"Le nouvel actionnariat va donner à Corsair une force de frappe très importante" (Pascal de Izaguirre, PDG)

Au lendemain de l'annonce d'un accord sur le sauvetage de Corsair à 297 millions d'euros impliquant l'État, les actionnaires actuels et un consortium d'investisseurs antillais qui va reprendre la totalité de la compagnie aérienne, Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair, cheville ouvrière de la réussite de ce dossier, détaille pour La Tribune le projet. Il vise un retour à la rentabilité au cours de l'exercice fiscal 2021-2022.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - L'État, un consortium d'investisseurs essentiellement antillais, et les actionnaires actuels qui cèdent leur participation (TUI et Intro Aviation) ont signé un protocole de conciliation qui s'accompagne d'un plan de financement global de près de 300 millions d'euros. Pouvez-vous le détailler?

PASCAL DE IZAGUIRRE - Le financement global s'élève à près de 300 millions d'euros et nous ne donnons pas de détails sur la répartition de ces montants entre les différentes parties prenantes. La finalisation de l'opération devrait intervenir d'ici la fin de l'année après homologation du Tribunal de commerce de Créteil. Une audience est prévue le 1er décembre et nous irons présenter et défendre cet accord avec confianceAprès huit mois de travail intenses, ce dossier aura été d'une complexité inouïe avec de multiples rebondissements. Et cela a été une bataille âpre et sans relâche pendant 8 mois. Nous sommes évidemment très satisfaits. Avec ce plan de financement, je suis confiant dans l'avenir de Corsair. Il nous apporte les liquidités nécessaires et restaure nos capitaux propres.

Quel a été le rôle de l'État?

L'État a été exemplaire. Il a été coopératif et très efficace et nous a aidé malgré les avis qui le poussaient à ne pas le faire. Mais l'État a été conscient qu'il fallait nous aider, que nous jouons un rôle important et historique pour la desserte des départements d'Outre-mer sur laquelle il était indispensable de maintenir un niveau de concurrence élevé et d'éviter un duopole qui aurait été néfaste pour les consommateurs.

Avec le soutien de l'État, vous attendez-vous à une plainte d'un concurrent pour distorsion de concurrence?

Tout notre dossier est validé par l'État et a été fait en étroite liaison avec Bruxelles. Je ne vois pas à quel titre notre dossier justifierait un recours alors que toutes les compagnies sont aidées d'autant que de notre côté, les 300 millions ne viennent pas que de l'État. Nous avons d'autres sources de financement.

Qui sont les investisseurs qui reprennent la totalité de Corsair?

Permettez-moi de leur tirer mon chapeau. Dans le contexte sanitaire que nous connaissons, voir des investisseurs qui signent le 25 novembre 2020 pour prendre le contrôle d'une compagnie aérienne ne peut que forcer l'admiration. Ils ne se sont jamais découragés et ont montré une grande ténacité. Deux d'entre eux, Eric Kourry et Patrick Vial-Collet, ont réuni des entrepreneurs notamment des secteurs du tourisme et de l'hôtellerie, basés aux Antilles, à la Réunion et en Guyane, ainsi que des collectivités territoriales : la Région Guadeloupe et la collectivité départementale de Mayotte. Il y en aura peut-être d'autres. Le succès appelle le succès, il y a des investisseurs qui avaient regardé le projet, l'avaient quitté et qui aujourd'hui reviennent. Ce consortium est un groupe solide, extrêmement soudé avec de très beaux investisseurs, tous honorablement connus, qui croient tous au projet. Ils ont très bien négocié. Corsair va avoir un soutien très fort. Cela va nous donner une force de frappe très importante.

Quelle est la conséquence de cet actionnariat domien?

Corsair aura un actionnariat domien avec des gens qui sont tous chefs d'entreprise qui offriront des opportunités de business additionnel pour nous. Il y aura donc du trafic additionnel pour nous. Leur empreinte très forte sur les marchés d'Outre-mer va renforcer notre présence sur ces marchés. Nous sommes la compagnie des départements d'Outre-mer, la référence des DOM. Cela va nous donner de la cohérence sur la stratégie. Plutôt que nous disperser en ouvrant des lignes à droite ou à gauche, nous aurons une unicité, une cohérence dans notre réseau de destinations. Cela va également nous donner une simplicité en interne, dans nos actions commerciales, dans le positionnement de la marque.

Qu'allez-vous faire en termes de réseau?

Nous allons renforcer notre empreinte sur les départements d'Outre-mer, sur les Antilles, la Réunion, la Caraïbe et l'Océan Indien. Nous allons néanmoins maintenir la desserte de Montréal, du moins en été, de l'Île Maurice, et de la Côte d'Ivoire, et si nous pouvons nous développer vers l'Afrique, nous le ferons.

Eric Kourry, l'un de vos actionnaires, est le propriétaire d'Air Antilles et d'Air Guyane, prévoyez-vous des synergies?

Nous avons en effet énormément de synergies à mettre en place avec Air Antilles. Cela va nous donner une puissance très forte. Contrairement à Air Caraïbes, nous n'avions pas de réseau régional aux Antilles. Nous en aurons désormais un, au moins équivalent, sinon meilleur.

Quel est le plan de flotte?

Nous allons disposer d'un outil industriel entièrement remanié et efficace puisque sur les 5 Airbus A330-900 NEO que nous avions commandés, 3 seront livrés en avril, mai et juin 2021. Ils complèteront notre flotte actuelle de 5 A330-300 classiques et nous aurons donc 8 avions l'été prochain. Un quatrième et un cinquième A330 NEO arriveront respectivement dans notre flotte en décembre 2021 et en juin 2022. Comme nous comptons sortir le dernier Airbus A330-200 encore présent dans notre flotte, cette dernière sera donc composée de 9 avions en juin 2022, avec un âge moyen de 5 ans. Nous avons renégocié nos loyers et nous aurons une flotte à des coûts très compétitifs.

Au-delà du plan de financement, Corsair est-elle prête pour affronter un environnement qui sera demain plus difficile qu'il ne l'était avant la crise?

Nous avons fortement diminué nos coûts. Nous avons réduit le coût de possession de la flotte mais aussi nos coûts de personnel. Je tiens à saluer l'engagement de l'ensemble du personnel qui, en acceptant des efforts significatifs, a exprimé ainsi son adhésion au projetNous avons fait quelque chose qui n'a jamais été fait en France et que peu de compagnies ont fait : nous sommes repartis à zéro. Nous avons dénoncé 134 accords et usages pour les personnels navigants qui ont été remplacés par un accord de substitution pour les pilotes et un autre pour les personnels navigants commerciaux (PNC). La composition équipage sera au minimum règlementaire. Les économies de masse salariale seront extrêmement importantes. Entre 10% et 15%. Elles seront en fait plus importantes si l'on tient compte par ailleurs de la réduction des effectifs. La sortie de flotte anticipée de nos trois Boeing 747 en juin s'accompagne de départs des pilotes qui n'ont pas souhaité continuer à voler sur Airbus A330. Nous négocions par ailleurs une rupture conventionnelle collective (RCC) avec les PNC qui pourrait entraîner une centaine de départs. Avec l'externalisation de l'escale d'Orly, 70 personnes ont quitté l'entreprise. Celle de la supervision des vols dans les DOM a entraîné le départ d'une petite dizaine de personnes. L'objectif est de réduire les coûts fixes, et de variabiliser au maximum les coûts. Ce sera une obsession permanente. Au niveau compétitivité, on a fait une cure de fitness. Vous ne reconnaîtriez pas Corsair. Nous aurons une très bonne productivité. Tout cela a beaucoup joué pour convaincre toutes les parties prenantes.

Quand comptez-vous être rentable?

Nous avons élaboré un "business plan" sur trois ans, 2020-2021, 2021-2022, et 2022-2023. Sur l'exercice en cours, nous continuerons évidemment à perdre de l'argent, c'est inévitable. Nous comptons faire la bascule au cours de l'exercice 2021-2022 (octobre 2021-fin septembre 2022, NDLR), mais cela dépendra évidemment du contexte sanitaire. Je ne prévois pas de véritable recrudescence du trafic avant juillet 2021. Les annonces sur l'allègement du confinement ont suscité une relance des ventes du côté des voyageurs. Si le 20 janvier les restrictions sont levées, si la campagne de vaccination se déroule bien, la confiance va revenir progressivement. Ce qui est important, c'est d'avoir les capacités de financement et nous les avons grâce à ce plan de financement global.

Restez-vous à votre poste?

Je reste PDG et je serai actionnaire de Corsair comme l'ont souhaité les actionnaires. Je suis ravi de relever ce challenge avec eux

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 2
à écrit le 29/11/2020 à 12:31
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Le low-cost est à 'aérien ce que le fast-food est à la gastronomie...

à écrit le 27/11/2020 à 8:27
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"Nos avions vides voleront plus haut, voleront plus vite que les autres, promis !"

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