Les sites de vente privée "Made in France" se lancent à l'assaut du web européen

Showroomprivé prévoit une introduction en Bourse d'ici la fin de l'année. Objectif: lever 50 millions d'euros pour financer son expansion européenne. La veille, le numéro un français de la vente événementielle - Vente-privee - a officialisé l'acquisition d'un site au Benelux et annoncé ses intentions en Europe du Nord.
Marina Torre
Showroomprivé prévoit une introduction en Bourse d'ici la fin de l'année. Pour une entreprise du web, c'est "une première depuis Seloger.com en 2006", rappelle son fondateur, Thierry Petit.

La Bourse pour l'un, une nouvelle acquisition pour l'autre... les frères ennemis du déstockage en ligne placent leurs pions pour s'étendre encore un peu plus en Europe. Le premier, Showroomprivé, choisit Euronext pour lever 50 millions d'euros afin de financer ses développements.

De la visibilité et des acquisitions

Une introduction en Bourse prévue pour "la fin de l'année 2015 en fonction des conditions du marché", selon Nicolas Woussen, directeur financier du site créé neuf ans en plus tôt, lors d'une conférence ce 9 septembre. En outre, ses co-fondateurs, Thierry Petit et David Dayan, qui détiennent 60% du capital, resteront aux commandes, mais céderont une part de leurs actions. Tout comme le fonds Accel Partners, au capital depuis 2010, dans une proportion plus importante mais dont le montant n'est pas encore dévoilé.

 "Nous pensons que nous pouvons gagner énormément en accélération de croissance", justifie de son côté Thierry Petit. "Cela nous permettra de gagner en visibilité et donc à priori d'attirance pour les partenaires, les marques", ajoute le PDG de Showroomprivé. Ce dernier prévoit en outre de financer ainsi d'éventuelles acquisitions soit pour un développement géographique, soit pour se développer dans de nouveaux secteurs ou de nouvelles technologies.

Match belge

En la matière, il avoue même avoir étudié le dossier Vente-Exclusive.com, site belge spécialisé lui aussi dans la vente événementielle, dont son grand rival Vente-privée vient tout juste d'annoncer l'acquisition. Un coup dur pour le site spécialisé dans le destockage qui est déjà présent dans le pays depuis 2013 et aux Pays-Bas depuis l'année précédente.

>> "Nous sommes des challengers, nous devons être plus malins" ( interview de Thierry Petit)

"Nous sommes convaincus que notre marché n'est pas de ceux où le gagnant rafle toute la mise", affirme même Thierry Petit. Autrement dit, contrairement à Uber, Airbnb ou d'autres, le vêtement, même vendu à prix bradé en ligne, laisserait suffisamment de place pour que plusieurs grands acteurs y soient puissants.

"Pour la simple raison que les marques et mes consommateurs veulent du choix, donc nous trouvons génial que deux entreprises françaises superforment en Europe. C'est très bien pour la France et pour notre secteur", précise-t-il.

Retour en Europe pour Vente-privé

Reste que les deux rivaux ne jouent pas tout à fait avec les mêmes armes. Au total, Showroomprivé affiche au compteur un chiffre d'affaires net 350 millions d'euros, dont 53 millions sont réalisés hors de France. S'il reste déficitaire hors de ses frontières, son activité en France est rentable. Il enregistre ainsi l'an dernier un résultat avant impôts, intérêts, dépréciation et amortissement de 19,2 millions d'euros.

Un volume d'affaires qui reste très éloigné de celui de Vente-privee (plus de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires), bien plus généraliste puisqu'il vend également voyages, repas gastronomiques ou bouteilles de vin. Il se trouve que le site créé par Jacques-Antoine Granjon compte lui aussi sur le Vieux Continent, notamment sur la Suède et le Danemark, après son échec aux Etats-Unis.

Pour son développement international, considéré comme un levier de croissance majeur, Showroomprivé mise lui aussi tout sur l'Europe. D'après le document remis à l'Autorité des marchés financiers en vue de cette introduction en Bourse, en dehors de la France - qui représentait encore l'an dernier plus de 80% de son chiffre d'affaires -, c'est en Italie et en Espagne que le site enregistre les recettes les plus importantes. Le site est également actif au Portugal, en Pologne et au Royaume-uni.

Un modèle différent en Allemagne

Il se hasarde désormais en Allemagne où il annonce également ce mercredi le lancement d'une plateforme. Un pari risqué compte tenu des usages locaux - à savoir une proportion très élevée de retours, dont la gestion coûte très cher aux site d'e-commerce. Elle aura également un autre nom - Vipstores.com - contrairement aux autres pays où le groupe a conservé l'appellation "Showroom", et un modèle un peu différent.

"Nous ferons probablement un petit peu plus de ventes fermes et un peu moins de ventes conditionnelles pour accélérer les délais", précise le dirigeant de l'entreprise française. Dans le deuxième cas, le fournisseur n'est payé qu'après commande et paiement de la part des clients. En d'autres termes, cela suppose d'immobiliser davantage de capital, donc d'assumer plus de risques financiers. Pour l'instant, le modèle même de Showroomprivé repose très largement sur le principe des ventes conditionnelles. Elles représentent même 78% des ventes internet brutes au premier semestre, d'après le document remis à l'AMF.

C'est un pari d'autant plus grand que sur le terrain, Showroomprivé devra affronter le leader Zalando, un poids lourd de la vente en ligne de prêt-à-porter en Europe. Lequel, constatant le succès du modèle des ventes événementielles a lui aussi lancé son propre concept dédié à ce type de transactions.

>> Le PDG de Zalando veut rester un "David" face aux Goliath Amazon et Alibaba

Ameublement, collection "maison" et livraison express

Pour tenter de séduire davantage d'abonnés - il en revendique 20 millions - dans le reste de l'Europe, le site mise en outre sur une diversification de son offre. Côté catégories de produits, il prévoit d'ouvrir des pages dédiées à l'ameublement, voire au jouet. "Sans aller tous azimuts, il y a beaucoup à faire dans de nouvelles catégories comme la beauté", commente David Dayan, qui connait bien le monde du destockage pour s'y être lancé plusieurs années avant la création du site internet e-commerce.

Début octobre, la maison lancera en outre sa propre collection de vêtements féminins "fabriquée en France" pas des fournisseurs dont les fondateurs ont souhaité taire le nom et qui sera vendue à des prix "agressifs". Là encore, il ne s'agit donc plus seulement de proposer de la vente événementielle. Mais les analyses des comportements d'achat des client(e)s - plus de six sur dix sont des femmes, permettent d'en tirer des conclusions afin de compléter l'offre avec des produits saisonniers.

Il se lance enfin dans la course à la vitesse avec un abonnement à la livraison express en 24 heures illimitée. Son prix: une vingtaine d'euros par an - soit la moitié de celui pratiqué par Amazon avec Prime.

Bataille de prétoires

La rivalité entre les deux premiers "pure-players" de la vente privée en ligne a donné lieu à plusieurs procédures judiciaires, portant notamment sur l'achat de mots-clés sur Google ou sur le nom de marque "Vente-privee". Showroomprivé s'est également associé à un troisième acteur, Brandalley, dans une procédure auprès de l'Autorité de la concurrence à l'encontre du site dirigé par Jacques-Antoine Granjon pour abus de position dominante. En causes: les modalités des partenariats exclusifs avec certaines marques

Marina Torre

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