L'aviation commerciale russe pourrait bien se retrouver clouée au sol. Dans le lot de sanctions décidées par l'Union européenne et les Etats-Unis contre la Russie, en réaction à l'invasion de l'Ukraine, se trouve un embargo sur les pièces de rechanges et équipements aéronautiques. Si l'impact n'est pas immédiat, ceux-ci pourraient faire défaut rapidement aux compagnies russes qui exploitent majoritairement des appareils occidentaux, Airbus et Boeing en tête, mais aussi des Bombardier et quelques Embraer.
Sur une flotte passagers et cargo de près de 1.000 appareils, les trois-quarts environ sont d'origine européenne, américaine et canadienne. Après avoir fait cohabiter des avions issus de l'ancienne industrie soviétique avec des avions occidentaux jusque début des années 2010, les compagnies russes ont accéléré leur transition. Côté local, il reste essentiellement des Sukhoi Superjet 100, dotés d'équipements occidentaux, des Antonov et quelques Yakovlev.
Plus de 600 Airbus et Boeing
Airbus déclare avoir plus de 340 avions en service en Russie chez dix opérateurs commerciaux et VIP. A elle seule, la compagnie nationale Aeroflot exploite 118 appareils du constructeur européen, dont une majorité issue de la famille A320, mais aussi des A330 et des A350 (dont 14 restent à livrer). Le second opérateur est la compagnie à bas coût S7 Airlines, avec 69 appareils des familles A320 et A320 NEO.
De son côté Boeing a environ 300 avions dans le pays, avec encore 34 appareils à livrer. Comme Airbus, il est très présent chez Aeroflot, avec notamment une vingtaine de 777, ainsi que chez S7 Airlines, UTAir ou encore Rossiya. La plupart des grandes compagnies russes ont d'ailleurs des flottes mixtes entre Airbus et Boeing, avec des appareils des familles 737 et A320. Une large part est en location auprès d'acteurs financiers comme VTB Leasing, branche de la banque d'Etat VTB, Sberbank leasing, ou la compagnie d'Etat GTLK...
Les appareils russes également touchés
En ce qui concerne le Superjet 100, la situation n'est guère plus favorable. Si l'appareil est de conception russe, il embarque un grand nombre d'équipements occidentaux. A commencer par son moteur SaM146, développé conjointement par le motoriste russe NPO Saturn et le français Safran Aircraft Engines. Même si une "russification" de l'appareil est à l'œuvre depuis plusieurs années, il reste dépendant des livraisons occidentales. C'est d'ailleurs aussi le cas pour le MC21, actuellement en développement.
De fait, l'embargo sur les pièces aéronautiques va toucher la quasi-totalité des compagnies russes. Dans son allocution détaillant les sanctions contre la Russie, suite au Conseil européen du 24 février, la présidente de la Commission européenne a rappelé "l'énorme dépendance" des opérateurs russes vis-à-vis de ces pièces venues de l'Ouest. Elle a ainsi estimé que cet embargo allait "affecter le secteur clef de l'économie russe et la connectivité du pays".
Cet impact devrait se faire ressentir principalement sur l'entretien des moteurs. Pour conserver la valeur résiduelle des avions, la plupart des compagnies n'utilisent que des pièces de rechange produites par les motoristes d'origine. C'est le cas même lorsqu'elles réalisent la maintenance en propre ou dans des ateliers tiers. Il existe donc très peu de pièces n'étant pas d'origine.
Le ciel pourrait se fermer
Les compagnies russes risquent également de se voir interdire le ciel de certains pays. C'est le cas au Royaume-Uni, où Aeroflot n'est plus autorisé à se poser. En représailles, les autorités russes viennent d'ailleurs de mettre en place une mesure similaire à l'encontre des appareils britanniques. Le survol de la Russie leur est également interdit.
L'entrée dans l'espace aérien russe pourrait d'ailleurs également être un enjeu. La plupart des vols entre Europe et Asie passent par son territoire. Le contourner rallongerait les vols et coûterait cher aux compagnies aériennes européennes. A l'inverse, les coûts de survol rapportent un pactole non négligeable à la Russie.
Sujets les + commentés