Vendredi, lors d'une rencontre avec l'association des journalistes des transports et des mobilités (AJTM), Christophe Fanichet, le PDG de SNCF Voyageurs avait tiré la sonnette d'alarme sur la situation préoccupante d'Eurostar, la société ferroviaire britannique détenue à 55% par la SNCF. En ne répondant ni par "oui" mais par "non" à la question sur l'éventualité d'une faillite de la société transmanche, le dirigeant de la SNCF confirmait que la situation était "très critique" comme il l'a qualifiée. Frappée de plein fouet par l'impact sur son activité de la crise sanitaire, Eurostar risque de se retrouver en cessation de paiement à la fin du printemps si les gouvernements britannique et français ne viennent pas à sa rescousse. Entre mi-mai et fin juin, selon les calculs de la direction, voire plus tôt en cas d'aggravation de la crise.
Une cessation de paiement "quand on aura brûlé tout notre cash" est possible "quelque part dans le deuxième trimestre, plutôt dans la deuxième moitié du deuxième trimestre", a déclaré lundi à l'AFP le directeur général d'Eurostar, Jacques Damas. "Mais si jamais la crise était encore plus dure, ça pourrait même arriver un peu plus tôt", a-t-il ajouté.
Soit au moment où la plupart des compagnies aériennes tablent sur une reprise des transports.
Ecroulement du chiffre d'affaires
L'an dernier, le chiffre d'affaires a dégringolé de 82% par rapport aux 1,1 milliard d'euros de 2019. "On est à 5% du chiffre d'affaires depuis le 1er avril, pour dire les choses très simplement", a précisé Jacques Damas, pour qui Eurostar "souffre davantage que les compagnies aériennes" à cause du "cumul des règles sanitaires définies par les différents pays" desservis, Grande-Bretagne, France, Belgique et Pays-Bas. Depuis début janvier, la compagnie transmanche ne fait plus circuler qu'un aller-retour Londres-Paris et un Londres-Bruxelles-Amsterdam par jour, qui sont vides à 80%.
Devant l'ampleur de la crise, Eurostar a entrepris de réduire drastiquement ses coûts, a mis ses effectifs au chômage partiel, a emprunté 400 millions de livres (450 millions d'euros) et a obtenu 210 millions d'euros de ses actionnaires. Mais ces derniers ne pourront pas aider indéfiniment selon le directeur général d'Eurostar, et "il faut qu'il y ait une troisième partie qui fasse son job : les gouvernements", a-t-il souligné.
Des chefs d'entreprise londoniens montent au créneau
Pour soutenir Eurostar dans sa démarche des dirigeants d'entreprises de Londres demandant au gouvernement britannique à participer à un sauvetage d'Eurostar.
Eurostar a besoin "d'une action rapide pour sauvegarder son avenir", a déclaré l'organisation patronale London First dans une lettre envoyée au ministre britannique des Finances Rishi Sunak et au secrétaire d'Etat aux Transports Grant Shapps. London First presse le gouvernement d'offrir des aides similaires -baisses d'impôts, accès à des prêts- à celles apportées aux entreprises présentant un aspect stratégique confrontées à la même situation, comme les aéroports.
"Nous continuerons de travailler avec eux alors que nous aidons à un redémarrage sûr et une reprise des voyages internationaux", a répondu un porte-parole du ministère britannique des Transports.
Côté français, si le ministère des Transports reste muet sur ce dossier, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire a assuré Eurostar du soutien de l'Etat.
"Nous soutiendrons les compagnies de transport ferroviaire et aérien comme nous le faisons depuis le début", a-t-il dit.
Pour lui, ces entreprises sont "absolument vitales" et sont parmi les plus touchées par la crise, et "sans doute durablement".
Selon Christophe Fanichet, la direction négocie "des prêts d'État au Royaume-Uni",et une recapitalisation est envisageable "si la situation perdurait".
La direction reste optimiste
Malgré les difficultés, Jacques Daumas se veut "activement optimiste". Pour lui, "le business Eurostar est fondamentalement sain", et la voie ferrée sera toujours le moyen le plus écologique pour relier l'Angleterre au Continent.
Pour continuer son activité pendant la crise, Eurostar demande à accéder aux mêmes prêts garantis que les compagnies aériennes, et voudrait une réduction temporaire sur les péages acquittés pour faire circuler ses trains. La compagnie espère aussi une coordination des contraintes sanitaires entre les quatre pays desservis.
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