Industries vertes : en riposte au plan de subventions américaines, Bruxelles dévoile son projet de soutien

La Commission européenne présente ce jeudi matin son projet pour améliorer la compétitivité de l'Europe dans les technologies vertes face à la Chine et aux États-Unis. Ce plan pourrait aussi encourager le nucléaire, pomme de discorde au sein de l'UE. Un deuxième texte, destiné à sécuriser les approvisionnements de l'UE en terres rares et en lithium, va également être dévoilé. Ils constituent tous deux une réponse aux aides d'État chinoises et américaines, mais Bruxelles se défend toutefois de tout protectionnisme.
L'UE entend apporter un soutien réglementaire aux industries vertes pour s'assurer une part significative d'un marché qui devrait tripler à 600 milliards d'euros par an d'ici à 2030.
L'UE entend apporter un soutien réglementaire aux industries vertes pour s'assurer une part significative d'un marché qui devrait tripler à 600 milliards d'euros par an d'ici à 2030. (Crédits : LISI NIESNER)

Annoncé en janvier, le plan « industrie à zéro émission nette » va être officiellement dévoilé ce jeudi 16 mars, avec des dispositions attendues pour doper et privilégier les projets « verts » des industriels européens. Avec deux jours de retard néanmoins, puisqu'il devait initialement être présenté mardi.

Un bras de fer sur l'inclusion ou non du nucléaire, une technologie décarbonée qui divise les États membres, a entraîné un report. La présentation doit être approuvée dans la matinée ce jeudi lors d'une réunion réunissant les 27 commissaires de l'UE.

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Panneaux solaires, éoliennes, batteries, pompes à chaleur... L'UE a fait de ces technologies une priorité pour atteindre la neutralité carbone en 2050, bâtir sa souveraineté énergétique et s'affranchir de la Russie. Elle entend apporter un soutien réglementaire à ces secteurs pour s'assurer une part significative d'un marché qui devrait tripler à 600 milliards d'euros par an d'ici à 2030.

Selon la dernière version provisoire consultée par l'AFP, le nucléaire sera bien mentionné. Il s'agirait d'une victoire politique importante pour la France et une dizaine d'autres pays de l'UE, dont la Pologne et les Pays-Bas, qui misent sur cette source d'énergie, face aux anti-nucléaires, Allemagne en tête.

Priorité aussi sur les matières premières critiques

Un deuxième projet de règlement, également dévoilé ce jeudi, vise à sécuriser les approvisionnements de l'UE en matières premières critiques nécessaires à l'industrie européenne. Particulièrement en terres rares et en lithium, indispensables à l'électrification de l'industrie et aux infrastructures vertes (éoliennes, panneaux solaires....) et pour lesquels l'Europe reste fortement dépendante de la Chine.

Bruxelles entend parallèlement répondre à l'inquiétude de ses industriels quant à leurs besoins croissants en matières premières. Une dépendance qui les rend vulnérables, comme l'a montré l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ce, alors que la Chine dispose d'un « outil géopolitique », avec « son quasi-monopole sur les terres rares », a rappelé Thierry Breton, qui souhaite que l'UE accroisse ses propres capacités.

Le commissaire au Marché intérieur propose pour cela des objectifs chiffrés : que l'UE puisse d'ici à 2030 extraire sur son territoire 10% de sa consommation de matières premières stratégiques, et qu'elle ne dépende pas d'un pays tiers unique pour plus de 70% de ses importations pour chacune des matières premières stratégiques. Pour les atteindre, Bruxelles propose de simplifier et d'accélérer les procédures pour les projets d'extraction en Europe.

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Contre-attaque face aux aides américaines et chinoises

Ces deux propositions constituent une réponse aux aides d'État chinoises et au plan américain dit IRA (pour « Inflation Reduction Act »). Ce dernier attire massivement les industriels européens, grâce à des subventions et des crédits d'impôts à la production et à l'achat - 391 milliards de dollars d'aides sur dix ans pour les technologies uniquement fabriquées aux États-Unis. Les groupes européens cèdent d'autant plus facilement aux sirènes de l'Amérique qu'elle offre, en plus, des coûts de l'énergie ultra-compétitifs jusqu'à six fois moins chers qu'en Europe.

« Nos partenaires et alliés, ainsi que nos rivaux systémiques, sont engagés dans une course aux subventions à un moment où notre industrie est déjà confrontée à des prix de l'énergie plus élevés que dans le reste du monde, a expliqué le responsable français, partisan d'une politique industrielle volontariste. Nous voulons renforcer nos capacités, nos exportations et nos emplois dans le domaine des technologies propres ».

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L'UE ambitionne d'assurer 40% de ses besoins avec ses propres usines. Pour y parvenir, le plan « industrie à zéro émission nette » prévoit notamment une simplification et une accélération des procédures et des octrois de permis pour les implantations industrielles, ainsi que des facilités de financement.

Il innove en ajoutant des critères environnementaux aux appels d'offres publics. Une disposition qui pourrait dans certains cas avantager des fournisseurs européens, aux tarifs plus élevés mais prenant mieux en compte leur impact écologique.

Bruxelles se défend de tout protectionnisme

La semaine dernière, la Commission européenne a déjà adopté un texte facilitant les aides d'État en faveur de projets contribuant à réduire les émissions de CO2 de l'Union européenne. Des efforts que BusinessEurope, l'organisation qui regroupe les fédérations d'employeurs de 35 pays, a par ailleurs jugé insuffisants et trop lents.

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Toutes ces mesures d'aides ont en suscité de vives critiques contre l'UE. En début de semaine, les experts du think tank Bruegel ont réagit au plan « industrie à zéro émission nette » qui avait été dévoilé dans la presse. Ils ont indiqué le trouver « profondément inquiétant (...). Ses objectifs politiques sont ouvertement protectionnistes, le but étant de substituer (par une offre européenne) les importations de produits manufacturés spécifiques, à une échelle plutôt massive », ont-ils tâclé. Des remarques auxquelles a répondu la présidente de la Commission européenne.

« C'est notre décision d'investir dans une industrie "zéro émission nette" et de faciliter le développement de nouvelles technologies propres, donc de réduire les formalités administratives et lourdeurs bureaucratiques, d'avoir des délais dans les procédures d'autorisation permettant d'accélérer le mouvement, mais il n'y a pas un seul point qui soit protectionniste », a affirmé Ursula von der Leyen.

Ce plan, qui doit contribuer à l'objectif de neutralité carbone du continent d'ici 2050, est « très ouvert », car « tout le monde peut accéder au marché (de l'UE) en respectant nos normes », a-t-elle assuré lors d'une interview accordée à Strasbourg à la European Newsroom, projet regroupant plusieurs agences de presse européennes dont l'AFP.

(Avec AFP)

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