Les repreneurs sortent du bois, l'Etat sort son chéquier, les actionnaires actuels quittent le navire, et les salariés font des efforts. Ainsi se résume le plan de sauvetage de Corsair que nous révélions dans nos colonnes en juin dernier et qui, sauf coup de théâtre, devrait se finaliser d'ici à la fin de l'année. Un plan incroyable par son scénario et les acteurs concernés puisqu'on y trouve l'Etat au chevet d'une entreprise 100% privée comptant 1.200 salariés, le géant du tourisme allemand, TUI, actionnaire minoritaire de Corsair lequel, lui aussi va remettre la main à la poche, et des candidats à la reprise de la compagnie originaires pour l'essentiel des départements d'Outre-mer (Antilles et Réunion notamment). Environ cinq entrepreneurs privés d'Outre-mer (mais aussi de Métropole) et des acteurs publics également d'Outre-mer, se sont regroupés dans un consortium prêt à mettre "plusieurs dizaines de millions d'euros" pour détenir 100% du capital de Corsair, détenue aujourd'hui par Intro Aviation (53% du capital), TUI (27%%) et les salariés (20%).
Recentrage sur les DOM
Aujourd'hui, certains de ces investisseurs se dévoilent. Selon des sources concordantes, lors d'un comité d'entreprise extraordinaire qui s'est tenu ce jeudi, trois d'entre eux ont présenté le projet de reprise du consortium. Le premier est Eric Kourry, fondateur d'Air Caraïbes, président de K Finance et mais aussi du groupe GAI, qui détient Air Antilles et Air Guyane. Le deuxième est Patrick Vial-Collet, Président de la chaîne hôtelière "Des hôtels et des îles", et président de la Chambre de Commerce et d'industrie (CCI) de la Guadeloupe. L'identité du troisième n'était pas encore confirmée à l'heure où nous mettions en ligne. Leur objectif est clair : disposer une compagnie recentrée sur les DOM pour maintenir un niveau de concurrence suffisant permettant d'éviter une inflation des prix. Une volonté que la crise du transport aérien n'a pas remis en cause. Selon nos informations, les membres du consortium ont signé une lettre engageante qui lance le reste du processus de sauvetage. Celui-ci s'apparente à un véritable puzzle.
L'Etat, l'autre pièce maîtresse
L'Etat, par le biais du comité interministériel de restructurations industrielles (Ciri), constitue l'autre pièce maîtresse de ce dossier. Selon nos sources, le Ciri est prêt à accorder plus de 100 millions d'euros à la compagnie, essentiellement via des prêts. De quoi compenser le trou de trésorerie que connaîtra immanquablement la compagnie sur la durée de la crise. Des prêts bienvenus. Pour rappel, au printemps dernier, faute de fonds propres suffisants malgré une trésorerie confortable, Corsair s'était vu refuser un prêt garanti par l'Etat (PGE). Dans la foulée, Bruno Le Maire, le ministre des finances, avait indiqué que l'Etat apporterait son aide à condition que les actionnaires actuels mettaient la main à la poche. Sans surface financière, Intro Aviation, l'actionnaire majoritaire de la compagnie, est hors jeu depuis longtemps. En revanche, même s'il est lui aussi frappé de plein fouet par la crise, TUI est en première ligne. Seul actionnaire de 2002 à 2019 avant de commencer à se désengager, le groupe touristique allemand entend contribuer au plan sans rester au capital. Un solde de tout compte en quelque sorte. Ca Les discussions sont toujours en cours sur le montant. TUI voudrait notamment donner à Corsair un A330, mais la valeur d'un tel actif s'est effondrée avec la crise. Corsair espère finaliser l'opération de cession d'ici à la fin de l'année après un protocole d'accord avec l'Etat et les actionnaires actuels.
La quasi-totalité des accords sociaux remis à plat.
En pertes chroniques depuis des années, Corsair a les moyens de devenir une compagnie compétitive face à la concurrence féroce d'Air France, et d'Air Caraïbes sur les Antilles et sur la Réunion d'Air France toujours, de French Bee, et d'Air Austral.
La sortie en juin de ses Boeing 747-400 pour se concentrer sur une flotte unique d'A330 permettait déjà de faire des économies colossales. Aujourd'hui, elle va réduire ses coûts sociaux et gagner en productivité. Les syndicats apportent en effet leur pierre à l'édifice. Après la dénonciation de 134 accords et usages d'entreprise par la direction, ils ont signé de nouveaux accords permettant de réduire la masse salariale des pilotes et des hôtesses et stewards. Les navigants ont notamment accepté de baisser de moitié leur majoration salariale pour les heures de nuit, de réduire leurs jours de congés. Au total, la baisse des coûts est de 10 à 15%. Par ailleurs, une rupture collective conventionnelle (RCC) est prévue pour les PNC. Elle devrait porter sur une centaine de personnes.
L'idée est d'assurer le programme avec une dizaine d'A330 quand la situation sera stabilisée. Aujourd'hui Corsair opère 5 exemplaires. Le calendrier de livraisons et le prix des cinq A330 Neo commandés sont en cours de négociation.
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