Suez refuse à nouveau la main tendue par Veolia, Engie s'énerve, Bruno le Maire aussi

Dans deux communiqués successifs, les deux géants français de l'eau et de l'environnement ont à nouveau croisé le fer ce dimanche. Veolia promet que son OPA sera amicale à l'issue du rachat des parts d'Engie. Suez continue de juger l'opération "hostile" tandis que son actionnaire Engie exige une alternative crédible et au moins au même prix face aux déclarations d'intérêt du fonds Ardian. Bruno Le Maire est intervenu dimanche soir pour appeler Veolia et Suez à "reprendre leurs discussions".
Philippe Mabille
(Crédits : Stephane Mahe)

Coups de théâtre sur coups de théâtre, rebondissements après rebondissements, l'offre de Veolia sur Suez a continué de se dramatiser ce dimanche après deux communiqués contradictoires des deux géants français de l'environnement. A 14h00, Veolia a annoncé dimanche qu'il s'engageait "inconditionnellement" à ne pas déposer d'offre publique d'achat (OPA) hostile sur Suez, accédant ainsi à la principale condition posée mercredi dernier par le grand actionnaire Engie pour lui céder ses parts. "Toute offre publique d'achat sur le solde du capital de Suez nécessitera donc un accueil favorable préalable du conseil d'administration de Suez", affirme Veolia dans un communiqué.

"Veolia apporte ainsi la garantie souhaitée par le conseil d'administration d'Engie, en complément du prix proposé et des engagements sociaux forts pris par le groupe, rendant ainsi possible la cession des 29,9% du capital qu'Engie détient dans Suez", ajoute le géant de l'eau et des déchets.

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Veolia avait annoncé fin août son intention de constituer un géant du secteur en rachetant son rival historique Suez, qui s'y oppose. Face à cette résistance et aux garanties exigées par l'Etat, actionnaire d'Engie, Veolia avait relevé mercredi l'offre faite à ce dernier, pour la porter à 3,4 milliards d'euros.

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Engie, qui a jusqu'à lundi minuit pour l'accepter, avait posé en préalable que Veolia formalise "son engagement inconditionnel de ne pas lancer d'offre publique d'achat qui ne soit pas amicale". L'engagement annoncé dimanche semblait alors ouvrir la voie à un dénouement imminent et favorable et satisfaire aussi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qui insistait pour que ce rapprochement entre ces deux fleurons français, qui se livrent une guerre sans merci depuis trois mois, se fasse sous des auspices amicaux.

Le géant de l'eau et des déchets s'est même dit prêt à "répondre favorablement à la demande formulée par Suez auprès des pouvoirs publics" de céder des actifs dans l'eau à l'international en plus de ceux de Suez en France. Au total, les cessions d'actifs seraient de l'ordre de 5 milliards d'euros (incluant les 2,2 milliards d'euros de l'Eau France)", précise Veolia dans son communiqué.

Le "communiqué trompeur" de Veolia selon Suez

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si et seulement si les dirigeants de Suez, qui défendent âprement une autre solution alternative, sans la trouver à ce stade, n'avait à nouveau rejeté la main tendue. Dans un communiqué d'une rare violence verbale, Suez a dénoncé à 14h59 le "communiqué trompeur de Veolia" et a rendu publique "le contenu de la lettre adressée ce jour à 13h14 au PDG de Veolia". Dans cette lettre Philippe Varin, le président du conseil d'administration de Suez, adresse directement au PDG de Veolia ("Cher Antoine"), une fin de non recevoir à propos des discussions en cours autour du "projet industriel" et réitère que le projet d'achat du bloc de 29,9% mis en vente par son actionnaire Engie "reste hostile". Selon Varin, "Suez n'a pas ménagé ses efforts dans la recherche d'une solution acceptable par tous, construite sur le projet de conserver en France un deuxième acteur d'envergure mondial, au profil agile et technologique dans les secteurs de l'eau et des services à l'environnement". Il considère que "les propositions faites" par Veolia "ne reprennent pas l'objectif de logique industrielle".

"Dans ce contexte, (...) nous considérons avec le conseil d'administration de Suez réuni ce jour que l'opération proposée, notamment la première étape d'achat du bloc de 29,9% des actions de Suez par Engie, reste hostile."

La guerre des communiqués risque de se poursuivre jusqu'à la fin de l'ultimatum donné par Engie pour la recherche d'une solution amicale. A défaut, ce sera au conseil d'administration du groupe présidé par Jean-Pierre Clamadieu et à l'Etat, actionnaire d'Engie, de prendre une position : vendre ou ne pas vendre les parts d'Engie dans Suez à Veolia, telle est la question en cette veillée d'armes. A moins que Suez ne sorte un chevalier blanc de son chapeau ce lundi... On attend toujours l'offre ferme d'Ardian qui s'est dit intéressé.

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Engie s'est d'ailleurs agacé de cette guerre des nerfs et a prévenu dimanche : "nous ne pourrons examiner une offre alternative que s'il s'agit d'une offre ferme et à un prix au moins égal à celui de Veolia", a déclaré à l'AFP une porte-parole d'Engie au sujet de l'offre alternative présentée par Ardian, pour l'instant une simple manifestation d'intérêt, alors que l'offre à 3,4 milliards d'euros de Veolia, qui vaut jusqu'à lundi soir, est ferme et détaillée.

Enfin, dimanche soir, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est intervenu pour appeler solennellement les groupes Veolia et Suez "à reprendre leurs discussions dans les prochaines heures afin de parvenir à un accord amiable" préservant les intérêts de chacun, lors d'une déclaration à la presse par téléphone. Le ministre a fait état de discussions intenses ce week-end entre les deux groupes, qui se sont livrés à une nouvelle passe d'armes dimanche par communiqués interposés. Pour lui, "ces progrès montrent qu'un accord est possible entre Veolia et Suez sur la cession de l'actif d'Engie dans Suez dans les prochaines heures". Peine perdue : dans un deuxième communiqué de la journée, Suez a redit que son conseil considérait que la contre-offre d'Ardian respectait mieux l'intérêt des actionnaires du groupe et portait mieux sa stratégie industrielle.

(avec AFP)

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 04/10/2020 à 21:03
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Ds le recyclage des déchets, dt les plastiques, la France ne brille pas particulièrement pour ses scores à environ 30% de matière recyclée, dépassée par l'Italie, la Belgique, les pays bas et surtout l'Allemagne qui domine à près de 70% et peu dc dev...

à écrit le 04/10/2020 à 19:52
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La situation est ubuesque: ENGIE veut vendre ses titres, veolia veut les acheter et on accuse Suez d’empêcher la transaction. Un minimum de raisonnements: 1) Suez est libre de juger comme il le veut l’aspect amical ou pas de la transaction: c’est ...

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