Les Américains n'hésitent jamais à tomber dans l'excès. Notamment lorsqu'il s'agit de consommation. A cet égard, le "Black Friday" constitue le meilleur exemple. Des grands magasins ouverts 24 heures sur 24, des promotions qui s'accumulent et des millions de ménages lancés dans une course frénétique aux achats. Le vendredi suivant le jeudi de Thanksgiving marque ainsi le coup d'envoi du mois le plus important de l'année pour les distributeurs et une grande partie de l'économie.

Historiquement, le Black Friday était le jour où les teneurs de comptes pouvaient abandonner l'encre rouge, synonyme de pertes, pour l'encre noire, symbole de bénéfices. Certains commerçants sont encore dans cette situation et misent sur ce mois de fêtes pour réaliser leurs profits annuels. Le week-end s'annonce également noir pour les transports: 134 millions de personnes devraient ainsi se rendre dans l'un des innombrables "mall" (centres commerciaux) du pays lors des trois prochains jours. Un quart des ménages américains y sont attendus dès demain.

L'état des ventes de détail du week-end sera donc particulièrement scruté. Encore plus cette année alors les économistes et les marchés cherchent toujours des signes de solidité de la reprise économique qui s'amorce. La principale inconnue: le comportement des consommateurs. En octobre, le taux de chômage a atteint son plus haut niveau en 26 ans, touchant officiellement 10,2% de la population active. Et ceux qui travaillent encore ont pour leur part vu une partie de leurs salaires amputée.

Dit comme cela, l'heure ne semble donc pas être aux dépenses inconsidérées. "Le consommateur ne sait plus s'il doit dépenser ou pas", résume Marshal Cohen, analyste de NPD Group. "La récession de l'an passé a été choc pour lui et cette année il souhaite penser à autre chose. Il pourrait alors très bien se récompenser d'avoir été économe tout au long de l'année." La Fédération nationale des détaillants (NRF) américains est moins optimiste et table sur une baisse de 1% des dépenses durant les fêtes.

Les derniers chiffres macro-économiques ne permettent pas non plus de se faire une idée plus précise du comportement que vont adopter les ménages. L'indice de référence, mesurée par l'Université du Michigan, a ainsi fait état d'une baisse de leur moral, imputable aux évaluations moroses des consommateurs sur leur situation financière, les pires jamais enregistrées depuis la création de cette série statistique il y a 60 ans. Mais dans le même temps, les dépenses de consommation ont progressé plus fortement qu'attendu en octobre.

Les enquêtes d'opinion sont elles aussi contradictoires. Pour beaucoup, les consommateurs consacreront un budget stable voire inférieur par rapport à l'an passé. Mais une récente étude du cabinet Deloitte laisse apparaître qu'un tiers des ménages s'apprête à dépenser plus qu'il ne le prévoyait il y a encore deux mois. Parmi eux, 86% indiquent vouloir dépenser plus d'argent dans les cadeaux que l'an passé.

L'autre interrogation de ce Black Friday est le niveau de remise que concèderont les grands distributeurs américains. Habitués aux soldes quasi-permanentes, les consommateurs pourraient quelque peu déchanter cet hiver. "Les stocks sont très faibles", explique David Berman, de Durban Capital. "Nous ne devrions donc pas voir le même niveau de promotion de lors des précédentes années". D'autant que de nombreuses enseignes ont déjà mis en place des politiques de prix agressives.

L'an passé, la précipitation soudaine de l'économie américaine dans la crise financière, et le sentiment de chaos qu'elle avait créé, avaient conduit à des remises de 75% et plus. Cette année, les majorités des promotions ne devraient pas dépasser les 50%, estime Marshal Cohen.