Comment le groupe nantais Fetis sort des moteurs diesel pour basculer vers les énergies renouvelables

Fournisseur et intégrateur de moteurs diesel pour le maritime, l’agriculture, le BTP ou la manutention depuis quarante-cinq ans, le groupe nantais Fetis s’est engagé dans un important plan de transformation pour accompagner sa mutation et la transition de ses clients vers l’hybridation, l’électrique, l’hydrogène, les carburants alternatifs… Ce changement de modèle mue le motoriste en énergéticien. Un savoir-faire, que Fetis Group, présent dans huit pays, envisage d’exporter au Canada d’ici à deux ans.
Fetis group a investi 400.000 euros pour construire la plateforme Evol-E lui permettant de démonter la pertinence de ses solutions électrique ou hydrogène, et d'un ensemble de briques technologiques, incrémentées selon les profils d'utilisation.
Fetis group a investi 400.000 euros pour construire la plateforme Evol-E lui permettant de démonter la pertinence de ses solutions électrique ou hydrogène, et d'un ensemble de briques technologiques, incrémentées selon les profils d'utilisation. (Crédits : Fetis group)

On dirait un module lunaire. Tout jaune dans sa version électrique. Jaune et bleu pour le modèle hydrogène. Montée sur quatre roues articulée, bardée de capteurs, autonome et robotisée, la plateforme de développement Evol-E créée par les ingénieurs du groupe Fetis est de toutes les missions pour amener des solutions énergétiques propres à l'agriculture, la viticulture, le maritime, le BTP ou l'industrie, engagés sur les chemins de la décarbonation. C'est là que sont testées et validées, les briques technologiques mises au point par le groupe Fetis pour s'affranchir progressivement des moteurs diesel en se focalisant sur les énergies renouvelables. Une révolution ? « Une transition ! sans rupture», préfère Damien Fetis, PDG de l'ETI familiale, à l'origine spécialisée dans la fourniture et l'intégration de moteurs thermiques, située dans le Bas-Chantenay à Nantes.

Discrètement implantée entre la Loire et les effleurements rocheux du Sillon de Bretagne, l'entreprise, fondée en 1978 par Jacques et Marie-Paule Fetis, est devenue en quatre décennies, un écosystème de vingt-deux PME (mobilité, énergie, mécanique, fonctions supports, formation...) entre Nantes et la Rochelle. Pour les fils des fondateurs, Damien et Evrard, respectivement président et vice-président de Fetis Group, l'objectif est, aujourd'hui, de ramener la part des moteurs diesel de 72%, actuellement, à 50% en 2030. Un autre challenge pour ce groupe de 570 collaborateurs, implanté dans huit pays,  en croissance continue de 10% par an.

« On devient énergéticien ! »

La nécessité de faire évoluer le groupe en profondeur date du Covid. Ce coup d'arrêt a provoqué un temps propice à la réflexion pour inventer un nouveau modèle en phase avec les enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux. « C'est une prise de conscience qui a mis en exergue le besoin d'accélérer », reconnaît Damien Fetis, même si les mutations liées aux transitions coulaient déjà dans les veines de l'entreprise. « Notre première motorisation hybride date d'il y a une dizaine d'années avec le remplacement de la bruyante et massive motorisation diesel de l'Eléphant géant de la Compagnie des Machines qui emmène les touristes sur l'esplanade de l'île Nantes. On a mis au point une solution hybride, plus légère, moins consommatrice d'énergie, moins polluante et plus silencieuse », raconte-il.

Lancée par cette première opération, la décarbonation va progressivement prendre de plus en plus de place. Jusqu'à la mise en œuvre du plan Cap 2030, décidé au lendemain de la crise sanitaire. Dotée d'un important volet RSE conséquent (flotte de véhicules électriques, recharges solaires, partenariat avec la ville de Nantes pour le développement de mobilités douces, formation du personnel...), cette stratégie impose une transformation totale de l'entreprise, désormais orientée vers l'innovation et la recherche de valeurs ajoutées. « Avant, la source d'énergie n'était que fossile avec le pétrole. Aujourd'hui, les solutions sont multiples : l'hybridation, l'électrique, l'hydrogène, le solaire, le vent, les carburants alternatifs... alors, évidemment, ça bouleverse complètement notre métier», constate-t-il. Si bien que le rôle de motoristes consiste aujourd'hui à faire le lien entre les énergies renouvelables et les capacités à les utiliser. « En somme, on devient énergéticien ! », ajoute Damien Fetis.

plateforme evol-E - Fetis Group 2

La problématique des compétences

Plus que jamais, l'enjeu de Fetis Group passe par la R&D, l'innovation, et la recherche de valeurs ajoutées pour être crédible face aux offres des motoristes. Créé il y a vingt ans, le bureau d'études compte aujourd'hui cinquante ingénieurs. Vingt en France, trente en Allemagne. Une cinquantaine de postes d'ingénieurs, de techniciens, de mécaniciens, de soudeurs est en permanence ouvert dans l'entreprise qui a, l'an dernier, embauché trente-cinq apprentis issus de lycées techniques et grandes écoles de la région nantaise. « Le recrutement est notre principale problématique », admet le dirigeant de Fetis qui, sans dévoiler le montant de ses investissements, dit injecter plusieurs millions d'euros pour mener à bien sa transition (ressources humaines, outils de production en Vendée, essais...)  « Dans le passé on achetait un moteur de X KW. Aujourd'hui, on s'équipe d'une solution de motorisation comprenant une batterie, des faisceaux électriques, des composants électroniques, des briques robotisées, un moteur, un calculateur, une pile à hydrogène, un système logiciel... C'est devenu beaucoup plus complexe », dit-il.

Une usine au Canada d'ici à deux ans

De ces besoins est née la plateforme Evol-E permettant de démontrer la pertinence de ses solutions à des constructeurs ou à de futurs utilisateurs. Une fois adoptée, la technologie est fournie aux constructeurs sous formes de sous-ensembles et de kits (électrique, e-carburant, hydrogène...), selon l'usage, l'autonomie voulue, le poids des engins...  Ce fut le cas avec le premier chariot télescopique à hydrogène lancé en novembre dernier par le groupe Manitou, leader du levage et de la manutention. Ou encore pour le Traxx Concept H2, premier enjambeur autonome à hydrogène lancé par le groupe Exel Industries pour le secteur de la viticulture et dernièrement un voilier électrique de 10 mètres, le Code 0, développé par la filiale Seco Marine pour la société nantaise Black Pepper Yachts, dont le système permet d'alimenter le moteur et les équipements de bord. « A ce jour, les produits issus de la transition représentent 20% du chiffre d'affaires», estime Damien Fetis dont les équipes planchent, notamment, sur la propulsion hydrogène d'un navire à passagers pour l'Europe du Nord.

Présente dans huit pays (Finlande, Estonie, Turquie, Côte d'Ivoire, Allemagne, Espagne...), l'entreprise réalise 38% de son chiffre d'affaires (131 millions d'euros en 2022) à l'international. C'est là encore que Fetis  Group a identifié des leviers de croissance. Avec cette fois, un projet industriel visant la création d'une filiale et d'une unité de production au Canada d'ici à deux ans. « L'Europe est très en avance sur la décarbonation, mais le Canada est très engagé sur l'hydrogène et envoyer nos équipements de l'autre côté de l'Atlantique n'aurait pas de sens », justifie Damien Fetis, qui depuis deux ans a amorcé la réalisation du bilan carbone du groupe et de ses vingt-deux satellites.

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