La probable faillite d'Hydroption annonce-t-elle un krach sur le marché de l'électricité ?

Le fournisseur d'énergie basé à Toulon est en grande difficulté et la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) a l'intention de lui retirer son autorisation d'exercer sur le marché de l'électricité. L'explosion des prix de l'énergie fait craindre depuis quelque deux mois des faillites en cascade sur le marché de la fourniture d’énergie. Hydroption, premier de la liste ? Et ce serait aussi la première faillite d'un fournisseur d'électricité.
Jérôme Cristiani
(Crédits : Reuters)

L'explosion des prix de l'électricité serait en passe de faire sa première victime, dixit Le Figaro, qui a révélé l'affaire de ce fournisseur d'électricité aux professionnels en passe de faire faillite.

Bien qu'il ait l'intention de contester la décision de l'administration, il semble que l'affaire soit pliée pour Hydroption. Fragilisé par le bond des prix de l'énergie, le fournisseur d'électricité a reçu de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), un des "bras armés" du ministère de la Transition écologique et solidaire, une notification préalable au retrait de son autorisation d'exercer, selon Le Figaro.

Le quotidien rappelle que l'entreprise, qui était en procédure de sauvegarde depuis 2018, est, depuis le 21 octobre, placée en redressement judiciaire par le tribunal de Toulon, dont elle dépend, et qu'elle est à la recherche d'un repreneur.

Le ministère confirme, mais s'en tient au "No Comment"

Et bien qu'un "dialogue contradictoire d'un mois" ait été prévu par la DGEC, l'issue s'annonce négative pour l'entreprise qui a prévenu ses salariés qu'ils pourraient être licenciés au 31 décembre, précise le quotidien national. En attendant, difficile d'avoir plus de précisions. Car, s'il "confirme", le ministère de la Transition écologique "ne commentera pas plus largement".

"Il s'agit d'une affaire en cours, dont le contenu doit respecter le principe du contradictoire", a fait valoir une porte-parole dudit ministère auprès de l'AFP.

Tout juste ménage-t-il le suspense en précisant qu'"à ce jour, il n'a pas été identifié de motif justifiant un retrait ou une suspension immédiate de l'autorisation de fourniture d'Hydroption".

Rupture des contrats avec la Ville de Paris, l'Armée et l'État

Hydroption est inconnue du grand public et pourtant ce qui arrive à cette entreprise est révélateur des énormes tensions actuelles du marché de l'électricité en particulier, de l'énergie en général.

Société par actions simplifiée fondée en octobre 2014, Hydroption fournit de l'électricité non pas aux particuliers mais à une clientèle de professionnels dont elle alimente près de 18.500 sites. Les supermarchés Aldi, Météo France, le Parc des Princes, la Société du Grand Paris, l'Insee, Pôle Emploi, le Musée du Louvre, le Cnam, l'INA, les magasins Super U, Sciences Po... la liste est impressionnante, elle compte aussi l'Armée, selon Le Figaro... En 2020, elle revendiquait la gestion d'un portefeuille de clients totalisant un volume de plus de 13 térawattheures (TWh).

Parmi ses clients, la société comptait encore récemment la Ville de Paris (depuis 2018). Elle avait également signé un contrat sur quatre ans (de 2020 à 2023) de 450 millions d'euros avec la Direction des achats de l'État (DAE) pour la fourniture et l'acheminement en électricité renouvelable de nombreux ministères (Culture, Économie et  Finances, Transition écologique, Travail, Solidarité...) et des établissements publics de l'État pour 3 TWh, "soit l'équivalent de la consommation annuelle de 375.000 foyers".

Selon Le Figaro, Hydroption aurait résilié ces deux importants contrats. Enfin pas tout à fait, car, selon Le Parisien, si le contrat avec la Ville de Paris devrait prendre fin au 31 décembre, celui avec l'Armée a toujours cours.

Quand l'imprévisibilité du marché conduit à l'erreur stratégique

Il faut également mentionner qu'Hydroption, entreprise qui risque aujourd'hui la liquidation judiciaire, figurait encore en juin 2021 dans le 6e Baromètre des fournisseurs d'énergie (voir Annexes en pied d'article), un baromètre destiné aux professionnels qui saluait, "une entrée remarquée en haut du classement", qualifiant le fournisseur de "fiable et professionnel sur tous les critères"...

Que s'est-il donc passé? À la fin de l'année 2020, raconte Le Figaro, Hydroption, se fondant sur la faible consommation de ses clients pendant la pandémie, a décidé de réduire ses achats d'électricité pour 2021, au lieu d'anticiper le rebond de l'activité. Une erreur stratégique car, avec le redémarrage de l'économie nationale, ses clients ont consommé beaucoup plus d'énergie, ce qui a obligé le fournisseur à s'approvisionner sur les marchés de court terme (dits marchés "spot") en payant le prix fort, vu les tarifs de plus en plus prohibitifs pratiqués ces derniers mois.

La situation intenable de nombreux fournisseurs d'énergie

Mais le cas d'Hydroption est loin d'être unique et c'est bien le problème. Cette explosion des prix de l'énergie met en danger toutes les entreprises du secteur, et notamment les nouveaux entrants.

Cet été, rapporte Le Parisien, Leclerc Énergies avait annoncé à ses 140.000 abonnés que passé le 15 octobre, ils devraient se trouver un autre fournisseur... Leclerc Energie n'ayant pas non plus anticipé l'évolution des prix en signant des contrats à long terme était contraint de stopper son activité. Finalement, rapporte Le Figaro, le 15 octobre, l'enseigne prenant acte que 90% de ses clients avaient trouvé un nouveau fournisseur, accordait un répit de 15 jours aux 10% restants. Leclerc Energies ne fournira plus d'électricité à partir du 31 octobre. Mais étudie la piste d'une offre à tarification dynamique, c'est-à-dire dont le prix évolue d'heure en heure en fonction des cours de l'énergie, rapporte Le Figaro.

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D'autres fournisseurs, cités par Le Parisien, comme CDiscount Énergie ou Mega Energie ont décidé de ne plus prendre de nouveaux clients en attendant que les cours se calment. D'autres Wekiwi, Mega et Planete Oui... modifient leurs contrats, pour augmenter les prix, au risque de mécontenter leurs clients. D'ailleurs, note PAP, le nombre de litiges avec les fournisseurs s'envole, le médiateur de l'Énergie aurait reçu plus 27.000 litiges en 2020 (+19%). Le médiateur a notamment déréférencé Iberdrola de son comparateur d'offres, pour cause de plaintes répétées de consommateurs sur les conditions de souscription illicites, avec, dans le contrat reçu des prix supérieurs à ceux annoncés à la souscription.

"Aucun rupture d'approvisionnement n'est à craindre" assure l'État

La défection éventuelle de ce fournisseur implique-t-elle un arrêt de la fourniture d'énergie pour les 18.500 sites qui en dépendent ? Le ministère assure que non, précisant avoir désigné "des fournisseurs de secours pour l'électricité afin d'assurer, dans tous les cas, la continuité d'approvisionnement ultérieur de ses clients dans l'hypothèse d'une éventuelle défaillance".

"Aucun risque de rupture d'approvisionnement n'est à craindre par un consommateur d'électricité, quel que soit son fournisseur", souligne la même source au ministère.

Si l'approvisionnement est assuré, en revanche l'addition risque d'être salée. Il est à prévoir que l'Armée par exemple, qui doit trouver un nouveau fournisseur d'ici à la fin décembre, se retrouve à payer son électricité au prix actuel, c'est-à-dire au plus haut.

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(avec AFP)

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ANNEXE

Le 6e Baromètre fournisseurs est établie par le CLEEE et la FNCCR-territoire d'énergie.

Le CLEEE (Comité de Liaison des Entreprises Consommatrices d'Electricité) regroupe des entreprises grandes consommatrices d'électricité dans des domaines aussi divers que les Services Publics (SNCF, RATP, Aéroports de Paris, La Poste), l'environnement (Veolia, SAUR), les télécommunications (Orange, TDF, Bougues Télécom), les transports (Geodis), l'hôtellerie et les services (Accor, Korian,etc...), l'agro-alimentaire (Andros, Lesaffre, Ouifield, Roullier, Soufflet, Sodiaal, Terrena, Vivescia, etc...), les matériaux de construction (Basaltes, Imerys, Piveteau Bois), la fédération ForgesFonderies, la sidérurgie (Winoa), la grande distribution (PERIFEM, Auchan, Carrefour, Casino, Les Mousquetaires, Metro, Système U), l'événementiel (Palais des Festivals de Cannes), les services bancaires (BPCE), l'informatique (ST Microelectronics, etc...), la communication (...) www.cleee.fr

La FNCCR-territoire d'énergie (ou Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) est une association regroupant plus de 800 collectivités territoriales et établissements publics de coopération, spécialisés dans les services publics d'électricité, de gaz, de chaleur et de froid, d'eau et d'assainissement, du numérique, de valorisation des déchets, que ces services soient délégués (en concession) ou gérés directement (en régie). La FNCCR anime un groupe de travail consacré à l'achat public d'énergie, à l'intention de ses membres et d'autres acteurs publics (plus de 50 syndicats d'énergie ou métropoles, organisant des groupements de commandes d'électricité et de gaz, pour un volume de plus de 40 Twh). (source: cleee.fr)

Jérôme Cristiani

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Commentaires 10
à écrit le 20/11/2021 à 3:18
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Bonjour, Avec de telles avantages ( prix réduit d'achat) comment peux t'ons Etre en faillite... Ils y anguille sous roche...

à écrit le 19/11/2021 à 10:34
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Ces petits revendeurs qui croutonnent sur l'obligation de l'EdF de vendre une partie de son électricité à bas prix et sur l'impérieuse nécessité que l'on s'est imposée bêtement de libéraliser le marché ne servent pas à grand chose, finalement. Des s...

à écrit le 19/11/2021 à 10:20
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L'Etat et les collectivités locales qui achètent l' électricité à des fournisseurs alternatifs (le comble de la bêtise (pour ne pas utiliser un autre mot) .

à écrit le 18/11/2021 à 17:31
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Comment peut on faire faillite en faisant une marge de 40% entre le prix d'achat à Edf et le prix de revente ?

le 20/11/2021 à 17:38
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@cheng Parce que ce sont de mauvais gestionnaires, de mauvais entrepreneur à l'image de ce que fut un temps Poweo et le dénommé Beigbeder.🤣

à écrit le 18/11/2021 à 17:26
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Comment peut on faire faillite en faisant une marge de 40% entre le prix d'achat à Edf et le prix de revente ?

à écrit le 18/11/2021 à 17:24
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Un seul producteur et un seul distributeur NA- TIO-NA-LI-SE et c'est assez.

le 19/11/2021 à 7:31
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Vous avez un bagage plutôt primaire. Nationaliser des boîtes qui ne sont que des coquilles vide, qui ne sont que du vent ? Question réflexion vous vous posez maître étalon.

le 19/11/2021 à 10:36
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Exactement, Nationalisation de la grande distribution, rien de mieux que les magasins d'état avec des files d'attente devant.

à écrit le 18/11/2021 à 15:27
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"Histoires de producteurs et de consommateurs Du producteur au consommateur, du producteur au consommateur Et des intermédiaires à plus savoir qu'en foutre Toute ton âme s'est usée sur ce chemin sans fin Et sur ce va-et-vient, viens on y va, nous...

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