LA TRIBUNE - Le déconfinement a commencé lundi dernier à Paris... Qu'est ce qui a changé dans le retour des Parisiens et des Franciliens dans ce qui étaient leurs habitudes de mobilité ?
CHRISTOPHE NAJDOVSKI - La crise du Covid oblige à repenser la mobilité et il est fortement probable que la société ne puisse plus se mouvoir comme avant. Ce qui est réellement nouveau, c'est le développement massif du télétravail. C'est une opportunité intéressante parce que dans le même temps, nous constatons une défiance et une désaffection vis-à-vis les transports en commun qui risquent de durer.
De plus, les mesures de distanciation sociales réduisent à 20% la capacité d'emport des transports en commun. Dès lors, la suite logique est un report modal massif vers des transports individuels. Sauf qu'on risque de se retrouver avec près de 8 millions de personnes qui doivent trouver quotidiennement une alternative aux transports en commun. Dès lors, le télétravail est une réponse adéquate et il incombe aux entreprises d'organiser une forme de démobilité de leurs salariés à travers le télétravail.
Votre crainte n'est-elle pas aussi un retour de la voiture individuelle ?
On ne peut pas revenir vers le tout voiture, sinon c'est la thrombose. Qui voudrait passer des heures dans 500 km de bouchons ? On ne pourra pas revenir en arrière. Il faut organiser les alternatives à la voiture individuelle.
Les Franciliens ne sont pas tous éligibles à des mobilités douces de type vélo... Comment faire avec une offre de transports en commun fortement réduite ?
Nous avons ouvert une trentaine de parking-relais aux portes de Paris qui permettent d'accueillir les Franciliens. Pendant la période exceptionnelle qu'a été le confinement et qui va se poursuivre tant que durera cette nécessité de mesures sanitaires dans les transports en commun, ces parkings seront gratuits pour les détenteurs d'un Pass Navigo. Encore une fois, organiser la démobilité via le télétravail est la meilleure façon d'éviter les mouvements pendulaires de masse de salariés. Le télétravail ne doit plus être l'exception mais la règle pour les entreprises qui le peuvent.
Vous avez imposé des pistes cyclables dites provisoires sur certains grands axes, notamment en fermant à la circulation automobile la rue de Rivoli. Est ce que la tentation n'est pas de passer du provisoire à une fermeture pérenne ?
La rue de Rivoli se situe dans l'hyper centre parisien, ce n'est pas un axe obligatoire pour traverser Paris. Il faut bien comprendre que ce que nous vivons est inédit à tout point de vue. Il est impossible de prévoir ce qui va se passer. A ce stade, nous expérimentons et testons de nouvelles pistes cyclables. Si on s'aperçoit que cela marche, alors pourquoi pas les pérenniser, oui. Mais pour l'heure, nous avons recours à ce qu'on appelle l'urbanisme tactique qui est rapide à installer mais qui est également réversible. De la même manière, nous prenons des mesures de piétonisation de certaines rues très commerçantes et de rues avec des écoles afin de gérer au mieux les files d'attentes et d'aider à un meilleur respect des règles de distanciation sociales.
Les opérateurs de mobilité alternative ont durement été éprouvées par le confinement, certains ont rencontré des problèmes de trésorerie, d'autres ont procédé à des licenciements ou tout simplement à des réductions de flottes d'engins en libre service. C'est un problème pour l'offre de mobilités...
Les choses vont reprendre progressivement. Il y a de la place pour la micro-mobilité, mais également pour la mobilité partagée de type covoiturage.
Selon vous, qu'est ce qui a durablement changé avec la crise du coronavirus ?
La question de la place de la mobilité dans le quotidien des gens s'est clairement posée, et la question sous-jacente est la proximité avec le lieu de travail. Le télétravail est une réponse qui a rencontré une grande audience et qui pourrait effectivement s'installer dans la durée. Il y a une conséquence très intéressante à cela. Nous pourrions être amenés à nous intéresser davantage à la géographie en regardant davantage ce qui se passe dans les villes moyennes. Si je peux travailler trois jours par semaine de chez moi, pourquoi ne pas aller à 100km de Paris pour accéder à une qualité de logement supérieure comme avoir une maison par exemple...
Avoir une maison induit souvent d'avoir une voiture...
Peut-être, mais certains ne l'utiliseront plus pour aller au travail quotidiennement. Son usage sera beaucoup plus limité. Ce que je retiens de cette crise, c'est que le télétravail s'est généralisé par la force des choses, et qu'il va profondément modifier les usages et les comportements. C'est une opportunité qu'il faudra savoir utiliser.
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