Dans les coulisses de Veolia/Suez : réseaux, jeux de pouvoir et avenir d'Engie

L'ENQUÊTE. Veolia avait prévu de mener une guerre-éclair, un véritable Blitzkrieg sur Suez. Mais rien ne s'est passé comme prévu. Freinée par la résistance acharnée du management de Suez, par les rodomontades du gouvernement qui n'a cessé d'envoyer depuis deux mois des signaux contradictoires, l'opération est à la peine. Surtout, derrière l'offensive de Veolia pour créer le "champion mondial de la transition écologique", c'est aussi l'avenir d'Engie qui se joue en coulisses, avec Emmanuel Macron en marionnettiste. Récit et révélations.
(Crédits : STEPHANE MAHE)

Fin août, l'effet de surprise a joué à plein. Quand Antoine Frérot, PDG de Veolia, annonce son intention de racheter à Engie, vendeur depuis la fin juillet, de 29,9 % des actions Suez, c'est un tremblement de terre chez son concurrent. La direction de Suez n'est tenue au courant de l'offensive de Veolia que quelques heures avant son dévoilement public. Un syndicaliste CFDT chez Suez se souvient : « La surprise est totale. Ce sont même des collègues d'Engie le dimanche 30 août qui nous préviennent qu'une OPA va être balancée contre nous. C'est nous qui avons appelé le directeur [Bertrand Camus]. Du côté de la direction, ils n'étaient pas au courant ! » Certes, racheter Suez à tout juste 29,9% permet à Veolia de ne pas lancer une OPA en bonne et due forme. Cela y ressemble fort pourtant. L'objectif de l'ex-Générale des Eaux est bien de réussir à fusionner avec sa concurrente historique l'ex-Lyonnaise des Eaux.

Si la direction de Suez est surprise, c'est que le patron d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu les avait rassuré plusieurs semaines avant sur le calendrier d'une éventuelle vente de Suez : « On a tout le temps », avait-il ainsi expliqué au coeur de l'été à Philippe Varin et Bertrand Camus, les dirigeants de Suez. Et lorsqu'en février, il leur avait déjà annoncé son intention de vendre, Clamadieu avait également tenu à les rassurer :

« Ne vous inquiétez pas, vous serez prioritaires ».

Pour discuter à nouveau du sujet, rendez-vous avait été pris entre les trois hommes pour le 7 septembre. « Contrairement à la légende qui voudrait qu'on soit parti en vacances en se tournant les pouces, on a passé tout l'été à travailler sur des offres à soumettre à Engie et à faire le tour des cabinets », nous raconte, un poil crispé, un haut cadre de Suez.

Quand il part dans la bataille, Antoine Frérot est confiant. Durant l'été, il s'est assuré le soutien des syndicats de Veolia. Ses éléments de langage pour les médias et les pouvoirs publics sont prêts : ils sont axés sur la souveraineté économique, très à la mode depuis l'épidémie de Covid-19. Il s'agit ni plus ni moins de constituer « un champion français des services à l'environnement ». Et puis, dès début juin, il a annoncé ses projets à Emmanuel Macron lors d'une entrevue à l'Elysée. « Ce n'était pas une rencontre bilatérale », tient désormais à nous préciser le château. Manière toutefois de prendre la température du pouvoir sur un secteur économique éminemment politique : « Il a été demandé à cette occasion à l'Elysée s'ils s'y opposeraient », nous relate aujourd'hui un conseiller de Veolia. Bref, le feu vert du pouvoir suprême semble acquis. Pourquoi s'inquiéter ?

D'autant qu'à la manoeuvre auprès de Veolia, on trouve Jean-Marie Messier, un banquier d'affaires redevenu incontournable depuis quelques années sur la place de Paris, et en particulier sous l'actuel quinquennat. Pour cet ancien inspecteur des finances, ex-conseiller d'Edouard Balladur, cette offensive de Veolia sur Suez a comme un goût de revanche. En 1994, il avait pris la succession de Guy Dejouany à la tête de la Générale des Eaux. Il s'était alors lancé dans la constitution du groupe Vivendi, en séparant l'activité eaux - rebaptisée Vivendi Environnement puis Veolia -, pour la faire coter séparément. On connait la suite... Peu de temps après la seconde victoire de Jacques Chirac en 2002, il sera éjecté de son groupe.

« Dallas, c'est plus simple ! »

Depuis, Messier a retissé patiemment - et loin des médias - sa toile d'influence dans le Paris des affaires et de la politique. Quand Emmanuel Macron devient ministre de l'Economie en 2014, ce dernier rencontre d'ailleurs le banquier d'affaires alors qu'il est le conseil de l'Etat, épaulé alors par François Roussely, sur l'épineux dossier Areva. Auprès de Kohler et Macron, ces deux-là vont alors distiller leur « vision » de l'énergie en France. Après 2017, le pouvoir macroniste fait ainsi nommer Jean-Pierre Clamadieu président d'Engie, et chez EDF, le projet Hercule est rapidement lancé. Un futur « big bang » de l'énergie en France est bien en route. Au programme : relance du nucléaire à EDF (1), et nouvelle répartition des rôles entre l'électricien national, le pétrolier Total, et le groupe Engie. Pour ce dernier, l'Etat réfléchit à un désengagement.

En attendant, Antoine Frérot, le patron de Veolia, peut compter sur d'autres soutiens de poids comme David Azéma (via la banque d'affaires Perella Weinberg), ex patron de l'APE à Bercy (alors proche d'Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de l'Elysée), qui fut au début des années 1990, conseiller au sein du cabinet de Martine Aubry, ministre du Travail, comme un certain... Jean-Pierre Clamadieu. Comme si ça ne suffisait pas, Veolia utilise aussi les services d'autres banques (comme Citi dirigée en France par Laurence Parisot, ancienne patronne des patrons), ou des experts en relations publiques comme Stéphane Fouks, patron d'Havas, ou Ismaël Emelien, ancien conseiller à l'Elysée.

En face, Suez n'est pas en reste. Le groupe de Philippe Varin se fait notamment conseiller par la banque Rothschild, Goldman Sachs et JP Morgan. Bref, c'est tout le capitalisme français qui est entré en ébullition à la fin de l'été à la faveur de l'offensive d'Antoine Frérot. Au total, pas moins de quinze banques d'affaires sont engagées sur l'opération, entre Veolia, Suez et Engie. Sur la place de Paris, les pro comme les anti-Frérot fourbissent leurs armes. Henri Proglio, l'ancien patron de Veolia, ne cache pas en privé ses réserves sur l'offensive en cours.

« Ils ont tous un compte à régler. Frérot veut tuer tout le monde, Proglio veut se venger, Messier veut tuer Proglio. Dallas, c'est plus simple ! », s'amuse un initié de la bataille en cours.

Le fantasme d'un « scénario à la russe »

Dans cette bataille dantesque, Veolia peaufine ses arguments. Le groupe assure avoir trouvé les remèdes adaptés pour répondre aux problèmes de concurrence, en vendant notamment toute l'activité française eau de Suez à un tiers. Le fonds Meridiam, spécialisé jusqu'à présent dans des prises de participation minoritaires dans des partenariats public-privé (PPP), est évoqué comme un éventuel repreneur. Et mi-septembre, Antoine Frérot s'engage pour préserver l'emploi à l'issue de cette opération : « Je veux dire aux salariés de Suez que non seulement ils n'ont rien à perdre, mais tout à gagner ! Il n'y aura aucune perte d'emplois. » Bref, pour Veolia, les planètes semblent alignées :« Ils se disent que Varin va se coucher et que Camus n'a pas de réseau. Ils pensaient le truc plié », confie un cadre du groupe.

La contre-attaque de Suez

Contre toute attente, Suez va mener une contre-attaque tous azimuts. Le vice-président Éric Ghebali, chargé du développement international, mobilise ses multiples réseaux, tant dans le monde politique et que des milieux d'affaires. En deux semaines, l'intersyndicale de Suez, qui s'adjoint les services de l'avocat médiatique Jean-Pierre Mignard, tente par tous les moyens de « desserrer l'étau », notamment en rencontrant à tour de bras des responsables politiques, comme les parlementaires Mathilde Panot de la France Insoumise ou Patrick Vignal de LREM. Farouchement opposé à une telle opération, Jean-Louis Borloo multiple les contacts auprès des élus.

Résultat, au sein même de la majorité, un bon nombre de députés commencent à douter de l'opportunité d'une telle fusion. Les élus locaux s'inquiètent des conséquences pour l'emploi, et de ne plus disposer pour la gestion de leurs réseaux d'eau d'un concurrent solide face à Veolia. Ils sont nombreux à relever que le fonds Meridiam proposé par Antoine Frérot pour reprendre les activités eau en France de Suez n'est pas un opérateur industriel et n'a jamais géré d'entreprise. De son coté, le président de l'Assemblée Nationale, Richard Ferrand se désole auprès de l'un de ses interlocuteurs :

« C'est Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, qui décide de tout, c'est comme ça que ça marche».

De son coté, Arnaud Montebourg, l'ancien ministre du redressement productif, monte au créneau à plusieurs reprises, et dénonce un « scénario à la russe » dans lequel le pouvoir aurait décidé « de prendre une proie et de l'offrir à l'un de ses amis ». Dans l'Opinion, plusieurs élus LR publient une tribune dans laquelle ils craignent que les « synergies » promises par Veolia ne se traduisent par « des fermetures de sites industriels ». Bref, l'affaire prend une tournure politique. L'intersyndicale de Suez enfonce le clou en exigeant une enquête de commission parlementaire, tout en saisissant le Parquet National Financier pour demander l'ouverture d'une enquête judiciaire !

Les « trois sorcières » de Suez

Pourtant, chez Veolia, on est persuadé que « Varin veut vendre », et on se désole qu'il soit poussé à une « politique de la terre brulée » par les membres de son conseil d'administration. Un comité ad hoc au sein du conseil refuse notamment toute perspective d'un « mini Suez ». Dans le viseur des soutiens d'Antoine Frérot, on trouve notamment trois administratrices : Anne Lauvergeon, l'ex PDG d'Areva, Delphine Ernotte, l'actuelle présidente de France Télévisions, et Isabelle Kocher, l'ancienne directrice générale d'Engie. « Les sorcières de Suez », balance, non sans misogynie, un partisan de l'opération en cours. Quant aux soutiens de Suez, certains n'hésitent pas à pointer les « réseaux gays du patronat » qui soutiendraient Veolia. Ambiance...

C'est que la bataille entre les deux groupes se tend au fil des jours. Suez protège ainsi ses activités eaux en France dans une fondation de droit néerlandais. Concrètement la vente de Suez eau France ne peut plus se faire sans l'accord de ladite fondation.

« Les autorités de la concurrence vont finir par vouloir que Veolia cède ses activités eaux issues de la Générale des Eaux ! », rigole un soutien de Suez. « Leur ancien directeur financier, Philippe Capron [aujourd'hui engagé dans le dossier comme banquier d'affaires chez Perella Weinberg, ndlr], aurait dû anticiper une telle « poison pill » [pilule empoisonnée, ndlr], car cet ancien d'Arcelor avait mis en place à l'époque un tel mécanisme face à Mittal ».

Dans le même temps, Suez tente de susciter une offre alternative de rachat via le fonds Ardian. Très vite pourtant, le président d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu, fait comprendre à Dominique Senequier, la patronne d'Ardian (ex Axa Private Equity), que son offre sera considérée comme « inamicale » ; celle-ci préfère jeter l'éponge. Fin septembre, tout s'accélère. À l'issue du conseil d'administration d'Engie du 5 octobre actant la cession, les titres Suez détenus par le groupe sont livrés. En retour, le virement de 3,38 milliards d'euros de Veolia est reçu dans la matinée du 6 octobre. Chez Suez, on dénonce un passage en force.

Malgré l'accélération de l'offensive Veolia, Philippe Varin et Bertrand Camus vont pourtant pouvoir respirer un peu. Car le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris, saisi par le Comité social et économique de Suez, ordonne la suspension de toute l'opération de cession de Suez à son concurrent, estimant que les salariés n'ont pas été informés comme la loi l'impose, et jugeant que cette situation constitue un « trouble manifestement illicite ». Veolia a immédiatement fait appel de cette décision. A ce sujet, la justice doit se prononcer bientôt, le 19 novembre prochain.

Et si Veolia avait été piégé pour sauver Engie

Durant toute cette bataille, l'Etat est apparu particulièrement ambigu, multipliant les signaux contradictoires à l'égard des différents acteurs en présence. Alors qu'Antoine Frérot avait été reçu début juin à l'Elysée, Philippe Varin et Bertrand Camus ont ainsi vu leur rendez-vous avec Alexis Kohler du 17 juillet être annulé peu de temps auparavant sans plus d'explications. Dans les jours qui suivent, cela n'empêche pourtant pas le secrétaire général de l'Elysée d'entamer une discussion avec Jacques Audibert, le secrétaire général de Suez (et ancien conseiller diplomatique de François Hollande), rencontré fortuitement lors d'une réception. Le 3 septembre, quelques jours à peine après le début de l'offensive Veolia sur Suez, le Premier ministre Jean Castex semble prendre fait et cause pour Antoine Frérot en déclarant publiquement que l'opération « fait sens ».

Mais à mesure que certains réseaux politiques se mobilisent contre l'offensive de Veolia, le ton du côté de l'Etat semble changer. À Bercy, Bruno Le Maire commence à faire entendre un autre son de cloche. Le ministre de l'Economie et des Finances souhaite finalement que Veolia et Suez trouve un terrain d'entente, et les pousse à trouver un accord « amical ». À l'Elysée, on veille désormais à protéger le président des polémiques grandissantes : « Du côté de l'Etat, on a finalement l'impression qu'Emmanuel Macron se retrouve finalement à être plutôt contre, face au tandem constitué par Alexis Kohler et Martin Vial à l'APE », croit comprendre un haut cadre de Suez.

De fait, lors du fatidique conseil d'administration d'Engie du 5 octobre, les trois représentants de l'Etat, sur demande de Bruno Le Maire, votent contre, alors qu'ils savaient qu'ils risquaient de se retrouver en position minoritaire (le vendredi 2 octobre, Jean-Pierre Clamadieu avait fait procéder à un tour de table pour prendre la température). Une situation d'autant plus inconfortable pour l'Etat que le jour même du Conseil les deux représentants de la CFDT ont finalement choisi de ne pas participer au vote.

« Pour l'Etat, c'est un véritable camouflet ! Ce sont des amateurs ! », s'étonne un observateur.

Du coté de Suez, on ne décolère pas du côté des syndicalistes, notamment ceux issus des rangs de la CFDT :

« Laurent Berger a-t-il trahi ? Il nous avait pourtant assuré que les représentants CFDT chez Engie s'abstiendraient au moins », nous raconte, dépité, un syndicaliste CFDT de Suez.

En réalité, dans toute cette histoire, chacun joue une drôle de partition. Car l'Etat, en apparence soudainement opposé à une telle opération, n'a jamais demandé la convocation chez Engie d'une assemblée générale extraordinaire, qui lui aurait pourtant permis d'user de sa minorité de blocage. Les administrateurs CFDT, accompagnés du coordonnateur groupe de la CFDT, ont été reçus le matin même du conseil d'administration par Jean-Pierre Clamadieu. C'est lors de cette réunion qu'ils auraient été convaincus de ne pas s'opposer à la cession des parts de Suez à Veolia. Le sujet ? L'énergéticien a un grand besoin d'argent frais dans les prochains mois pour faire de nouvelles acquisitions dans le secteur du renouvelable...

« En fait, le seul intérêt de l'Etat est qu'Engie vende ses parts le plus rapidement. Son seul but était de donner des marges de manoeuvre à Jean-Pierre Clamadieu. La fusion Veolia Suez, ce n'est pas leur souci. Chez Veolia, je pense qu'ils ont cru que l'Etat les soutenait à fond, alors qu'il ne souhaitait juste qu'Engie récupère de l'argent, et vite, pour accélérer sa réorganisation, qui est souhaitée ardemment à l'Elysée et par Emmanuel Macron. Dans ces conditions, on peut même se demander si Veolia n'a pas été piégé... », décrypte un analyste.

Clamadieu, le bras armé de Macron dans l'énergie

C'est tout l'angle mort de cette bataille franco-française. Depuis l'arrivée de Jean-Pierre Clamadieu à sa tête en 2018, le groupe Engie est engagé dans une vaste réorganisation de ses activités. Au point que certains salariés et syndicats craignent carrément un démantèlement du groupe : « Au sein d'Engie, on dit souvent que Clamadieu est là pour appliquer la doctrine Macron dans l'énergie, analyse un cadre de l'énergéticien. En France, il y a trois acteurs de l'énergie actuellement, un dans le pétrole et le gaz avec Total, un autre dans l'électricité nucléaire et renouvelable avec EDF, et enfin le dernier avec Engie qui est un peu fourre-tout. Macron se dit pourquoi en avoir trois quand on pourrait en avoir deux plus puissant ? Avec l'espoir, au passage, que l'Etat actionnaire soit mieux rémunéré. Mais c'est une vision de banquier d'affaires, d'un Etat qui se comporte comme le pire des actionnaires, pas celle d'un État stratège qui a le souci de l'industrie dans notre pays ».

C'est d'ailleurs l'Elysée qui a souhaité que Jean-Pierre Clamadieu devienne président d'Engie. Cet ancien PDG de Solvay est un proche du chef de l'Etat. Déjà, quand il était ministre, Emmanuel Macron militait auprès de Gérard Mestrallet, l'ancien PDG d'Engie, pour le faire nommer comme administrateur du groupe, sans succès. Alors depuis sa nomination, Clamadieu n'y va pas par quatre chemins. Exit Isabelle Kocher, l'ancienne directrice générale qui était depuis longtemps dans le collimateur de l'Elysée. Résultat, durant de longs mois, le groupe s'est retrouvé sans direction générale. Celle-ci était, de fait, aux mains du président. Ce n'est qu'en septembre que ce dernier ne décide d'imposer Catherine MacGregor comme nouvelle directrice générale. Cette ancienne numéro trois de Technip FCM est une spécialiste du pétrole... loin de la culture du service à l'énergie qu'Isabelle Kocher avait tenté d'imprimer au groupe, une stratégie d'avenir fondée notamment sur le fait de décarboner les usages des consommateurs, mais trop peu rentable aux yeux de beaucoup.

Finalement, la cession de Suez (qu'à l'origine, Isabelle Kocher aurait aimé réintégré totalement au groupe), fait partie de nombreuses autres cessions à venir. Ces derniers mois, une revue stratégique du groupe a été engagée. À terme, près de 14 milliards d'euros d'actifs pourraient être cédés ! Si ce n'est un démantèlement, on assiste donc à une réorientation à 180° d'Engie. Et avant même l'annonce de l'offensive de Veolia sur Suez, les grandes manoeuvres avaient commencé un peu plus tôt. La démission soudaine début juillet d'Olivier Biancarelli, alors directeur général du groupe, et directeur général de Tractebel, sa filiale belge, en était le signe précurseur.

Loin de ces enjeux, Veolia ne dit pas son dernier mot dans sa bataille pour fusionner avec Suez. Cette semaine, dans une interview au Monde, Antoine Frérot annonce vouloir désormais engager une OPA, et souhaite qu'un nouveau conseil soit nommé à la tête de Suez :  « Je ne crois plus qu'une discussion avec le conseil d'administration de Suez soit possible, puisqu'ils s'obstinent à en refuser le principe même », estime-t-il. Ajoutant : « ce n'est pas le conseil d'administration actuel de Suez qui a le dernier mot, ce sont ses actionnaires ». En attendant, le PDG de Veolia a repris son bâton de pèlerin pour convaincre actionnaires et politiques du bien fondé de son projet. Celui-ci est d'abord axé sur l'international. Et son objectif principal n'est pas l'eau, mais le développement de ses activités dans les déchets. Un secteur où les marges sont plus que confortables. Gestion des déchets dangereux, démantèlement des centrales nucléaires, valorisation des déchets pour créer de l'énergie à partir de l'énergie... Autant de sujets mis sur la table par Veolia qui risque effectivement d'intéresser les actionnaires soucieux de maximiser leurs dividendes.

Car du coté de Suez, la rupture avec Veolia est totale. La semaine dernière, Philippe Varin et Bertrand Camus ont rendu public un courrier envoyé à Antoine Frérot dans lequel ils dénoncent « le mépris» dont le PDG de Veolia ferait preuve selon eux : « les termes que vous utilisez à l'égard de Suez, ses équipes, sa gouvernance et ses valeurs sont particulièrement choquants », ajoutent-ils. Quant à la proposition de Veolia, les deux dirigeants opposent de nouveau une fin de non recevoir : « Pour ce qui concerne votre prétendue offre relayée uniquement par voie de presse, elle présente toujours des conditions inacceptables et des risques d'exécution majeurs sur une longue durée de déstabilisation (possiblement presque deux ans), notamment au regard des autorisations des autorités de la concurrence requises ». L'heure n'est décidément plus au « cher Antoine », que Philippe Varin tenait à apposer dans ses courriers envoyés au PDG de Veolia en septembre... Après deux mois et demi d'offensive, le clan Suez semble plus que jamais résolu à s'y opposer...

(1) Lire au sujet de ce projet de réorganisation d'EDF et de la relance du nucléaire : La Tribune, 6 décembre 2019, "Quand l'Etat reprend en main EDF avec son projet "Hercule", et "EDF en marche vers un "nouveau nucléaire ?"".

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Commentaire 1
à écrit le 09/11/2020 à 10:42
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Voilà bien une entité monopolistique qui mérite d'être nationalisé afin qu'elle ne fasse "la pluie et le beau temps"!

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