Suez/Veolia : Ardian jette l'éponge

Dans un communiqué, le fonds dirigé par Dominique Senequier annonce qu'il renonce à déposer son offre à Engie pour racheter Suez dans le contexte et dans les délais actuels. Ce dernier soutient sa décision mais promet de continuer à se battre par "tous les moyens" contre une opération jugée "hostile".
Giulietta Gamberini
Ardian confirme avoir travaillé sur une telle offre, soutenue par les salariés de Suez et son conseil. Pour la finaliser, il affirme toutefois avoir besoin de 6 semaines de due diligence.
Ardian confirme avoir "travaillé" sur une telle offre, "soutenue par les salariés de Suez et son conseil". Pour la finaliser, il affirme toutefois avoir besoin de "6 semaines de due diligence". (Crédits : CHARLES PLATIAU)

Alors que le conseil d'administration d'Engie doit rendre aujourd'hui sa décision sur l'offre de Veolia, qui veut lui acheter pour 3,4 milliards d'euros 29,9% d'actions dans Suez, la tension ne cesse de monter entre les protagonistes de l'opération. À 14h12, un communiqué du fonds Ardian, qui la semaine dernière avait exprimé son intérêt pour la participation d'Engie dans Suez, et qui affirmait vouloir construire une offre alternative à celle de Veolia, a remis la balle dans le camp d'Engie.

Lire: Suez-Veolia : qui est Ardian, le fonds dirigé par la puissante Dominique Senequier

Ardian confirme avoir "travaillé" sur une telle offre, "soutenue par les salariés de Suez et son conseil". Pour la finaliser, il affirme toutefois avoir besoin de "6 semaines de due diligence".

Dans ce contexte, "Ardian, fidèle aux principes de négociations non hostiles, a décidé de ne pas déposer d'offre pour laisser le temps aux discussions en cours".

Le fonds répond manifestement à la déclaration rendue par Engie la veille, qui excluait la possibilité d'un nouveau report de la décision et disqualifiait toute proposition non structurée face à celle, aboutie, de Veolia:

"Nous ne pourrons examiner une offre alternative que s'il s'agit d'une offre ferme et à un prix au moins égal à celui de Veolia", avait affirmé dimanche une porte-parole d'Engie.

Lire: Le destin de Suez suspendu à la notion d"hostilité" de l'offre de Veolia

Le fonds décide ainsi de se retirer, du moins pour l'instant, et dans ce contexte d'hostilité.

Suez regrette la précipitation d'Engie

Dans un communiqué envoyé quelques minutes plus tôt, Suez affirmait d'ailleurs, "dans le contexte actuel", être "en ligne avec la décision d'Ardian de ne pas remettre d'offre au Conseil d'Engie". Son conseil d'administration y réaffirmait le caractère hostile, à ses yeux, de "l'approche de Veolia", en regrettant "la précipitation du Conseil d'Engie de vouloir décider sans analyse et sans discussion et dialogue préalables d'une offre alternative". Il menaçait:

"Afin de préserver les intérêts des actionnaires et des parties prenantes, le Conseil d'administration de Suez confirme qu'il mettra en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait."

Engie déjà "favorable" à l'offre de Veolia

La suite du feuilleton dépend ainsi désormais complètement d'Engie et de son actionnaire majoritaire, l'État. En l'absence de toute offre alternative, il serait difficile pour le conseil d'administration d'Engie de refuser la proposition de Veolia, dont il a d'ailleurs déjà accueilli "favorablement" le prix et les garanties en matière d'emploi.

Lire: Suez: rater l'offre de Veolia serait une "lourde responsabilité" (Clamadieu, Engie)

D'autant plus que, dimanche, Veolia a répondu à la dernière condition formelle posée par Engie le 30 septembre: rendre inconditionnelle sa promesse de ne pas lancer d'OPA pendant six mois sans l'accord du conseil d'administration de Suez.

L'intersyndicale de Suez s'adresse à l'État

Le souhait de l'État qu'une "guerre industrielle" entre les deux fleurons français soit évitée n'a toutefois pu être satisfait. Au contraire, chaque jour, les menaces sur la sérénité d'une telle fusion et la pression sur l'État augmentent. Ainsi, lundi, l'intersyndicale de Suez, qui avait déjà prévenu vouloir "combattre jusqu'au retrait" de l'offre de Veolia, s'est adressée à l'État en lui demandant explicitement de "surseoir à sa décision".

Elle demande même "la tenue d'une commission d'enquête parlementaire" "afin de comprendre ce qui se passe et surtout pour éviter en cette période de crise économique et Covid sans précédent, un massacre social cautionné par le ministre de l'Économie et le gouvernement".

L'intersyndicale a déjà également demandé aux présidents du Sénat, Gérard Larcher, et de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, de prendre position. Et le tribunal de Paris doit rendre le 9 octobre une décision en référé sur une demande de suspension du projet de rachat formulée par les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France.

Le 28 septembre, dans une tribune publiée par Le Point, quelque 70 élus avaient aussi demandé à l'État de prendre son temps. Et dimanche, une quarantaine de députés -majoritairement LREM- ont encore signé une lettre au ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, pour l'informer de leur opposition à une fusion Veolia/Suez, et du dépôt lundi d'une proposition de loi interdisant "les OPA hostiles durant l'état (transitoire) d'urgence sanitaire". Sans compter l'ancien ministre de l'Économie Arnaud Montebourg qui, dans une lettre ouverte, a mis en garde contre un "dépeçage" de Suez.

L'illégitimité de la fondation en cause

Suez n'a enfin toujours pas désactivé le mécanisme mis en place fin septembre afin de de garantir l'inaliénabilité de Suez Eau France. Certes, Engie évoque une violation des droits des actionnaires. Et Veolia est confiant dans sa capacité à convaincre le conseil d'administration de Suez d'y renoncer, et affirme en tous cas avoir trouvé la "parade" juridique pour se débarrasser de cet obstacle à l'opération. La cession des activités Eau France de Suez est en effet essentielle afin que le groupe résultant de la fusion respecte les règles qui interdisent les situations de monopole sur le marché. Mais, selon un avocat consulté par La Tribune qui a préféré rester anonyme, en France, "l'illégitimité" de la décision prise par le conseil d'administration de Suez est loin d'être juridiquement sûre, et un contentieux, à cause de sa durée, ne servirait pas l'intérêt de Veolia.

Lire: Ce qu'implique pour Veolia la dernière astuce de Suez

Ce mécanisme de défense de Suez continue donc de représenter un élément de tension et d'incertitude en plus. Il pourrait toutefois aussi avoir l'effet contraire: pousser l'État et Engie à se débarrasser au plus vite de Suez et de ses contraintes.

Giulietta Gamberini

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 05/10/2020 à 15:34
Signaler
C'est intelligent il est bien évident que celui qui impose sa cadence est celui qui a le plus de chances de réussir car ramenant la sémantique à lui et ses seuls intérêts au final. Dans ce cas autant prendre du recul et prendre le temps d'observe...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.