Préparer le terrain pour permettre à EDF de construire le plus rapidement possible six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2, voire 14, dès que ce programme titanesque aura été voté par le Parlement au deuxième semestre 2023, en partant du principe que les assemblées entérineront la relance nucléaire brossée par le chef de l'Etat lors de son discours de Belfort en février dernier. C'est bien la logique dans laquelle travaille le gouvernement, qui a présenté ce matin un projet de loi visant à accélérer la construction de ces nouveaux réacteurs sur, ou à proximité, des sites nucléaires existants, en simplifiant les procédures administratives.
« Suite à la présentation de ce texte en conseil des ministres, l'enjeu est de le travailler avec les assemblées pour que son examen démarre fin décembre ou début janvier », précise-t-on au cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique.
Accélération vs consultation
Un calendrier législatif qui contribue à alimenter de nombreuses critiques quant à l'utilité de consulter les Français sur l'avenir énergétique de la France et l'opportunité d'un nouveau programme nucléaire. Ou, du moins, à s'interroger sur la latitude de ces exercices de démocratie participative, lancés respectivement le 20 et le 27 octobre derniers. De quoi pousser certaines ONG à déplorer « une parodie de consultation ».
« Il y a deux choses différentes. La question "Est-ce qu'on y va [sur un nouveau programme nucléaire] ?" est en débat public et sera présentée aux assemblées. Ce projet de loi, lui, pose un cadre d'accélération», défend l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher. « L'objectif est de se donner la possibilité de simplifier les choses si jamais on décide de le faire », argue-t-on encore.
Alors que le Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui regroupe syndicats, patronat et ONG, a « regretté les délais insuffisants » qui lui ont été laissés pour se prononcer sur ce projet de loi, le ministère de la Transition énergétique rappelle que le texte «ne touche pas à la question de la protection de la biodiversité autour des sites nucléaires, ne touche pas à la participation du public, et ne touche pas à la pleine appréciation de l'Autorité de sûreté nucléaire sur les enjeux de sûreté qui entourent le parc nucléaire existant et le nouveau parc».
Moins de procédures pour un premier coup de pioche pendant le mandat
Le gouvernement justifie également cet empressement par des arguments géopolitique, climatique et économique. La France souhaite, en effet, être le premier grand pays à sortir des énergies fossiles pour accélérer sa transition et son indépendance énergétique et table sur l'atome civil et les énergies renouvelables pour y parvenir. Le gouvernement fait aussi valoir l'intérêt économique des consommateurs : « plus on construit vite, plus l'électricité produite sera compétitive», explique-t-on au ministère de la Transition énergétique.
Concrètement, le texte se concentre sur « les procédures administratives » afin qu'elles soient « les plus efficaces possibles pour gagner du temps, vraisemblablement plusieurs années sur la réalisation des futurs EPR2 », explique le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. L'objectif est de pouvoir gagner au moins deux ans afin que le « premier coup de pioche » puisse être donné « dans ce quinquennat ». L'exécutif vise ainsi une mise en service de la première paire d'EPR, qui est prévue sur le site de Penly (Normandie), entre 2035 et 2037.
Dans les faits, le texte vise d'une part à rassembler les démarches liées à l'urbanisme, à la réglementation nucléaire et aux autorisations environnementales « dans un nombre resserré de procédures administratives » afin de « simplifier le travail du porteur de projet et de donner plus de lisibilité au public ».
« Pas question d'enlever des habitations pour mettre des EPR à la place »
L'autre enjeu est de « traiter un certain nombre de petites simplifications », explique le cabinet de la ministre en faisant notamment référence à l'accélération des « expropriations des terrains qui se situent en bordure des sites ». « Il n'est pas question d'enlever des habitations pour mettre des EPR à la place », veut toutefois rassurer le ministère. Les expropriations viseraient plutôt « les parcelles inutilisées ou délaissées en voisinage des sites d'EDF et dont on pourrait avoir besoin pour mettre une sous-station électrique ou une une installation de pompage », explique-t-on. « En aucun cas, on porterait atteinte à des espaces habités », promet l'entourage de la ministre.
In fine, l'objectif de ce projet de loi est de permettre à EDF de pouvoir démarrer les travaux de terrassement sans attendre que le décret d'autorisation de création (le DAC dans le jargon) ait été validé. « Ce qui va permettre à EDF de gagner énormément de temps », avance le ministère de la Transition énergétique.
Une cellule interministérielle pour éviter un Flamanville bis
Outre ce dispositif législatif, le gouvernement table sur une délégation interministérielle dédiée au nouveau nucléaire. Elle sera dirigée par Joël Barre, ancien délégué général de l'armement, qui a « la maîtrise des très grands programmes et de la coordination entre un porteur de projet et ses sous-traitants », pointe le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. Cette entité de 10 à 15 personnes aura un rôle de coordination de l'ensemble des administrations autour de ce programme pour « le faire avancer avec succès », explique-t-on encore. Elle sera placée sous l'autorité de la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne et travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l'Economie et des Finances et celui de la Transition énergétique.
« Elle sera un point d'entrée au sein de l'Etat pour EDF » et servira de « feedback de l'Etat vers EDF» pour véhiculer «les bonnes pratiques » et indiquer où se focaliser. Parfois présentée comme « une cellule miroir », l'entité doit aussi permettre de s'assurer que la filière nucléaire soit à niveau tant sur le plan de la capacité industrielle, que sur le plan de la formation, des compétences et des emplois. «Cette délégation a un but très clair. C'est de ne pas réitérer l'expérience du projet Flamanville, qui a servi de démonstrateur à la filière », et dont le chantier accumule aujourd'hui plus de dix années de retard...
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