L'image avait marqué les esprits. Le 24 mai 2016, Ségolène Royal, alors ministre de l'environnement, annonçait dans l'émission télévisée Cash Investigation qu'Engie, dont l'Etat français figure parmi les actionnaires, se « retirera » de la très polluante centrale à charbon australienne d'Hazelwood. Quelques mois plus tard, le groupe indiquait que cette dernière fermera ses portes « dès le printemps 2017 ». En cause : des investissements trop élevés nécessaires pour maintenir l'installation, de toute façon devenue indésirable au vu des enjeux climatiques.
Sept ans plus tard, pourtant, le nom d'Hazelwood revient sur le devant de la scène. Mais exit la centrale à charbon, démolie en octobre 2021 : le site abrite désormais le plus grand système de stockage d'énergie par batterie d'Engie (150 mégawatts), en partenariat avec Eku Energy. Et celui-ci vient tout juste d'être mis en service, a annoncé l'entreprise tricolore ce mercredi 14 juin. Objectif : y stocker l'équivalent d'une heure d'électricité produite par les panneaux solaires implantés sur les toits de 30.000 foyers de l'Etat de Victoria, afin de réinjecter ce courant dans le réseau au moment des pics de consommation.
Stocker l'électricité pour la restituer en fin de journée
Et pour cause, l'énergie renouvelable issue du photovoltaïque présente l'inconvénient d'être intermittente - contrairement à celle générée à partir de combustibles fossiles, comme le charbon ou le gaz. Autrement dit, sa production varie au cours de la journée en fonction des conditions météorologiques (en l'occurrence, le degré d'ensoleillement), tandis que la demande d'électricité, elle, ne suit pas les mêmes courbes.
Pour équilibrer le système, il faut donc y introduire de la « flexibilité », c'est-à-dire la capacité d'adapter à tout moment l'offre et la demande. A Hazelwood, cela passera en partie par ces batteries, qui pourront absorber le surplus d'électricité obtenu en journée et le restituer le soir. Mais également, « pour une toute petite partie », par des centrales à gaz fossile, assume Sébastien Arbola, directeur adjoint d'Engie, étant donné que la quantité d'énergie pouvant être stockée dans les batteries reste aujourd'hui très limitée.
Le système de stockage d'énergie par batteries, situé sur le site de l'ancienne centrale électrique Hazelwood. Crédits : Engie
Engie vise 10 gigawatts de batteries en 2030
L'annonce fait écho aux déclarations du 12 juin de la directrice générale, Catherine MacGregor, lors de la présentation des scénarios du groupe pour la décarbonation de l'Europe d'ici à 2050.
« Il faut anticiper dès maintenant les capacités de flexibilité dont nous aurons besoin dans 10 ans », lesquelles devront être « multipliées par 4 d'ici à la moitié du siècle », avait-elle lancé à la presse.
Ce qui passera par l'installation de batteries, mais aussi par des stations de pompage-turbinage (une technique de stockage de l'électricité consistant à remonter de l'eau vers des bassins d'accumulation dans des barrages) et des centrales thermiques au gaz « décarboné », avait-elle poursuivi.
Concrètement, sur les batteries, Engie affiche ainsi un objectif ambitieux de 10 GW de capacités installées à horizon 2030 dans le monde, pour 80 GW d'énergies renouvelables à cette même échéance.
« Pour tout mégawatt d'énergie renouvelable installé, il faudra y adosser 10 à 15% de capacités équivalentes sous la forme de batteries. Chez Engie, nous regardons pour des projets au Etats-Unis, au Chili, au Royaume-Uni, où l'éolien offshore en mer du Nord doit alimenter des consommateurs situés au sud du pays, ainsi qu'au Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, mais aussi en Italie et en Espagne qui sont assez mal connectés au reste de l'Europe », précise à La Tribune Sébastien Arbola.
En la matière, le groupe nourrit donc de grandes ambitions. Et espère voir rapidement arriver des « avancées technologiques significatives », afin de consommer moins de matériaux critiques pour la fabrication des fameuses batteries, et pouvoir y stocker davantage d'énergie.
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