La France ne sortira finalement pas du charbon en 2022 : la reconversion de la centrale EDF de Cordemais est abandonnée

La centrale électrique de Cordemais devait faire l'objet d'un vaste projet de reconversion pour fonctionner à partir de granulés de bois, moins carbonés que le charbon. Le projet, initié il y a cinq ans, vient d'être abandonné par EDF. Cette décision n'est pas synonyme de fermeture immédiate pour la centrale qui devrait malgré tout fonctionner jusqu'à 2024, voire 2026, et donc mettre à mal la promesse d'Emmanuel Macron de fermer toutes les centrales à charbon françaises d'ici 2022. Mais l'avenir de la centrale et de ses emplois, à plus long terme, reste très incertain.
Juliette Raynal
La centrale électrique de Cordemais, située en Loire Atlantique, fonctionne encore au charbon.
La centrale électrique de Cordemais, située en Loire Atlantique, fonctionne encore au charbon. (Crédits : Frédéric Thual)

[Article mis à jour le 09/06/2021 à 16h10, avec la réaction du ministère de la Transition écologique, initialement publié le 08/06/2021 à 18h50]

Après la mise à l'arrêt de la centrale à charbon du Havre en mars dernier, EDF ne possédait plus qu'une centrale électrique à charbon opérationnelle en France, celle située à Cordemais, en Loire-Atlantique. Cette dernière devait faire l'objet d'une vaste reconversion pour produire de l'électricité à partir d'un bois "déchet", un combustible alternatif moins polluant et carboné que le charbon, dans le cadre du projet Ecocombust. Initié il y a cinq ans, celui-ci ne verra finalement pas le jour, a révélé le quotidien Les Echos, qui a pris connaissance d'un courrier de Jean-Bernard Levy, le PDG d'EDF, adressé aux fédérations syndicales du groupe. Une information confirmée par l'électricien français.

"EDF a pris la décision d'arrêter le projet Ecocombust de développement d'un combustible à base de bois « déchets », dit de classe B, alternatif au charbon. En effet, les conditions de la poursuite du projet ne sont pas réunies. Deux raisons principales ont conduit à cette décision : le coût du projet qui ne permettrait pas de garantir un prix attractif du produit final et le retrait récent du partenaire industriel qui était à nos côtés", explique le groupe tricolore dans un communiqué.

Baisser les émissions de 70% grâce à du bois de récupération

Ces bois "déchets" devaient représenter 80% du combustible de la centrale qui ne devait fonctionner plus que 400 heures par an. Selon les estimations d'EDF, ce procédé devait permettre de réduire les émissions de gaz à effets de serre de 71% par rapport à un fonctionnement 100% au charbon, évitant l'émission de 400.000 tonnes de CO2 par an. Une appréciation toutefois contestée par les associations environnementales.

Dans le détail, le projet Ecocombust consistait à la fois à adapter la centrale de Cordemais à ce combustible alternatif et à produire des granulés de bois sur site (à partir de palettes, de bois d'ameublement et de charpente récupérés en déchetteries) en y créant une usine de production dédiée. Le tout pour un investissement estimé à 134 millions d'euros (24 millions d'euros de dépenses ont finalement été engagés par EDF à ce jour). Suez, l'industriel qui s'est retiré du projet et que ne nomme pas EDF dans son communiqué, devait prendre en charge le traitement des effluents de l'usine de production de granulés.

Suez se désengage du projet en raison d'une rentabilité incertaine

Contacté par La Tribune, Suez explique s'être désengagé du projet en avril dernier en raison de "l'incertitude actuelle sur l'existence d'un marché aval pérenne et rentable sur le long terme en ce qui concerne les black pellets". Les black pellets étant le combustible alternatif produit à partir des bois déchets que devait produire Suez sur le site. "Le caractère très innovant et le manque de retour d'expérience sur ce type de produit, ainsi que l'envolée récente des prix des matières premières, ont pénalisé l'économie du projet", complète EDF.

Cette décision n'est pas pour autant synonyme de fermeture immédiate pour la centrale de Cordemais. Celle-ci devrait, en effet, continuer à produire de l'électricité à partir du charbon, et ce au-delà de 2022, mettant ainsi à mal la promesse d'Emmanuel Macron de fermer toutes les centrales à charbon de France d'ici la fin de son mandat.

La promesse d'Emmanuel Macron mise à mal

En effet, la centrale de Cordemais va en quelque sorte bénéficier du déficit de production d'électricité dans le Grand Ouest, qui pâtit également du retard du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche), dont la mise en service devrait intervenir fin 2022, au mieux. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité haute tension, juge ainsi que le maintien de la centrale de Cordemais est indispensable pour sécuriser l'approvisionnement en électricité de la région. "La réglementation actuelle prévoit la possibilité pour la centrale de Cordemais de poursuivre, au-delà de 2022, son exploitation en utilisant du charbon, dans une limite de 750 heures par an", précise EDF.

"La loi énergie climat permet de poursuivre l'exploitation de la centrale au-delà de 2022, en utilisant du charbon, puisque RTE a confirmé le besoin jusqu'en 2024, voire 2026", souligne dans son courrier Jean-Bernard Levy.

Dans un communiqué de presse, publié ce vendredi 9 juillet, le ministère de la Transition écologique défend son engagement pour l'arrêt progressif des quatre dernières centrales à charbon de métropole et dit confirmer "sa trajectoire de sortie du charbon".

"D'ici la fin du quinquennat, les fermetures de trois centrales à charbon et la très forte limitation de fonctionnement de la dernière centrale à Cordemais auront permis de réduire de plus de 90 % les émissions liées au charbon en 2022 par rapport à 2017, tout en assurant la sécurité d'approvisionnement. D'ores-et-déjà, la production d'électricité à base de charbon atteint en 2020 un plus bas historique de 1,4 TWh contre 9,2 TWh en 2017", rappelle le gouvernement.

Quid des emplois ?

Mises en service en 1983 et 1984, les deux unités de la centrale à charbon de Cordemais font donc de la résistance. Mais pour combien de temps ? Grâce à ce projet de reconversion, les quelque 330 salariés du site étaient confiants pour leur emploi. Mais aujourd'hui, c'est la grande incertitude pour l'avenir du site à plus long terme.

Selon EDF, l'effectif du site évoluera "vers une cible légèrement au-dessus de 200 personnes". L'énergéticien cite également la mise en place de mesures internes pour "favoriser les redéploiements" des salariés, suite à un accord signé en 2019 avec les organisations syndicales pour accompagner la fermeture des centrales charbon. Quant aux 40 salariés d'EDF mobilisés sur le projet Ecocombust, ils seront réaffectés sur d'autres projets ou missions.

Juliette Raynal

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Commentaires 13
à écrit le 10/07/2021 à 12:25
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Grâce à nos idéologues de tous poils, ils ont des certitudes absolues sur tout.... Je crains pour l'avenir. C'est déjà maintenant la catastrophe.

à écrit le 09/07/2021 à 20:47
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C'est plus facile de critiquer les autres, Allemands ou Polonais, que de faire mieux soi-même.

à écrit le 09/07/2021 à 12:50
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Le bilan de Macron est catastrophique quel que soit le sujet que l'on évoque. C'est un fait. Si encore il avait ruiné la France dans la joie et l'allégresse générale, on se dirait qu'on a pas tout perdu mais là c'est tout le contraire, pour le petit...

à écrit le 09/07/2021 à 8:40
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Ben oui et c'est bien pour ça que maintenant les promesses vont au delà de 2030 !

à écrit le 09/07/2021 à 8:28
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Et on a fermé la centrale de Fessenheim Bravo!!! entre les ecolos et les politiques on a vraiment des proffesionels! Idiocratie dans toute sa splendeur.

à écrit le 09/07/2021 à 7:38
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Pour l’instant pas de solution sans le nucléaire

à écrit le 09/07/2021 à 7:24
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ont percois de mieux en mieux la lachete de ce gouvernement qui impose des contrainte que nul autre etat legifere a ses adminstre mais continue avec le charbon et ferme une central nucleaire le en meme temps voir les illusions perpetuel

à écrit le 08/07/2021 à 20:38
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Du nucléaire. Pas d'issue sans le nucléaire 💥

le 08/07/2021 à 22:15
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C'est clair, brûler du charbon ou du bois pour produire de l'électricité, c'est quand même l'âge de pierre de la production énergétique ...l'atome est pour l'instant irremplaçable.

le 08/07/2021 à 23:02
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Je vois qu'il y a des amateurs de MOX dans leur potager...

le 09/07/2021 à 9:08
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@ megadebt C'est quelques tonnes de déchets nucléaires OU des millions de tonnes de CO2...au choix ! Ou alors, on renonce collectivement à consommer de l'électricité. C'est pas parti pour.☹️

le 09/07/2021 à 15:17
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@Valbel89 Le CO2 que vous expirez ne semble pas vous poser de problème de conscience alors pourquoi tant de tapage médiatique contre celui de vos voisins? Pour ma part, je ne suis pas adepte de la scientologie verte à géométrie variable et j...

le 09/07/2021 à 15:31
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@Valbel89 Votre raisonnement manichéen est absurde, l'atome coûte très cher à la France par son occupation du Mali et la sécurité de son exploitation. L'usage de l'atome par EDF financé par nos impôts est abusif et nous rend dépendant à celui...

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