La mer, trésor français (12/14) : l'énergie des mers, une mine largement inexploitée

[ Série d'été - Hebdo #178 "La mer, terre d'entrepreneurs" ] Alors que le monde découvre l'immense potentiel des énergies marines, la France, dotée d'atouts précieux, ne doit pas rater la vague.
Dominique Pialot
En dépit de leurs nombreux avantages, les énergies marines renouvelables ne pèsent encore presque rien dans le mix énergétique global : 0,03 % de toute la production renouvelable.

La première éolienne flottante de France sera bientôt installée au large du Croisic, sur le site d'essais de l'École centrale de Nantes. À l'inverse de l'éolien posé (fixé aux fonds marins grâce à des fondations), exclu par convention des « énergies marines » stricto sensu, l'éolien flottant, sur lequel la France mise beaucoup, n'est qu'une des multiples technologies (mécaniques, chimiques, thermiques...) qui permettent de produire de l'énergie à partir de la mer. Ces énergies marines renouvelables (EMR) présentent les mêmes avantages que les autres (pas d'émission de gaz à effet de serre, production distribuée à partir de ressources locales, indépendance énergétique accrue, etc.). Mais elles ont d'autres atouts encore : moins de conflits d'usage, une meilleure acceptabilité et une bonne prédictibilité, voire une production quasi constante pour certaines, qui leur permet d'être partiellement utilisées comme énergie de base. Pour cette même raison, elles se prêtent particulièrement bien à l'intégration aux réseaux électriques, notamment dans des environnements insulaires.

À peine 0,03% de la production renouvelable

En dépit de ces nombreux avantages, une étude réalisée par EY révèle que les énergies marines renouvelables ne pèsent encore presque rien dans le mix énergétique global : 562 mégawatts (MW) en 2015, dont 15 MW d'éolien flottant. Soit 0,03 % des énergies renouvelables. Pourtant, leur potentiel théorique représenterait entre 100 % et 400 % de la demande mondiale en électricité. Aujourd'hui, seules les technologies utilisant l'énergie marémotrice sont réellement matures, avec une capacité installée de 0,5GW dans le monde ; mais les barrages érigés dans les baies sont souvent mal perçus par les riverains. Celles basées sur l'énergie des courants (hydrolienne) ou des vagues (houlomotrice) sont mieux acceptées et semblent plus prometteuses.

Côté potentiels, les chiffres se bousculent et donnent le tournis : 36GW de capacités installées en 2040 dans le « scénario 450 » de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), compatible avec la limitation de la hausse des températures à +2 °C ; 337 GW en 2050 et 300 000 emplois directs dans le monde pour Ocean Energy Systems. Tout juste émergent, l'éolien flottant pourrait représenter 2 GW en 2020, et de 10 à 22 GW en 2030.

L'étude souligne le rôle essentiel des politiques publiques et leur ambition aujourd'hui limitée. Pourtant, des politiques d'incitation à la R & D, au développement de démonstrateurs et aux investissements dans ces secteurs ont vu le jour ces dernières années dans les pays concernés, notamment en France. Sur le plan technique, la compétitivité de ces technologies reste aujourd'hui freinée par diverses difficultés : la connexion au réseau, l'obtention de permis pour l'offshore, l'entretien d'équipements en milieu marin hostile, etc. C'est pourquoi un soutien public et la construction de démonstrateurs à l'échelle 1 seront nécessaires pour leur permettre de l'améliorer. Les différentes études s'accordent sur un fort potentiel de réduction des coûts, encore inexploité, entre le prototype et la phase commerciale. Pour le réaliser, des économies d'échelle et des tests en pleine mer, permettant d'étudier et d'acquérir des compétences d'installation, d'exploitation, de maintenance et même de démantèlement dans cet environnement spécifique, sont indispensables. Le regroupement de plusieurs types d'énergies marines sur un même site doit également s'envisager pour permettre de mutualiser les coûts d'exploitation et de maintenance.

Au-delà de sa première éolienne flottante, la France, avec quelque 11 millions de kilomètres carrés marins sous sa juridiction (DOM-COM compris), a de quoi faire : c'est l'un des pays les mieux dotés en termes de ressources marines, dont le ministère de l'Écologie estime le potentiel entre 3 et... 45 GW !

La France veut tirer parti de ses atouts

Plusieurs appels d'offres ont été lancés ces dernières années. Un certain nombre de projets, essentiellement des fermes hydroliennes, ont été développés depuis 2014 et plusieurs démonstrateurs et sites pilotes ont été raccordés au réseau.

Outre ses compétences développées depuis cinquante ans grâce à l'usine marémotrice de la Rance, la France bénéficie de l'expertise de son tissu industriel en matière d'industries marines et de plateformes offshore.

Les énergies marines renouvelables mobilisent à la fois de grands groupes (GE/Alstom, Engie, DCNS, EDF Énergies nouvelles, Bouygues, Eiffage, Vinci), des startups (Geps Techno), des ETI (Quadran) et des PME.

Les premiers lauréats de l'appel à projets « éolien flottant » pourraient être annoncés en juillet, et de nouveaux appels d'offres commerciaux ont été promis prochainement pour l'hydrolien et l'éolien flottant.

Un décret de la planification des investissements (PPI) publié en avril 2016 pour adopter la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a révisé à la hausse les ambitions marines françaises : 100 MW d'EMR (hors éolien offshore posé) devraient être installés d'ici à fin 2023, avec une possibilité de 200 à 2000 MW de plus, en fonction du retour d'expérience des fermes pilotes et sous condition de prix. Concernant l'éolien offshore posé, 3 000 MW sont attendus d'ici à 2023, avec la possibilité d'installer 6000 MW supplémentaires. Mais ces objectifs supposent un rythme annuel d'installation de 620 MW.

Les collectivités d'outre-mer, où le coût de production d'électricité avoisine les 200 €/MWh et dépasse parfois 500€/ MWh, offrent des terrains d'expérimentation rêvés pour les différentes énergies marines. Celles-ci pourraient permettre à la Polynésie française d'atteindre son objectif de 10 % de renouvelables dans son mix énergétique, et 50 % dans son électricité, en 2020.

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DES CHIFFRES

100 MW

C'est l'objectif français de production d'énergies marines, à l'horizon 2023.

100 GW

C'est le potentiel mondial de l'énergie hydrolienne. Seuls 25 GW sont exploitables à ce jour.

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Dominique Pialot

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Commentaires 7
à écrit le 10/09/2016 à 1:27
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Le prix du solaire et de l'éolien en Amérique latine et notamment au Chili (contrat Solarpack Corporacion Tecnologicade du 17 août 2016) est de 25,6 euros le MWh et çà devrait encore continuer de baisser avec la meilleure organisation de ces industri...

à écrit le 09/09/2016 à 11:32
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Oui, c'est bien gentil ce genre d'articles très haut perchés. Après quand on va dans le détail ( et j'y ai passé quelques années) : on se rend compte que ces énergies ne sont pas compétitives même à une échelle industrielle. ( Donc, très bien c...

le 09/09/2016 à 21:37
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Les concepteurs de la centrale de Fukushima avaient eu le même raisonnement que vous ....

le 09/09/2016 à 21:40
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Et ceux de celle de Tchernobyl sûrement aussi....

le 09/09/2016 à 23:21
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Demandez aux allemands si ce n'est pas rentable! Ils nous revendent de l'électricité tout les jours produit par l'éolien offshore!! Le nucléaire c'est formidable on est trop fort nous les français avec notre électricité pas chère sauf qu'il faudra un...

à écrit le 09/09/2016 à 10:52
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Nos écolos et nos retraités sur la côte n'en veulent pas. La peur de la dévaluation immobilière est tenace (les éoliennes en mer seront à plus de 40 km des côtes mais bon ça fait peur). On a prix 15 ans de retard par rapport à l'Europe du nord, donc ...

à écrit le 09/09/2016 à 9:45
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Merci infiniment pour cet article. En effet les forces marémotrices et l'éolien offshore pourraient subvenir à nos besoins en énergie car contrairement au solaire, fonctionnant 24h/24. Au Japon lors du tsunami, tandis que la centrale de Fukus...

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