La SNCF veut en finir avec ses vieilles locomotives diesel qui chaque année brûlent des millions de litres de gazole, et elle a fixé à 2035 l'horizon de la décarbonation totale de ses trains sur l'ensemble du réseau de son réseau ferroviaire.
Deux industriels français viennent d'annoncer une alliance qui va contribuer à aider l'opérateur ferroviaire historique à respecter son calendrier.
Le constructeur ferroviaire Alstom et l'énergéticien Engie ont en effet annoncé ce mercredi avoir signé un partenariat pour développer de puissantes locomotives de fret propulsées par une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène. Ils ont expliqué dans leur communiqué comment ils comptent se partager les tâches dans ce projet qui ambitionne de placer "l'hydrogène au cœur de la décarbonation du ferroviaire".
Engie et Alstom engagés dans la décarbonation de la mobilité lourde
D'un côté, le constructeur ferroviaire Alstom, pionnier dans le domaine des matériels roulants alimentés à l'hydrogène, va s'occuper de la conception d'une solution de motorisation à hydrogène fondée sur un système de piles à combustible de forte puissance (il s'agit de tirer des trains de 2.000 tonnes) afin d'alimenter les locomotives électriques. Avec quelques centaines de kilomètres d'autonomie, ces piles à combustible auront pour mission de remplacer le diesel dans les parties non électrifiées du réseau ferroviaire, ce qui représente de 15% à 20% d'un trajet selon les études d'Alstom et de ses partenaires.
De l'autre côté, l'énergéticien Engie fabriquera l'hydrogène renouvelable pour alimenter ces puissantes locomotives. De l'hydrogène renouvelable ou "vert", c'est-à-dire fabriqué sans recours à des énergies fossiles. Engie projette de développer d'ici à 2030 une capacité de production d'hydrogène renouvelable de 4 GW, de disposer de 700 km de réseaux d'hydrogène dédiés et de 1 TWh de capacités de stockage, sans oublier la gestion de plus de 100 stations de recharge.
Précédente collaboration dans le train régional Coradia iLint
Les deux industriels avaient déjà collaboré en mars 2020 au succès d'un test au Pays-Bas avec un train de passagers régional léger Coradia iLint, lors duquel de l'hydrogène renouvelable a été utilisé pour recharger le train.
Alstom commercialise déjà des trains de passagers à hydrogène: 41 rames lui ont été commandées par deux Länder allemands et des expérimentations ont eu lieu en Autriche, aux Pays-Bas (avec Engie donc), en Pologne, en Suède et en France.
En France, la commande que la SNCF avait passée à Alstom en avril 2021 concernait des trains "bimodes" régionaux, légers, capables de rouler sous caténaires en traction électrique et en mode hydrogène, sans polluer donc. Ces 12 TER baptisés Régiolis H2 et dont la mise en service est prévue pour 2025 (avec de premiers essais fin 2023, début 2024) sont dotés d'une autonomie allant jusqu'à 600 km sur les lignes non-électrifiées.
"L'idée est d'optimiser l'utilisation des locomotives électriques existantes, et quelque part de tuer le diesel, évitant de consommer des millions de litres par an pour le fret", a déclaré à l'AFP Raphaël Bernardelli, vice-président d'Alstom. "Il y une volonté de doubler la part du ferroviaire: il faut accompagner ça par une décarbonation totale", a-t-il souligné.
Se déployant donc désormais dans la décarbonation de la mobilité lourde, Alstom vise une mise en service de ses futures puissantes locomotives à pile à combustible pour la fin de l'année 2025, alors que la SNCF promet la fin du diesel pour 2035, et la Deutsche Bahn pour 2040. Des opérateurs nord-américains et australien travaillent également sur des solutions semblables pour le fret.
Engie compte de son côté sur cette nouvelle application pour renforcer la place de hydrogène dans les transports lourds, qu'il développe par exemple avec les camions du secteur minier.
« On a mis en place des capacités renouvelables importantes. Demain, la demande va être tirée par les usages de façon plus importante et corrélée », a souligné Sébastien Arbola, directeur général adjoint d'Engie chargé des activités de production thermique, hydrogène et de fourniture d'énergie.
L'alliance cible aussi les grands pays de fret ferroviaire européens
Le développement de cette solution sera principalement confié à des sites français, tels Belfort, Tarbes ou Aix-en-Provence. Alstom fait partie des 15 industriels présélectionnés par le gouvernement français pour bénéficier d'une aide publique au titre des programmes européens PIIEC de soutien aux technologies de rupture (comme l'hydrogène) et à la recherche.
Mais le marché français n'est pas le seul visé par l'alliance Alstom-Engie: car, si leur partenariat vise à apporter une solution zéro émission dans le transport de marchandises et de passagers qui permet de répondre aux enjeux climatiques, environnementaux et de santé publique y compris sur les lignes secondaires et les embranchements non électrifiés, leur marché cible s'étend à tous les grands pays de fret ferroviaire européens, assurent les deux groupes dans leur communiqué.
(avec AFP)
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