Pour ou contre : la LGV Bordeaux-Toulouse aura-t-elle un impact favorable sur l'environnement ? Jean-Luc Moudenc (maire de Toulouse) face à Pierre Hurmic (maire de Bordeaux)

LE DÉBAT DE LA TRIBUNE. Alors que la validation mi-mars du plan de financement va permettre de lancer les travaux de la LGV Bordeaux-Toulouse, ce projet colossal qui permettra notamment de relier Paris à Toulouse en trois heures fait débat sur son impact environnemental. L'avis de Jean-Luc Moudenc, le maire (LR) de Toulouse et président de la Métropole, et Pierre Hurmic, le maire (EELV) de Bordeaux.
(Crédits : DR)

Dans les cartons depuis plus de trente ans, la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et Toulouse est désormais sur les bons rails. Après une multitude de rebondissements, le "Grand Projet du Sud-Ouest" (GPSO), qui permettra de réduire par deux le temps de parcours entre les deux métropoles du sud-ouest de la France et de relier la Ville Rose à Paris en 3h10, vient de franchir une étape cruciale. Son financement a été validée le 14 mars dernier. Non sans mal au regard du nombre d'acteurs concernés et du montant de l'enveloppe : 14,3 milliards d'euros, répartis à 40% par l'Etat, 40% par les 24 collectivités locales d'Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine et 20% par l'Union européenne. Désormais, tous les clignotants sont au vert pour envisager un démarrage des travaux fin 2023.

Le chantier est colossal puisqu'il vise à construire non seulement 327 kilomètres de lignes nouvelles (entre Toulouse et Bordeaux et entre Bordeaux et Dax dans les Landes), mais aussi 15 kilomètres de raccordements au réseau existant et des nœuds ferroviaires au nord de Toulouse et au sud de Bordeaux. Le tout en moins d'une décennie, la mise en service du GPSO étant prévue en 2032.

A cette date, Toulouse sera à une heure de train de Bordeaux et à trois heures Paris pour les temps de parcours les plus rapides, ceux qui n'auront qu'un arrêt à Bordeaux. De quoi concurrencer le transport aérien, prédominant sur cet axe, l'un des rares aujourd'hui avec Paris-Nice et Paris-Clermont-Ferrand, à ne pas relier la capitale à une grande métropole régionale en trois heures de train environ. Pour Dax, le temps de trajet sera réduit de 20 minutes depuis Paris.

Pourtant, malgré le plébiscite général en faveur du développement du transport ferroviaire dans la lutte contre le réchauffement climatique, le projet ne fait pas l'unanimité. Un débat subsiste toujours sur le gain environnemental de cet aménagement ferroviaire, très critiqué localement par les élus écologistes et une dizaine d'associations environnementales qui dénoncent au contraire un "gouffre environnemental".

Face à ces critiques, la question se pose donc : cette LGV aura-t-elle vraiment un impact favorable sur l'environnement ?

POUR Moudenc

« Oui, la LGV entre Toulouse et Bordeaux est une infrastructure écologique. Tout d'abord, parce qu'elle va provoquer un report modal. Ceux qui prenaient jusqu'à présent l'avion pour aller à Paris ou la voiture pour se rendre à Bordeaux utiliseront le train car ils gagneront du temps. Or, comme le démontrent de nombreuses études, l'empreinte écologique par passager d'un voyage en TGV est bien plus faible qu'un voyage en avion ou en voiture. Au total, en raison du report modal, le GPSO devrait attirer sur le réseau ferroviaire entre cinq et sept millions de voyageurs supplémentaires et permettre d'économiser 280.000 tonnes de CO2 chaque année. Le gain écologique sera considérable !

Ceux qui assurent que le bilan carbone sera négatif prennent essentiellement en compte les émissions de CO2 générées par le chantier de cette LGV. Or, il faut aller au-delà et inclure dans le calcul les émissions de gaz à effet que le report modal permettra d'économiser. Au bout de 10 ans d'exploitation, le bilan carbone négatif de la construction de la LGV sera effacé. S'ajoutent à cela toutes les mesures de compensation à l'artificialisation des sols, laquelle sera d'ailleurs très faible car elle concernera essentiellement l'emprise au sol des deux rails.

Pour compenser, nous allons planter de la végétation. L'idée est de compenser plus que ce que nous allons consommer et nous allons le faire dans des proportions rarement observées jusqu'ici puisqu'au total le programme de compensation, qui se basait sur 1.000 hectares de plantation, en prévoit 1.700 supplémentaires, alors que 700 hectares vont être artificialisés.

Il faut également noter que le GPSO regroupe non seulement les lignes nouvelles entre Bordeaux et Toulouse, ainsi entre Bordeaux et Dax, mais aussi l'aménagement ferroviaire du nord toulousain (AFNT) et l'aménagement ferroviaire du sud bordelais (AFSB) que l'on appelle les nœuds ferroviaires. Ces derniers ne font d'ailleurs pas l'objet de contestations car ils vont favoriser le développement des trains de proximité et du quotidien que sont les RER ou TER, mais aussi de fret.

En soit, la ligne nouvelle entre Toulouse et Bordeaux ne représente « que » 6,3 milliards d'euros courants dans l'enveloppe totale de ce projet d'un montant de 14 milliards d'euros.

Par rapport à la proposition des opposants, qui se résume en un aménagement de l'existant, nous sommes dans des chiffres à peu près comparables. La seule différence, c'est le gain de temps qu'apporte ce projet. Avec une modernisation de la ligne existante, on ne gagne que sept minutes entre Toulouse et Bordeaux (contre une heure avec une ligne nouvelle, ndlr). Il faut le dire, la transition écologique a un coût d'investissement au départ, largement amorti par la suite. Aujourd'hui, l'intérêt de cette infrastructure ne fait plus guère de doutes. Toutes les DUP (déclaration d'utilité publique) nécessaires ont été obtenues et tous les recours juridiques des opposants ont été rejetés par la justice, ils ont épuisé toutes les voies possibles.

Enfin, on dit souvent que le TGV est élitiste, mais il faut combattre cette idée car c'est une idée reçue ! Selon les derniers chiffres, sur les 99 milliards de kilomètres cumulés parcourus par les usagers du réseau ferroviaire français sur une année pleine, pas moins de 57 l'ont été sur une LGV. Cela signifie bien que le TGV relève aussi du train du quotidien et qu'en plus il permet de développer l'usage du RER et TER. C'est un débat qui n'a pas de sens d'autant que de plus en plus de jeunes sont séduits par ce mode de transport grâce à des prix attractifs. »

CONTRE Hurmic

« Le tout LGV a été une catastrophe sur le plan écologique car il s'est fait au détriment des autres missions essentielles de la SNCF que sont les trains du quotidien et le fret ferroviaire. Ce n'est pas seulement mon avis, c'est aussi la conclusion du rapport de la commission des finances du Sénat publié récemment qui pointe « l'incohérence de la stratégie de la SNCF avec les objectifs environnementaux affichés ». Et je rappelle qu'Emmanuel Macron et son gouvernement étaient opposés aux nouvelles LGV en 2017, affirmant que les lignes à grande vitesse ont été faites en sacrifiant le reste du réseau.

Le résultat à Bordeaux c'est une rocade saturée par les automobilistes et par 10.000 camions quotidiens. Et c'est une contre-vérité de dire qu'une nouvelle LGV permettra de développer le fret puisque les 2.800 km de LGV construits ces dernières années ont abouti à l'exact inverse : une chute vertigineuse du fret ferroviaire qui ne pèse que 9 % du trafic de marchandises en France contre 18 % en Europe !

Maintenant, sur le plan strictement environnemental, les LGV vers Toulouse et Dax sont un massacre environnemental qui va aboutir à la destruction de 4.830 hectares de sols naturels, agricoles et viticoles dont 1870 hectares de forêts qui sont pourtant nos meilleures alliées contre le réchauffement climatique !

La réalité, c'est que ce sont des projets conçus à une époque où le souci environnemental n'était pas prédominant dans nos politiques d'aménagement du territoire. On va construire des gares en rase campagne alors même que la COP26 et le 6e rapport du Giec soulignent l'impératif de préserver les sols, les forêts et la biodiversité. Quant aux compensations environnementales, tout le monde sait que ça ne fonctionne pas parce que ce sont des obligations de moyens, pas de résultats ! Dans quelques années, je suis convaincu que ce principe de compensation sera regardé comme aussi absurde que vain.

Le report modal est, lui-aussi, un mirage : la SNCF promettait 12% de véhicules en moins sur Valence-Lyon, la réalité c'est seulement -6%. Et pour l'avion, même avec un trajet direct de 3h10 entre Toulouse et Paris, les gens continueront à prendre l'avion pour se rendre à Paris à la journée.

Au total, le bilan carbone d'une telle infrastructure me semble impossible à récupérer puisque le coût de la construction est extrêmement élevé. Le projet GPSO communique sur 2,4 millions de tonnes de CO2 émises assurant que cela sera compensé en seulement dix ans d'exploitation. Mais ce bilan carbone ne tient pas compte de ce dont on se prive sur le long terme en détruisant définitivement des forêts qui sont des puits à carbone naturels. Pour toutes ces raisons, je suis favorable à la rénovation des lignes existantes qui coûtent quatre fois moins cher pour un temps de trajet supérieur de seulement 20 minutes entre Bordeaux et Toulouse en allant à 240 km/h au lieu de 320 km/h. »

Lire aussi 2 mnGPSO : le Grand Dax vote son soutien à la LGV

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Commentaires 8
à écrit le 30/01/2023 à 20:49
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On (les toulousains) n'est plus à 10 ans près ! 5h00 de TGV quand le dernier au départ de Montparnasse est à 19h00 cela fait du minuit chez moi (car il faut rajouter 45 mn (30mn métro + 15 mn marche à pied faute de bus) En avion je me limite à 1 AR ...

à écrit le 12/06/2022 à 12:10
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un vrai bal d'hypocrites Danger pour Bordeaux : que Toulouse implante une zone d'affaire dans le quartier de la gare matabiau (destructions de l'ancien déjà en cours, tour occitane t autres bâtiments programmés) Danger pour Toulouse : d'être en mê...

à écrit le 06/04/2022 à 19:24
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Bonjour, Bon les lignes TGV se n'est pas que pour les parisiens pour aller en vacances sur la côte d'azur... Ils me semblent importants de faire profiter du progrès a tout les Français...

à écrit le 06/04/2022 à 16:23
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Et les gares intermédiaires qu'auront elles à y gagner? Voire ce qui se passe sur Paris-Nancy, Paris -Marseille pour les gares de Valence, Avignon et également Montpellier qui sont éloignées du centre ville et nécessitent des équipements routiers pou...

à écrit le 06/04/2022 à 13:45
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Nous avons un goulet d'étranglement a Bordeaux qui doit tout prendre en charge ce qui ne favorise pas les petites lignes qui deviennent indispensables pour notre futur!

à écrit le 06/04/2022 à 12:39
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Quand on voit le massacre sur. La ligne LG. Le Mans Rennes , il y a de quoi trembler, visiblement on ne sait plus construire les lignes de chemins de fer, l'emprise, dans des collines peut atteindre 1 km, les chemins vicinaux ont disparu, le particul...

à écrit le 06/04/2022 à 9:05
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C est sur que des travaux c n est pas écologique … mais faut voir plus loin..: nombre de rotation d avions réduits, report de voyages en voiture ou d’ autocar sur le train( une partie) et peut-être été le fret qui peut emprunter les lignes la nuit …...

à écrit le 06/04/2022 à 9:05
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C est sur que des travaux c n est pas écologique … mais faut voir plus loin..: nombre de rotation d avions réduits, report de voyages en voiture ou d’ autocar sur le train( une partie) et peut-être été le fret qui peut emprunter les lignes la nuit …...

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