GNL : les terminaux méthaniers français tournent à plein régime, la filière française veut augmenter les capacités

En France, les quatre terminaux méthaniers, qui réceptionnent le GNL transporté par voie maritime pour le regazéifier, tournent à plein régime. Ils jouent ainsi un rôle clef dans la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Europe, en pleine crise depuis l'invasion russe de l'Ukraine. Dans ce contexte, les acteurs de la filière veulent accroître leurs capacités et affirment avoir leur place dans le mix énergétique de demain, malgré une empreinte carbone encore non négligeable.
Juliette Raynal
Vue aérienne du terminal méthanier de Fos Cavaou, l'un des quatre terminaux méthaniers français.
Vue aérienne du terminal méthanier de Fos Cavaou, l'un des quatre terminaux méthaniers français. (Crédits : Elengy - Vincent Tricart)

« Nous sommes au maximum », avertit Nelly Nicoli, directrice générale d'Elengy, la filiale d'Engie spécialisée dans l'exploitation de trois terminaux méthaniers, ces installations permettant de regazéifier du gaz naturel liquéfié (GNL), acheminé par voie maritime, afin de le réinjecter dans le réseau de transport national. « Notre terminal fonctionne à 100% de ses capacités et nous regardons si nous pouvons construire des capacités supplémentaires », témoigne, pour sa part, Olivier Heurtin, président de Dunkerque LNG, le plus récent des quatre terminaux méthaniers tricolores. Réunis ce 24 novembre par l'Association française du gaz (AFG), les acteurs de la filière française du GNL ont insisté sur le rôle clé de cette industrie dans la crise énergétique et la nécessité de se préoccuper dès maintenant de son redimensionnement.

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine et le tarissement des flux de gaz russe vers l'Europe transitant par les gazoducs, le marché mondial du GNL est en pleine ébullition. Pour remplacer ces précieuses molécules de gaz, l'Europe a, en effet, importé 38 millions de tonnes de GNL supplémentaires en 2022. « On a fait un choc de demande de 10% sur le marché mondial du GNL, dont la production s'établit à 400 millions de tonnes. C'est énorme », rappelait le 9 novembre dernier devant les députés Patrick Pouyanné, le PDG de la major TotalEnergies, qui détient elle-même 10% des parts de ce marché.

« On est au max »

Résultat, alors que les terminaux méthaniers tricolores n'étaient remplis qu'à 40% de leurs capacités jusqu'en 2021, ces derniers fonctionnent aujourd'hui à plein régime. Pour certains, les capacités ont même été augmentées grâce à des opérations techniques, comme le débridage de pompe. « La capacité du terminal de Fos Cavaou [sur la façade méditerranée, Ndlr] a été augmentée de 20%, soit 17 térawattheures (TWh) complémentaires », rapporte Nelly Nicoli. « On est au max », insiste-t-elle.

Les trois terminaux gérés par Elengy ont vu leur activité grimper en flèche (+70%) avec l'accueil de 330 navires méthaniers en 2022, ce qui correspond à l'arrivée d'un navire tous les deux à trois jours. « Ce qui nous laisse peu de latitude et de marge, relève Nelly Nicoli. Les terminaux méthaniers étaient considérés comme un produit d'assurance [c'est-à-dire à utiliser seulement en cas de besoin, Ndlr]. Aujourd'hui, on joue à plein. Il n'y a plus d'assurance, ce qui pose la question du dimensionnement des terminaux », développe-t-elle.

Même réflexion du côté du terminal de Dunkerque. « Cette année, nous allons accueillir 140 bateaux, soit un bateau toutes les 51 heures », rapporte Olivier Heurtin, qui n'anticipe pas de ralentissement pour l'année prochaine ni la suivante.

Un atout dans la crise

« Nous devons être fiers de cette industrie. Elle nous a permis d'économiser 5 milliards d'euros par rapport à certains marchés voisins qui sont moins bien équipés », fait valoir la dirigeante d'Elengy. « Le GNL, par sa flexibilité de destination, a permis de gérer cette crise », abonde Jean-Noël Mesnard, adjoint au directeur GNL de TotalEnergies.

La multinationale, présente sur toute la chaîne de valeur du GNL, va installer au Havre un terminal de regazéification flottant (ou FSRU pour floating storage and regasification unit), actuellement basé en Chine. « Sa capacité est de 5 milliards de mètres cubes, soit 10% de la consommation annuelle française de gaz naturel », précise Jean-Noël Mesnard. L'installation est prévue pour rester jusqu'en septembre 2028 et pourrait ensuite être repositionnée dans une autre partie du monde, selon la demande.

Les acteurs de la filière militent, eux, pour un accroissement des capacités des infrastructures de regazéification sur le long terme. Mais cette attente se heurte à une grande prudence sur le marché européen en raison des engagements climatiques qui impliquent une sortie des énergies fossiles, et donc du gaz naturel. En effet, même si le gaz naturel émet deux fois moins de CO2 par unité d'énergie que le charbon, il contribue de manière significative aux émissions mondiales de CO2 et donc au réchauffement climatique.

Une empreinte carbone à diminuer

Pire, le GNL serait bien plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) que le gaz naturel acheminé par pipeline, avec une empreinte carbone 2,5 fois plus élevée (en raison notamment de son transport et des étapes de liquéfaction et de regazéification).

Le déploiement de nouvelles infrastructures dédiées à l'importation de GNL en Europe inquiète d'ailleurs de nombreux observateurs, qui redoutent que ces investissements conduisent à ancrer les énergies fossiles dans le mix énergétique européen.

De leur côté, les professionnels de la filière arguent que le gaz a toute sa place dans le mix énergétique de demain. « Il faut être persuasif et convaincant pour montrer que les terminaux méthaniers peuvent jouer un rôle essentiel, à la fois dans la sécurité d'approvisionnement et dans la décarbonation », avance Nelly Nicoli.

Bataille pour se faire une place dans le mix énergétique de demain

Pour convaincre, la filière assure plancher à la réduction de l'impact carbone du GNL en travaillant sur une série de leviers : l'électrification de l'étape de liquéfaction, le captage, le stockage et la réutilisation du CO2, ou encore, la chasse aux fuites de méthane et l'optimisation des performances de navigation grâce aux outils numériques. « Nous devons être exemplaires pour rendre légitime notre industrie et garder notre droit à opérer », avance Jean-Noël Mesnard.

Surtout, les acteurs assurent que les terminaux méthaniers pourront jouer un rôle clé pour le déploiement d'autres molécules de la transition énergétique, comme le bioGNL, fabriqué grâce à la liquéfaction du biométhane, le GNL synthétique (combinaison d'hydrogène et de CO2), ou encore l'ammoniac vert, le méthanol et l'hydrogène. « Les terminaux méthaniers pourront servir à l'importation du GNL dédié à la production d'hydrogène bleu [hydrogène dont les émissions de CO2 sont captées, Ndlr]. En termes de rendement énergétique, c'est la solution la plus intéressante. C'est un moyen de concilier les objectifs de sécurité énergétique et climatiques », avance encore Vincent Demoury, délégué général du Groupe International des Importateurs de GNL (GIIGNL).

Juliette Raynal

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 7
à écrit le 27/11/2022 à 4:50
Signaler
L'essentiel pour la Commission Européenne est de remplacer la dependance à la Russie par une dependance aux États-Unis, ce qui est castrophique pour l'avenir, notamment industriel de l'Europe !

à écrit le 26/11/2022 à 18:57
Signaler
Quelle honte...

à écrit le 25/11/2022 à 10:59
Signaler
Il tourne à plein régime mais avec la politique du quoi qu'il en coûte pour les Français c'est la politique Macron dont le FMI s'est inquiété

à écrit le 25/11/2022 à 10:14
Signaler
Allez donc voir les photos des champs de céréales pollués/détruits par les rejets sauvages des exploitants de Gaz De Shiste.

à écrit le 25/11/2022 à 9:45
Signaler
Après avoir dépensé 600 milliards en 20 ans dans l'éolien et le solaire, les Allemands ont effectivement prouvé que grâce à ces énergies, les fossiles, notamment le gaz, auront pour longtemps encore une place dans le mix énergétique.

à écrit le 24/11/2022 à 20:58
Signaler
il faut peut etre ouvrir d'autres terminaux, mais pas en france, sinon la cgt va reprendre ses prises d'otages permanentes, comme elle le fait deja, ou comme elle le fait avec le carburant.......des terminaux, oui, mais a rotterdam, et le reste du tr...

le 25/11/2022 à 9:06
Signaler
@churchill. La CGT n'est pas un syndicat interdit. Un pays sans syndicats libres est une dictature. Ce qui signifie qu 'il n'y a pas non plus de presse libre dans laquelle vous pouvez vous exprimer librement. La CGT et le syndicalisme en général son...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.