Les six derniers défis de Xavier Huillard, l'emblématique PDG de Vinci, avant de passer la main

Xavier Huillard, le PDG de Vinci, vient d'être reconduit pour son dernier mandat lors de l'assemblée générale du groupe qui s'est tenue ce mardi 12 avril. Préparer sa succession, anticiper la sortie de l'activité autoroute, maintenir Vinci Airports comme relais de croissance, appliquer la stratégie environnementale et mettre à profit le rachat de Cobra IS, il aura fort à faire avant de tourner la page au plus tard en avril 2025. Décryptage.
Xavier Huillard est PDG de Vinci depuis 2010.
Xavier Huillard est PDG de Vinci depuis 2010. (Crédits : Reuters)

[Article publié le mardi 12 avril 2022 à 7h32, mis à jour à 15h35 ]

Xavier Huillard, l'emblématique PDG de Vinci vient d'être reconduit pour un nouveau mandat lors de l'assemblée générale du groupe qui s'est tenue ce mardi 12 avril. Un mandat un peu particulier qui va se heurter aux statuts de l'entreprise qui fixe la limite d'âge pour la fonction de directeur général à 70 ans, et celle de président à 75 ans. Autrement dit, à 68 ans en juin, Xavier Huillard pourra, selon les règles en vigueur, assurer ces fonctions jusqu'en avril 2025, date de l'approbation des comptes de l'exercice 2024 au cours duquel il aura 70 ans. Il pourra néanmoins rester président du conseil d'administration jusqu'à ses 75 ans, soit jusqu'en juin 2029. Une dissociation des fonctions qui pourrait même "se passer avant", a-t-il affirmé début février lors de la présentation des résultats annuels.

"C'est un peu bizarre de le prolonger. Il ne faudrait pas créer de psychodrame", lâche à La Tribune un bon connaisseur de l'entreprise.

Quoiqu'il en soit, pour ce prochain mandat, Xavier Huillard devra relever plusieurs défis.

  • 1. Préparer sa succession

C'est le plus gros défi qu'il aura à relever. Trouver un directeur général et l'accompagner dans ses fonctions en acceptant de lâcher les manettes opérationnelles d'un groupe qu'il a dirigé de main de maître.

"Le président et le directeur général doivent se choisir mutuellement. Il faut se mettre au service exclusif du nouveau DG et accepter de ne plus prendre personne au téléphone. Cela suppose une vraie générosité et une volonté de réussir", confiait-il mi-janvier.

L'équation est en effet complexe. Xavier Huillard en sait quelque chose. En 2006, en tant que DG et dauphin désigné par le PDG Antoine Zaccharias avant que ce dernier ne chercha à l'évincer, il a dû batailler ferme pour parvenir à inverser la tendance, évincer son PDG, avant de prendre les commandes du groupe en 2010.

"Il y a toujours des talents disponibles et si vous commencez à vous faire des nœuds dans la tête, c'est mort", éludait-il il y a trois mois. La priorité semblait toutefois de prospecter en interne : "Les compétences, le bilan, la stratégie, ça s'acquiert, mais l'actif principal reste la culture d'entreprise. Avec quelqu'un qui a vécu des années à l'intérieur, la continuité est assurée", poursuivait le patron de Vinci.

  • 2. Anticiper la sortie des autoroutes français

Avant de lâcher en partie les rênes, Xavier Huillard doit continuer de préparer le groupe à la possible perte de ses actifs autoroutiers. La fin de ses principales concessions est prévue entre 2032 (Escota), 2034 (Cofiroute) et 2036 (Autoroutes du Sud de la France).

Lors des résultats annuels du groupe en février, le PDG de Vinci s'était fait fort de rappeler que, mis à part ces dates, personne ne sait pour l'instant ce que deviendront ces concessions. Pas même l'Etat. Plusieurs possibilités se dégagent et pourraient varier en fonction des résultats à la présidentielle : renationaliser rapidement en indemnisant les exploitants, continuer jusqu'à la fin des contrats de concession, voire renégocier les contrats existants. Marine Le Pen, qui estime que la privatisation a été une opération perdante, prône la renationalisation quitte à débourser 5 milliards d'euros, tandis qu'Emmanuel Macron semble enclin à poursuivre l'exécution des contrats jusqu'à leur terme.

Xavier Huillard semble en tout cas tout à fait conscient du risque que cette incertitude fait peser sur le groupe. Si le PDG de Vinci s'est déjà évertué par le passé à affirmer que "la rentabilité d'une concession ne se mesure pas comme un business normal", il n'en reste pas moins que les autoroutes françaises pèsent lourd dans l'activité du groupe.

Avec un trafic quasiment revenu à la normale au cours de l'année écoulée, elles représentaient un chiffre d'affaires de plus de 5,5 milliards d'euros par an, soit 11 % des 49,4 milliards engrangés en 2021. Surtout les autoroutes françaises offrent une rentabilité sans équivalent au sein du groupe avec une marge opérationnelle de plus de 50 %, ce qui leur ont permis de générer 60 % des 4,7 milliards d'euros de résultat d'exploitation (Ebita) du groupe l'an passé.

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  • 3. Poursuivre l'expansion internationale sur le segment autoroute

Au-delà de l'aspect financier, les autoroutes apportent des engagements sur plusieurs dizaines d'années qui permettent d'équilibrer l'activité du groupe entre temps court, moyen et long. D'où la nécessité pour Vinci de continuer à développer son portefeuille de contrats à longue échéance. Pour cela, Xavier Huillard a rappelé en ce début d'année les piliers de sa stratégie pour trouver des concessions correspondant fortement aux autoroutes françaises. Il vise ainsi le développement de nouveaux partenariats public-privé (PPP) dans le domaine autoroutier hors de France, porté par Vinci Concessions.

C'est le cas notamment en Europe avec un cinquième contrat signé en Allemagne pour une durée de 30 ans, et un premier en République tchèque l'an dernier. Avec 4.000 km de route dans 16 pays, ce réseau international commence à être conséquent, mais le volume d'affaires apporté est sans commune mesure avec les autoroutes françaises.

Il s'agit essentiellement de participations aux alentours de 50%, avec une mise en équivalence dans les comptes : regroupées, les branches Highways, Railways et Stadium de Vinci Concessions apportent à peine plus de 300 millions d'euros par an dans les revenus du groupe - 18 fois moins que Vinci Autoroutes - avec une marge opérationnelle de 16%. Il faut donc un véritable changement d'échelle pour espérer compenser le possible retrait des activités des autoroutes françaises.

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  • 4. Maintenir Vinci Airports comme relais de croissance

Cette tâche semble essentiellement dévolue à Vinci Airports, dont le développement est porté en ce sens depuis une dizaine d'années. En dépit d'un niveau d'activité encore largement marqué par la crise du transport aérien, inférieur de moitié à celui de 2019, les aéroports se sont imposés comme le deuxième grand pôle de concessions de longue durée dans le portefeuille de Vinci.

Avant la crise, Vinci Airports représentait ainsi 2,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec une marge opérationnelle de près de 40%, proche des standards autoroutiers. Le tout avec des engagements sur plusieurs dizaines d'années (aéroports portugais), voire illimités (Londres-Gatwick). Certes, la crise du transport aérien a mis à mal ces résultats - un chiffre d'affaires de 1,2 milliard pour une perte d'exploitation de 206 millions d'euros en 2021. L'objectif est de récupérer 60% de l'activité pré-crise en 2022. Mais Vinci continue de miser sur cette activité dans sa stratégie. Le groupe vient tout juste d'intégrer sept aéroports brésiliens, dont Manaus, pour trente ans.

Si Xavier Huillard n'a pas souhaité dévoiler ses futures cibles pour l'instant, Vinci devrait poursuivre son développement en la matière. Lors des résultats annuels, le PDG de Vinci a laissé entendre qu'Aéroports de Paris (groupe ADP), un temps convoité dans le cadre de la privatisation voulue par l'Etat, n'était plus envisagé à court ou moyen terme, tout comme les autres aéroports français.

Le groupe devrait donc mettre l'accent sur l'international dans les prochaines années. Si des opérations sont envisageables en Amérique du Nord, l'Amérique latine semble le terrain de jeu le plus favorable. L'Afrique pourrait également faire l'objet d'intérêts, mais Xavier Huillard prévient que le modèle de la concession reste peu développé sur le continent, pour l'aéroportuaire comme l'autoroutier.

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  • 5. Appliquer sa stratégie environnementale

Que ce soit pour les concessions aéroportuaires et autoroutières, les conseils énergétiques ou sur la construction, Vinci devra appliquer son ambitieuse stratégie environnementale. Annoncée en janvier 2020, dévoilée en juin 2021, elle était également à l'ordre du jour de l'AG de ce 12 avril.

"Nous voulons prendre du temps pour rentrer dans le détail sur la manière dont nous progressons et devons montrer les initiatives pour baisser notre empreinte CO2", justifie Xavier Huillard.

Son ambition : atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, comme l'intime la loi "Energie & Climat" de 2019. Le groupe du CAC 40 multiplie déjà les annonces en ce sens. Fin novembre, Vinci Autoroutes a communiqué fin novembre sur la décarbonation de des 4.443 kilomètres. De la même façon que Vinci Immobilier a annoncé début janvier sa volonté d'atteindre le zéro artificialisation nette des sols (ZAN) en 2030, soit vingt ans avant la date prévue par la loi "Climat & Résilience" de 2021.

"Nous avons fait le calcul : le respect des engagements de la COP21 se fera à des conditions économiques raisonnables. Ce ne seront pas des capitaux à fonds perdus. La transition environnementale ne nécessite pas exclusivement de l'argent public mais génère de la performance économique. Nous nous sentons capables de le faire", souligne le PDG de Vinci.

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  • 6. Mettre à profit le rachat de Cobra IS

Le rachat de Cobra IS, finalisé fin 2021, pourrait aussi offrir des possibilités de concessions à long terme, même si elles n'existent pas pour l'instant dans le portefeuille de la nouvelle filiale espagnole du groupe. Capable de s'aligner sur des projets plus importants que Vinci Energies, celle-ci est spécialisée dans les contrats de conception-construction dans les énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien) avec une forte implantation en Espagne et en Amérique latine. Vinci étudie la possibilité d'y ajouter un volet exploitation via la mise en place d'une coentreprise avec ACS, ex-propriétaire de Cobra IS. Vinci détiendra 51 % de cette nouvelle entité et l'intégrera pleinement, contrairement à Cobra IS.

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ZOOM

En 2021, Vinci a réalisé un bénéfice net de 2,597 milliards d'euros (+109%) avec un chiffre d'affaires (49,396 milliards) en hausse de 14% par rapport à 2020. Vinci Energies et Vinci Construction tirent les bons résultats du groupe. Leurs bénéfices nets augmentent, respectivement, de 553 et de 571 millions d'euros. A l'inverse, Vinci Airports chute encore en 2021 avec une perte de 485 millions d'euros, certes moindre qu'en 2020 (523 millions).

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