Après la grève du 26 janvier, qui a mobilisé plus 40% des salariés d'EDF contre les mesures du gouvernement face à la flambée des prix de l'énergie, les syndicats du groupe ne comptent pas s'arrêter là. Et entendent faire front pour « user de tous les moyens » afin de « contrer la libéralisation » du marché de l'électricité, qui « n'arrive pas à offrir un coût décent pour ce bien de première nécessité », écrivent dans un communiqué commun, publié jeudi, la FNME-CGT, la CFE-CGC, la CFDT Chimie Énergie et FO Énergie et Mines.
Jusqu'à engager des actions en justice, de manière à défendre les « consommateurs » et l' « avenir d'EDF », ont-ils annoncé. Un recours sera notamment déposé pour contester le relèvement du plafond du volume d'électricité qu'EDF devra vendre en 2022 à prix cassé à ses concurrents, dans le cadre de l'ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Pour cause, cette mesure, annoncée mi-janvier par l'exécutif, limitera la hausse du tarif réglementé de vente (TRV) à 4% en février mais devrait coûter près de 8 milliards d'euros à l'opérateur historique, selon ses calculs provisoires.
« Nous ne pouvons laisser dépecer cette entreprise ni la laisser être l'ultime levier face à l'augmentation structurelle des prix de marché après la mise en place de multiples mesures correctives toutes coûteuses au final pour les citoyens », fait ainsi valoir l'intersyndicale.
D'autant que, selon les fédérations, le dispositif, qui « ne traite pas la cause profonde de la flambée des prix actuelle », serait en fait une « opération électorale », à moins de trois mois de la présidentielle. Sans surprise, les syndicats dénoncent d'ailleurs le mécanisme même de l'ARENH, « dont les effets ont été à tous les coups perdants pour les comptes de l'entreprise » EDF. Et restent « déterminés à tout mettre en oeuvre » pour obtenir « l'annulation de cette mesure scélérate », et plus largement « pour obtenir enfin un vrai débat contradictoire sur les mesures destinées à pérenniser le service public de l'électricité au bénéfice des citoyens, des salariés et de l'activité économique ».
« Le recours sera mis en route prochainement. S'il n'est pas encore lancé, c'est tout simplement parce qu'il se fera forcément sur la base du décret », qui devrait être publié au plus tard fin mars et servira à mettre en oeuvre la mesure, après les annonces du gouvernement », précise à La Tribune Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT (le syndicat majoritaire).
Délibération de la CRE
Et ce n'est pas tout : les quatre organisations comptent également saisir le Conseil d'Etat pour contester la manière dont le tarif réglementé de vente est construit, qui, selon elles, desservent le consommateur. Alors que ce calcul se fait actuellement « par empilement des coûts », il « faudrait revenir à un prix moyen lissé sur l'année, et pas pondéré sur une période de l'année extrêmement spéculative », fait ainsi valoir Julien Lambert, dirigeant fédéral et responsable des enjeux industriels à la FNME-CGT.
Concrètement, aujourd'hui, à chaque fois que la part achetée par les concurrents d'EDF hors ARENH croît, la part indexée au marché de gros dans le TRV est elle aussi revalorisée. Résultat : quand les cours augmentent, mécaniquement, le TRV augmente lui aussi. Une manière de répliquer les conditions d'approvisionnement théorique des fournisseurs alternatifs, afin de rétablir une certaine équité sur le marché. Mais qui, fatalement, conduit à une sensibilité des tarifs aux prix spot, expliquant la hausse significative du TRV attendue pour 2022. Les syndicats s'opposent donc à ce principe, et soulèvent des problèmes de « méthode », notamment sur la dernière délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
« Concrètement, 160 TWh ont été demandés au guichet ARENH sur l'année par les fournisseurs alternatifs, mais seulement 100 ont été pris en compte pour déterminer le prix de la part fourniture [qui constitue le pourcentage acheté sur le marché dans le calcul du TRV, Ndlr], soit 62%. On est donc obligés d'aller chercher 38% de la part fourniture à un prix calculé sur le mois de décembre, au moment où les cours étaient les plus hauts ! Cette délibération contient des éléments totalement contestables aboutissant à une hausse ahurissante de 44 ,5% du TRV sans action de l'État », fustige une source à la FNME-CGT.
Si aucun des deux recours n'est donc pour l'instant engagé, le timing n'est pas choisi au hasard. Car, « après la mobilisation massive du 26, le message est de montrer que ce n'est pas fini, et qu'on continue de se battre », conclut cette même source.
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