
Depuis un an, la situation du transport aérien s'est largement améliorée. Mais il en faut plus pour que Willie Walsh perde son mordant. Au cours de son discours d'ouverture de la 78e assemblée générale de son organisation à Istanbul, le directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA) n'a pas mâché ses mots pour dénoncer les vents contraires qui pèsent selon lui sur les compagnies aériennes, en dépit du retour de la rentabilité.
Le discours de Willie Walsh avait pourtant commencé sous des auspices favorables. « En dépit des incertitudes économiques, les gens volent pour se reconnecter, explorer et faire des affaires. Nos dernières données montrent un retour du trafic à plus de 90 % du niveau de 2019. Les aéroports sont plus fréquentés, le taux d'occupation des hôtels augmente, les économies locales se redressent et le secteur aérien est redevenu rentable », s'est réjoui d'entrée l'ancien patron de British Airways.
2019 en ligne de mire
Willie Walsh a salué bien évidemment ce retour du trafic. Avec 4,35 milliards de passagers devant voyager à travers le monde en 2023, le transport aérien s'approche de son record de 4,54 milliards atteint en 2019. D'autant que cette croissance s'accompagne d'une amélioration des performances économiques après les années noires de la crise : avec un chiffre d'affaires global estimé à 803 milliards de dollars prévus cette année, les compagnies aériennes vont tutoyer le niveau de 2019 (838 milliards de dollars). De même, elles devraient cumuler 9,8 milliards de dollars de bénéfices nets, soit le double de ce qui était prévu il y a quelques mois encore. En termes de profits opérationnels, le chiffre a même été multiplié par 7. Les compagnies aériennes avaient perdu près de 200 milliards de dollars nets entre 2020 et 2022.
Cela ne l'a pas empêché de changer de ton très rapidement. Il ne s'est pas privé de dire que cette rentabilité était largement insuffisante, avec une marge d'à peine 1,2 %. Selon ses calculs, les compagnies ne dégagent ainsi en moyenne que 2,25 dollars par passager, « ce qui ne suffit même pas à acheter un ticket de métro à New York ». « Il est clair que ce niveau de rentabilité n'est pas durable », a ainsi déclaré Willie Walsh avant de tempérer quelque peu sa position : « Mais si l'on considère que nous avons perdu 76 dollars par passager en 2020, la vitesse de la reprise est forte. »
Seul contre tous
Le directeur général de IATA ne s'est pas non plus privé pour tancer le reste de l'écosystème, à commencer par l'industrie aéronautique : « Les défis demeurent, l'invasion se poursuit, la pression sur les coûts est énorme et, dans certains domaines, la main-d'œuvre se fait rare. Malheureusement, bon nombre de nos partenaires commerciaux ne font qu'ajouter à ces pressions : les constructeurs et équipementiers sont beaucoup trop lents et les blocages de la chaîne d'approvisionnement augmentent les coûts et limitent notre capacité de déploiement. Les compagnies aériennes sont plus que frustrées et une solution doit être trouvée. » Il a assuré mettre tout en œuvre pour faire passer ce message aux constructeurs.
De même, les compagnies pétrolières, qui « s'en sont très bien tirées sur notre addition avec un coût de raffinage pour le kérosène qui a atteint des sommets historiques depuis 2022 jusqu'en avril de cette année », n'ont pas échappé au courroux du patron des compagnies aériennes. Willie Walsh s'est tout de même félicité de la réduction de l'écart entre le pétrole brut et le kérosène depuis quelques mois, revenu aux alentours de 17 %, soit un taux bien plus traditionnel.
Amsterdam-Schiphol comme un symbole
Bien entendu, le directeur général a directement visé certains aéroports « faisant peser le coût de leur inefficacité sur les compagnies ». Il a particulièrement ciblé Amsterdam Schiphol qui, en dépit des problèmes opérationnels rencontrés l'an dernier qualifiés de « pathétiques », a poursuivi sa hausse de redevances. Sans compter la décision du gouvernement de limiter la capacité de l'aéroport sans passer par une approche équilibrée telle que prévue par l'Organisation internationale de l'aviation civile (agence de l'ONU pour le transport aérien).
Les gouvernements n'ont d'ailleurs pas été oubliés non plus. Willie Walsh a pointé là aussi la hausse des redevances de contrôle aérien, estimé par exemple à deux milliards d'euros en Europe l'an dernier. Forcément, les grèves à répétition du contrôle aérien français ont été pointées du doigt. Mais il a surtout insisté sur le rôle des Etats dans la décarbonation, estimant que c'est un problème sérieux dont les gouvernements ne doivent pas s'en servir pour renflouer leurs finances.
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