« Sur ce sujet comme sur d'autres, je mise sur le bon sens et la bienveillance » (Jean-Laurent Bonnafé)

Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, première banque française à signer la Charte LGBT+ de L'Autre Cercle, fait en sorte que son entreprise déjoue les discriminations par la sensibilisation et les mesures de prévention.
Jean-Laurent Bonnafé se dit très optimiste sur le respect des différences en entreprise à l'avenir.
Jean-Laurent Bonnafé se dit "très optimiste" sur le respect des différences en entreprise à l'avenir. (Crédits : Klauiw Weddig)

LA TRIBUNE - Vous êtes le seul dirigeant d'une entreprise française à figurer (à la cinquième place) dans le classement international d'OUTstanding. Pourquoi votre exemple est-il si peu suivi ?

JEAN-LAURENT BONNAFÉ - Le propre de ces classements, c'est de faire connaître et de permettre à chacun de se poser des questions. En conséquence, je ne me sens pas seul ! Sur la base des progrès réalisés depuis dix ans, je serai peut-être dans les dix ans à venir très loin dans le classement d'OUTstanding, dépassé par beaucoup d'autres ! D'ailleurs, je suis sûr que certains chefs d'entreprise seraient prêts à s'impliquer, mais une décision individuelle qui ne serait pas portée par une équipe serait contre-productive. Cela doit être une décision collective. C'est le cas pour BNP Paribas, une entreprise ouverte sur des cultures et des réalités différentes, dont la caractéristique est d'accompagner la diversité au sens large.

Pouvez-vous détailler pourquoi vous portez les initiatives de BNP Paribas dans ce domaine ?

Si j'ai observé peu de discriminations contre les LGBT+ dans l'entreprise, pendant mes études - il y a très longtemps -, j'ai assisté à des situations proches de la violence physique. Et ceux qui souffraient n'avaient aucune clé pour comprendre pourquoi on s'en prenait à eux. Cela a fait son chemin chez moi. Mais ce qui a été déterminant, c'est l'invitation d'un certain nombre de collègues, qui nous ont dit : « Il y a des difficultés, nous devons nous y intéresser et agir ». C'est allé assez vite, d'autant que nous avons eu des signaux de Londres et de New York. Enfin, des réseaux existaient déjà au sein de l'entreprise. Et maintenant, tout cela se cristallise.

Je suis donc très optimiste. Et pragmatique. Plutôt que de parler de questions universelles d'identité, je mise sur le bon sens et la bienveillance. À chaque fois qu'on peut faire un geste pour que quelqu'un soit plus à l'aise ou plus ouvert, se sente mieux compris et davantage considéré, c'est toujours une bonne chose, sur ce sujet comme sur d'autres. Vous pouvez faire semblant d'être différent de vous-même un jour ou deux, mais pour être serein, surtout dans des domaines comme l'innovation ou la prise de risque, vous devez être bien accueilli. En créant un univers plus favorable, on obtient assez naturellement un engagement complet des collaborateurs. Ce n'est pas nécessairement ce qui est à l'origine du mouvement dans les organisations, mais c'est un fait. Et cela se diffuse sans que l'on puisse le comptabiliser. En outre, avoir des alliés hétérosexuels est critique : cet enjeu doit traverser toute l'entreprise. N'importe qui peut se sentir concerné et avoir envie, à titre personnel, familial, professionnel, de s'engager. C'est ce qu'on observe chez BNP Paribas.

Concrètement, quelles sont les actions menées ?

Nous avons, en 2015, signé la Charte d'engagement LGBT+ de L'Autre Cercle. Nous avons des centaines de milliers de clients dans les 72 pays où nous sommes présents, et nous avons reçu de nombreux courriels, notamment de ceux qui ne partageaient pas l'idée qu'une entreprise puisse aller sur ce terrain ou considéraient même que c'était une faute... Certains commentaires étaient proches de la haine, ce qui ne peut d'ailleurs que légitimer notre décision, puisque si elle produit de telles réactions, c'est qu'il y a bien un problème. Nous avons sans doute perdu quelques clients, mais ce ne sont pas des domaines dans lesquels il faut être comptable. En revanche, au sein de l'entreprise, nous avons reçu beaucoup d'encouragements et de signes de reconnaissance.

Nous avons fait ce que nous avions à faire. Avons-nous eu raison ? Évidemment ! En outre, notre décision de sponsoring des Gay Games, de même que les réseaux, qui sont des initiatives individuelles, donnent de la puissance au mouvement. Et s'il y a faute ou dérapage envers une personne LGBT+, nous agissons en conséquence comme pour le harcèlement en général. La procédure, qui commence par un entretien individuel, peut aboutir à une sanction disciplinaire, une rétrogradation voire un licenciement. La sensibilisation et les mesures de prévention doivent être suffisamment importantes pour éviter toute forme de discrimination. Chez BNP Paribas, nous sommes convaincus de la nécessité et de l'intérêt d'être le plus ouverts possible mais nous ne pouvons pas progresser seuls. L'école et la société doivent faire évoluer les positions. Il s'agit d'une démarche collective.

"Soutenir la visibilité LGBT au travail est une évidence"

Pour Herbert Smith Freehills et Eversheds Sutherland, deux cabinets d'avocats internationaux, soutenir la visibilité LGBT au travail est une évidence. Question de tradition anglo-saxonne, mais aussi « parce que nous avons toujours adopté une approche proactive en matière de diversité et d'inclusion », déclare Laurence Franc-Menget, associée chez Herbert Smith Freehills. Le cabinet, qui a lancé un comité diversité et inclusion en 2015 et signé la Charte d'engagement LGBT+ de L'Autre Cercle en 2016, veut donc également envoyer un signal en externe.

D'autant que « nos clients sont soucieux d'avancer sur ces sujets, puisqu'ils y sont eux-mêmes confrontés », précise l'avocate. « D'où l'intérêt des rôles modèles en entreprise, et en particulier des alliés, car avec eux, nous passons un cap : l'inclusion est un sujet qui concerne tout le monde », ajoute Déborah Attali, associée chez Eversheds Sutherland, cabinet qui a signé la Charte d'engagement LGBT+ de L'Autre Cercle l'an dernier. Spécialiste en droit social, elle traite parfois des cas de discrimination liés à l'orientation sexuelle. « Si, au-delà de la loi interdisant toute discrimination, les entreprises appliquaient une tolérance zéro, cela irait mieux, et c'est pour cela que l'action au quotidien des rôles modèles est si importante », dit-elle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 19/05/2019 à 16:06
Signaler
La victimisation de chaque minorité ne peut qu'engendrer des conflits permanents!

à écrit le 19/05/2019 à 16:03
Signaler
Comment, une "somme de minorité" veut elle agir comme une majorité si elle ne se concentre pas sur les éléments communs, en faisant abstraction de leur différence? C'est le rôle de la laïcité!

à écrit le 19/05/2019 à 10:09
Signaler
Ou est le temps ou la vie privé en entreprise était un bien individuel protecteur, voila que tout doit être mis sur la place publique, plus de frontière entre travail et vie personnelle, nous étalons nos états d'âmes et nos photos de famille sur Face...

à écrit le 17/05/2019 à 18:26
Signaler
De toutes façons il ne faut pas rêver, sachant que le racisme anti-roux existe toujours, moindre mais toujours, il y aura toujours des gens qui auront peur de ceux qui sont différents d'eux. De moins en moins et de plus en plus vite espérons le mais ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.