui des services de l'Etat et de préfectures » aux élus locaux concernés.

Dernier axe : l'innovation. La locataire de Matignon attend de Vincent Ledoux qu'il examine « les solutions nouvelles actuellement explorées [mais] qui ne sont pas à ce jour opérationnelles ».

Cela tombe bien : il a déjà rendez-vous la semaine prochaine avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), fait-il encore valoir à La Tribune.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2023 à 17:38
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Mon garage a subi un mouvement partiel de terrain, j'ai mis de l'enduit à l'intérieur pour colmater et pouvoir voir si ça continue à évoluer, ou si c'est stabilisé (le tuyau d'arrivée de gaz arrive par là). En espérant que la maison ne se fende pas (...

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