Dans le domaine viticole de Poulvarel, niché dans la vallée du Rhône (Gard), stationne un camion aux tons bleus électriques qui jure avec le paysage verdoyant des vignes tapées par le soleil. Aux couleurs d'Enedis, la filiale d'EDF chargée de la gestion de 95% du réseau de distribution d'électricité en France, le véhicule imposant capte tous les regards lors de son inauguration, ce jeudi 8 juillet.
Et plus particulièrement le container qu'il transporte : composé d'un ensemble de vingt batteries d'environ 3 kg chacune, associées à neuf onduleurs, celui-ci abrite un groupe électrogène d'un nouveau genre. « Zéro émission », assure la présidente du groupe, Marianne Laigneau - une innovation « majeure » pour une technologie qui fonctionne habituellement au gazole.
D'une puissance de 60 kW (kilowatt) et déplaçable de chantier en chantier, il peut ainsi fournir 200 kWh (kilowattheure) d'électricité et tourner « plus de trois heures à pleine puissance », explique son pilote opérationnel, Julien Lefaucheur. Initié par Enedis, il a été réalisé en partenariat avec Schneider Electric, du Smeg (syndicat d'électrification) et de Cleantech.
20.000 tonnes d'équivalent CO2 par an
De quoi alimenter des zones coupées du courant sans avoir à brûler d'hydrocarbure, notamment lors de travaux sur le réseau, ou pour équiper des installations provisoires. Comme les Jeux Olympiques de 2024 à Paris, souligne Marianne Laigneau - une date butoir « symbolique », alors que les Crit'Air 2 seront bannis à Paris, zone à faible émission (ZFE, ex-zones à circulation restreinte), soit l'ensemble des véhicules diesel et essence d'avant 2021.
De fait, face aux vagues de réglementations qui vont s'abattre, le secteur n'a d'autre choix que de s'adapter. Car aujourd'hui, Enedis recourt plus de 20.000 fois par an à des groupes électrogènes polluants, avec un parc de 1.800 appareils et le recours à différents prestataires. Ce qui nécessite plus de 6 millions de litres de gazole et dégage environ 20.000 tonnes d'équivalent CO2 chaque année. Si ça ne représente « qu'environ 0,6% des émissions totales de gaz à effet de serre » du groupe, rappelle sa présidente, le groupe peut plus facilement les maîtriser que les pertes d'énergie sur le réseau dues à la chauffe du câble, difficilement contrôlables.
Système intelligent
Si une solution semble donc se dessiner pour les groupes électrogènes, encore faut-il que l'électricité qui alimente les batteries soit produite de manière décarbonée. A cet égard, elle est « renouvelable et produite localement », affirme Enedis. Et de montrer les panneaux solaires disposés sur les toits d'un grand bâtiment, un peu plus loin sur le domaine viticole. Par ailleurs, pour optimiser son utilisation et gérer dynamiquement l'énergie produite sur place, l'appareil est contrôlable à distance grâce à EcoStruxure, la plateforme logicielle ouverte et plug-and-play de Schneider Electric.
Julien Lefaucheur, pilote opérationnel du projet, explique le fonctionnement du groupe électrogène.
Surtout, il devrait fonctionner de manière bi-directionnelle, signe de la stratégie d'Enedis de mise en place de smart grids (réseaux intelligents). « Le groupe électrogène pourra stocker le surplus d'électricité quand la consommation sera supérieure à la production locale, et en réinjecter le cas contraire », précise Julien Lefaucheur.
Plusieurs centaines d'appareils en 2025
Reste que l'ensemble prend de la place : « ça ne pose pas problème sur un domaine viticole, mais cela risque d'être différent en ville », concède-t-on chez Enedis. Et le camion qui le transporte n'est, lui, pas décarboné : l'acheminement du groupe électrogène émettra, de fait, toujours des émissions.
Mais Enedis mise gros sur cette technologie : le distributeur a investi dans ce premier prototype environ 500.000 euros, incluant l'acquisition puis la mise au point du matériel par les équipes R&D. Et ce n'est qu'une première pierre :
« L'ambition est de dépasser le stade du démonstrateur pour aller à la phase industrielle en France, et j'espère, à l'international », fait valoir Marianne Laigneau, qui veut faire d'Enedis « le service public de la transition écologique ».
Concrètement, le gestionnaire de réseau spère proposer « plusieurs centaines » de ces groupes électrogènes en 2025, avec une première vague d'industrialisation « dès 2023 ». Pour ce faire, il prévoit un surcoût économique par rapport aux appareils au gazole, « même en prenant en compte le coût du carbone ». Mais la technologie ne sera peut-être pas la seule viable : cinq autres expérimentations sont en cours, dont une qui pourrait fonctionner à l'hydrogène, à l'aide d'une pile à combustible...
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