Alors même que l'inflation explose, provoquant la grogne de nombreux citoyens, et que la guerre en Ukraine dégrade les prévisions de croissance du pays, les perspectives budgétaires s'éclaircissent pour la Grèce, qui présente toujours le taux le plus élevé d'endettement public de la zone euro. En effet, l'agence S&P a relevé hier soir sa note de la dette souveraine à long terme, passant de BB à BB+, et l'a assortie d'une perspective stable « reflétant des risques équilibrés pour la croissance économique et les finances publiques, entre le conflit en Ukraine et le soutien substantiel de l'UE, et une dynamique de réforme intérieure ».
Côté croissance, S&P table désormais sur une augmentation du produit intérieur brut de 3,4% en 2022. Un rythme très ralenti par rapport aux 8,3% de 2021, du fait de la guerre en Ukraine et de ses impacts sur l'économie grecque. Mais le gouvernement « devrait faire de nouveaux progrès dans la mise en œuvre des réformes structurelles et de la consolidation budgétaire, cimentant la trajectoire à la baisse de la dette par rapport au PIB », relève l'agence de notation, qui salue par ailleurs un recul des prêts défaillants à moins de 13% du stock total de prêts en 2021.
Remboursement anticipé de la dette au FMI
Le 1er avril dernier, le Fonds monétaire international (FMI) avait également révisé à la baisse la prévision de croissance de l'économie grecque pour cette année, à 3,5% contre 4,5% initialement, en raison de la flambée des prix et autres retombées sur la consommation de la guerre en Ukraine. À l'issue de sa mission régulière en Grèce pour évaluer la situation économique du pays, le FMI avait néanmoins souligné, dans un communiqué, que la croissance continuerait d'être « forte » en Grèce en 2022 « malgré l'impact négatif de la guerre en Ukraine et la forte inflation ». Ainsi, sa dette publique « devrait baisser d'ici à 2023 », avait indiqué l'organisme.
Le ministre des Finances grec, Christos Staikouras, avait par ailleurs fait savoir le 4 avril que la Grèce avait remboursé de manière anticipée, avec près de deux ans d'avance, la totalité de sa dette au FMI. Un remboursement « clôturant le chapitre » qui s'était ouvert en 2010, et qui « permet au pays d'économiser quelque 230 millions d'euros d'intérêts », s'était félicité le ministre. Fin mars, en effet, la Grèce avait reçu le feu vert du Mécanisme européen de stabilité du Fonds européen de stabilité financière (FESF), ouvrant la voie au remboursement anticipé au FMI de 1,85 milliard d'euros, le reliquat de sa dette à cet organisme.
Pour mémoire, la Grèce avait été contraint d'emprunter plus de 260 milliards d'euros à l'Union européenne et au FMI afin d'éviter la banqueroute à la suite de la pire crise financière de son histoire, fortement déstabilisée par la crise financière mondiale de 2007-2008 (le pays avait perdu plus d'un quart de son PIB) et fort mal conseillée depuis des années. Avec l'aide de la grande banque américaine Goldman Sachs, les dirigeants de l'époque avaient maquillé les comptes publics depuis 1997 pour minimiser sa déficit public.
Le 23 avril 2010, la Grèce avait sollicité l'aide internationale, alors que son premier ministre nouvellement élu Georges Papandréou venait de découvrir que le vrai déficit grec (12,7% du PIB) était deux fois supérieur à celui annoncé par le gouvernement précédent (6% du PIB). La dette publique grecque était alors équivalente à 115% du PIB.
L'explosion des prix suscite la grogne sociale
La situation reste cependant pour le moins tendue, avec une inflation record depuis l'adoption de l'euro en 2021, en hausse de 8,9% sur un an, selon l'autorité des statistiques grecs (Elstat). Selon le FMI, la guerre en Ukraine pourrait même « déclencher des pénuries d'énergie et ajouter des pressions plus fortes que prévu sur l'inflation intérieure et le tourisme », véritable moteur de l'économie grecque. Le 6 avril, près de 10.000 personnes avaient ainsi défilé au centre d'Athènes pour dénoncer « la flambée des prix » et les « bas salaires », lors d'un jour de grève générale à l'appel des syndicats du privé et du public, qui paralysait le pays.
En réaction, le premier ministre de droite, Kyriakos Mitsotakis, avait annoncé le 20 avril dernier une hausse de 50 euros du salaire minimum grec, à 713 euros par mois, au 1er mai, avant les élections législatives prévues l'an prochain. Soit une augmentation de 9,7% par rapport au salaire minimum de 2021.
« L'explosion mondiale de l'inflation frappe à priori les bas revenus et les chômeurs », avait-il fait valoir, soulignant que « cette augmentation de 50 euros du salaire minimum s'adressait à ces personnes ».
Quelques semaines plus tôt, Kyriakos Mitsotakis avait déjà mis en place l'octroi d'aides sociales pour les bas revenus, d'un montant d'1,1 milliard d'euros au total.
Des mesures insuffisantes selon le plus gros syndicat des salariées du secteur privé, GSEE, qui réclame toujours une hausse de 13%, afin que le salaire minimum revienne au niveau de 2011, soit à 750 euros. Au pic de la crise de la dette en 2012, les créanciers de la Grèce (UE et FMI) avaient en effet imposé une stricte austérité en rabotant les dépenses publiques ainsi que les salaires et les retraites, ce qui avait entraîné une baisse de 22% du salaire minimum, établi alors à 586 euros. Ce n'est qu'un an après la fin de la crise, en 2019, que le salaire minimum avait été augmenté de 10% par le précédent gouvernement de gauche, pour s'établir à 650 euros.
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