Fret ferroviaire : la PME les Carrières de l’Ouest veut devenir incontournable sur le chantier titanesque du Grand Paris

Acteur du fret ferroviaire depuis plus 160 ans, les Carrières de l’Ouest innovent avec la mise en place d’une solution de transport ferroviaire combiné pour acheminer des granulats de Voutré, en Mayenne, vers les chantiers du Grand Paris et évacuer les terres de remblai. Un nouveau modèle, jamais mis en œuvre dans le secteur de la construction, qui vise à limiter le nombre de camions sur les routes.
Entre Voutré (53) et Trappes (78), le projet Voutré Double Fret permet de transporter 1500 tonnes de granulats à l'aller, soit l'équivalent de 50 camions, et autant de terre inerte au retour, grâce à la fabrication de conteneurs spécifiques, qui autrefois prenaient la route.
Entre Voutré (53) et Trappes (78), le projet "Voutré Double Fret" permet de transporter 1500 tonnes de granulats à l'aller, soit l'équivalent de 50 camions, et autant de terre inerte au retour, grâce à la fabrication de conteneurs spécifiques, qui autrefois prenaient la route. (Crédits : Carrières de l'Ouest)

Président des Carrières de l'Ouest, Thomas Dupuy d'Angéac aime le rappeler : « En 1858, déjà, les trains affrétés par les Carrières de l'Ouest, sur la ligne Brest-Paris, fournissaient les pavés utilisés pour la construction du Paris haussmannien ». Plus d'un siècle et demi plus tard, c'est aux chantiers du Grand Paris, considérés comme "le chantier du siècle", que la PME mayennaise s'attèle.

Avec cette fois, la mise en œuvre d'une solution de fret ferroviaire combiné inédite dont le modèle économique doit encore faire ses preuves. « Le double fret existe déjà pour certains métiers de la construction, mais jamais pour le transport de remblais dont la valeur est très faible et les manipulations plus complexes », explique Thomas Dupuy d'Angéac, président des Carrières de l'Ouest. De fait, l'entreprise a dû imaginer et faire fabriquer des conteneurs de vingt pieds, dotés d'une trappe sur l'arrière pour permettre le déchargement par gravitation. Equipés d'un GPS pour garantir la traçabilité, ils peuvent être transportés par train et par camion.

Non communiqué, l'investissement porte sur plusieurs millions d'euros, dont 700.000 à 800.000 euros pour une seule rame de cinquante conteneurs, soit l'équivalent de 50 camions. Le problème, c'est qu'un conteneur rempli de terres de remblai pèse trente tonnes - comme un camion-, au lieu de quinze à seize tonnes pour des marchandises classiques. « C'est un modèle industriel nouveau, jamais mis en place dans le secteur de la construction pour lequel nous travaillons à la fiabilisation de la chaine logistique et notamment des engins de levage et de manutention, soumis à des sollicitations plus importantes», indique le président des Carrières de l'Ouest, où une troisième rame vient d'être réceptionnée. Une quatrième est en cours de fabrication pour accompagner la montée en charge du projet « Voutré Double Fret ». « L'objectif est de maximiser les rotations de train, dont le retour est déjà payé, mais qui supportent des coûts fixes importants, comme les coûts des sillons achetés à la SNCF, la location du matériel roulant et le coût du gasoil des camions et des engins de levage. Mais le véritable enjeu, c'est d'avoir les plateformes embranchées qui permettent des connexions entre le routier et le ferroviaire», reconnait-il.

Un site à creuser, un autre à reboucher

Filiale du groupe Basaltes, premier groupe carrier familial et indépendant français (12 millions de tonnes), les Carrières de l'Ouest, présentes sur quatorze sites en Pays de la Loire et Bretagne, extrait chaque année 3,5 millions de tonnes de granulats utilisés pour la construction de routes, de bâtiments, d'infrastructures ferroviaires... dont 2,5 millions de tonnes produits sur la carrière mayennaise de Voutré.

Etendu sur 300 hectares à la frontière de la Mayenne et de la Sarthe, le site repose sur deux fosses ; la Kabylie, en cours de réaménagement, et la Massoterie, qui dispose d'une autorisation d'exploitation sur trente ans avant d'être transformée en plan d'eau à partir de 2048. Un site creusé sur deux kilomètres à une profondeur de 160 à 200 mètres. «Les carriers sont l'obligation de dresser un inventaire de la faune et de la flore où ils creusent et de remettre le site en état à l'issue du contrat, encadré par des plans de réaménagement de plus en plus stricts », affirme Thomas Dupuy d'Angéac, qui remblaie le site de la Kabylie, avec la récupération de terres inertes. Voutré est la plus grosse carrière de roches dures -et la plus ancienne- en France. Un matériau utilisé pour l'enrobage des routes. Sa dureté garantit le freinage des véhicules, comme hier, pour les calèches.

Carrières de l'Ouest

Un modèle économique à consolider

A partir du site de la Massoterie, les Carrières de l'Ouest expédient quelque 800.000 tonnes de granulats, principalement à destination de l'île-de-France par le train. « Un moyen de transport qui nous permet d'aller plus loin et permet de transporter des quantités impossibles à véhiculer en camion. A condition d'avoir les plateformes embranchées pouvant accueillir des trains de 400 à 500 mètres et d'un à deux hectares de terrains pour entreposer nos terres. C'est une des conditions de la massification et de notre croissance», rappelle le président des Carrières de l'Ouest, qui dispose de quatre plateformes, au Mans (2), à Tours, à Trappes dans les Yvelines directement reliée à Voutré. Une cinquième vient de voir le jour dans l'Oise en s'appuyant sur le partenaire Eqiom Granulats pour avoir un pied dans le Sud-Est de la région parisienne. « Idéalement, il nous faudrait trois plateformes en Ile de France», estime Thomas Dupuy d'Angeac, dont le modèle économique du projet « Voutré Double Fret » repose sur l'évacuation des terres de remblais en Ile-de-France. Une charge plus qu'une source de revenus pour l'entreprise, mais dont le marché en croissance se professionnalise, notamment avec les obligations de traçabilité, et ouvre de nouvelles perspectives.  Les carrières de l'Ouest estiment leur besoin à 350.000 tonnes par an pour réaménager le site de la Kabylie, dont 100.000 tonnes sont prélevées en local. « D'où la nécessité de concevoir des conteneurs hermétiques capables de transporter les terres de déblais en train, et de multiplier les rames. Ce qui n'existait pas jusque-là, en raison de la faible valeur ajoutée des remblais et de l'inadaptation des wagons », dit-il.

C'est tout le pari des carrières de l'Ouest, dont la multiplication des rames permettra d'optimiser et de fluidifier le trafic, aujourd'hui limité à un aller-retour quotidien. Ce qui impose des immobilisations en stockage coûteuses. L'accroissement du nombre de rames devrait aussi permettre d'ouvrir une deuxième ligne « double fret » combiné entre Voutré et Le Mans en octobre prochain. Tout en maximisant les rotations ferroviaires avec les produits de la carrière et la terre inerte, les Carrières de l'Ouest (120 personnes), qui ont ainsi créé une dizaine d'emplois, comptent, aussi, ouvrir ces lignes au transport de marchandises pour les industriels d'Ile-de-France et des Pays de la Loire, soucieux de réduire leur empreinte carbone.

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