Suez/Veolia : Mestrallet plaide pour l'alternative soutenue par Ardian et GIP

Auditionné au Sénat, le patron historique de Suez et Engie a insisté sur les avantages d'une solution préservant les deux acteurs français. Le projet d'un « champion » unique porté par Veolia amènerait en revanche selon lui à un affaiblissement des deux groupes.
Giulietta Gamberini
Comme « solution avantageuse » pour les deux groupes, qui sont « déjà deux leaders mondiaux » et pourraient ainsi rester « équilibrés et puissants », il suggère plutôt une cession des actions achetées par Veolia contre des actifs de Suez qui « feraient du sens » dans son projet.
Comme « solution avantageuse » pour les deux groupes, qui sont « déjà deux leaders mondiaux » et pourraient ainsi rester « équilibrés et puissants », il suggère plutôt une cession des actions achetées par Veolia contre des actifs de Suez qui « feraient du sens » dans son projet. (Crédits : Jacky Naegelen)

« J'invite Antoine Frérot à saisir la main tendue sans préalable ».

C'est l'appel lancé mercredi 20 janvier au PDG de Veolia par Gérard Mestrallet, auditionné au Sénat par le groupe de travail consacré aux conséquences du projet de fusion entre Veolia et Suez. La « solution amicale et rapide à la situation créée par l'intention d'offre de Veolia » proposée par Suez le 17 janvier, avec le soutien des fonds d'investissement Ardian et GIP« mérite son attention », estime en effet le patron historique de Suez et Engie qui, n'ayant «plus de lien juridique » avec ces deux entreprises, se dit désormais « indépendant et libre » dans ses propos.

« Elaborer une troisième voie négociée et aimable »

Selon Gérard Mestrallet, les discussions, pour être fructueuses, devront néanmoins porter sur les deux projets: celui de Veolia de créer un « champion mondial » unique dans l'eau et les déchets, et celui de Suez de renforcer « chacun des deux leaders français des services à l'environnement », afin d'éventuellement « élaborer une troisième voie négociée et aimable ». Une approche qui, selon son interprétation d'une interview publiée le jour même dans Les Echos, serait soutenue aussi par Eric Lombard, patron de la Caisse des dépôts, actionnaire à hauteur de 6,1% de Veolia:

Ses propos « ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une fusion, mais d'une solution qui préserve les deux acteurs français », considère Gérard Mestrallet.

Le refus déjà exprimé par Veolia de renoncer aux 29,9% de Suez déjà achetés à Engie n'a donc pas de sens à ses yeux:

« Si on veut deux grands groupes français, il n'est pas pensable que l'un soit actionnaire de l'autre », analyse-t-il.

Comme « solution avantageuse » pour les deux groupes, qui sont « déjà deux leaders mondiaux » et pourraient ainsi rester « équilibrés et puissants », il suggère plutôt une cession des actions achetées par Veolia contre des actifs de Suez qui « feraient du sens » dans son projet. En revendant les actions ainsi rachetées à des investisseurs -y compris américains, puisque 40% des actifs de Suez se trouvent aux Etats-Unis-, Suez pourrait ainsi utiliser les recettes pour acquérir d'autres actifs améliorant sa stratégie.

Un « grand champion » « écrasé par la dette »

Contrairement à cette solution « gagnant-gagnant », le projet initial de Veolia amènerait à un affaiblissement des deux groupes, estime en revanche Gérard Mestrallet. Pour acquérir Suez, Veolia devra en effet non seulement débourser 11,4 milliards d'euros au total -dont 3,4 ont déjà été payés à Engie-, mais aussi reprendre sa dette, de quelque 10 milliards d'euros. La dette de Veolia, aujourd'hui de 12 milliards d'euros, finirait donc par quasiment tripler, raisonne Gérard Mestrallet. Résultat: le « grand champion français » ainsi créé serait « affaibli » et « écrasé par la dette ».

Puisque l'augmentation de capital envisagée par Veolia ne dépasse pas 2 milliards d'euros, la seule solution à sa disposition serait donc la vente d'actifs: le désinvestissement de « presque tout ce qu'il aura acheté », analyse Gérard Mestrallet, ce qui va aboutir à ses yeux surtout à la « destruction de son principal concurrent »Suez serait en effet réduit à « un petit acteur français », avec par conséquence une perte en termes d'« expansion de l'école française de l'eau à l'international »Sans compter que Veolia disposerait finalement de moins d'argent pour la recherche, et serait contraint de détruire des emplois, puisque Mestrallet dit ne pas « arriver à voir comment les engagement de Veolia sur l'emploi seraient compatibles avec les 500 millions de synergies évoquées ».

Les fusions hostiles toujours destructrices

D'une manière plus générale, les fusions, « parfois nécessaires » (l'ancien PDG rappelle en avoir réalisées lui-même six tout au long de sa carrière), fonctionnent selon lui seulement quand elles sont amicales, c'est-à-dire préparées en amont et ensemble par les entreprises concernées. Celles perçues comme hostiles sont plutôt « destructrices de sens, d'esprit d'équipe, de valeur », notamment dans les services qui « reposent surtout sur le capital humain », et lorsqu'il s'agit d'entreprises avec des cultures différentes et anciennes, estime Gérard Mestrallet.

Or, en l'espèce, « les conditions dans lesquelles Suez a été approché », impliquant « l'imposition unilatérale d'un projet », « ne permettent pas de discussion sereine », considère-t-il.

Si l'ancien patron ne remet pas en cause la cession des titres de Suez par Engie, qu'il aurait pu lui-même décider si une « opportunité d'expansion importante dans l'énergie s'était présentée », il en critique en effet les modalités.

« C'était à Engie de fixer le calendrier », estime-t-il.

« Si le processus avait été organisé en six mois -un temps pas très long compte tenu de l'histoire de Suez-, on aurait d'ailleurs fini par avoir une offre d'Ardian et GIP au même prix que celui proposé par Veolia. On aurait alors pu vendre à un partenaire choisi par Suez plutôt qu'à un concurrent », note Gérard Mestrallet.

« Ce n'est pas raisonnable de bloquer si longtemps deux entreprises dans un tel contexte de crise »ajoute Gérard Mestrallet, en rappelant que l'OPA envisagée par Veolia dans Suez est actuellement suspendue par le gel judiciaire de ses droits de vote, ainsi que par la nécessité d'attendre le feu vert des autorités de la concurrence sur la fusion. Il appelle en outre l'Etat, au nom de son « obligation de régulateur », à « assurer que la solution finale maintiendra une saine concurrence sur le marché français »: or, selon lui, « celle de Veolia ne répond pas à ses yeux à cette cette condition ».

Giulietta Gamberini

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