Comme un air de déjà vu. Une fois encore, l'ONU met la pression aux Etats, à moins de deux semaines de l'ouverture de sa conférence internationale sur le climat (COP26). Car l'objectif principal de cette rencontre, qui réunira la plupart des dirigeants du monde pendant 13 jours à Glasgow, sera de faire en sorte que l'augmentation des températures à +1,5°C d'ici la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle reste possible. Tel était le sens du fameux Accord de Paris, qui avait rassemblé en 2015 presque 200 signataires, prêts à faire des efforts pour limiter le réchauffement « bien en-deçà » de +2°C.
Seulement voilà, six ans plus tard, les promesses ne suffisent plus : loin des belles paroles, les plans de production des Etats dans les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) restent « largement incompatibles » et en « dangereux décalage » avec les engagements pris lors de la COP15, préviennent mercredi le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et plusieurs instituts de recherche. Pour cause, leur mise en place conduirait à « une augmentation d'environ 240% du charbon, 57% du pétrole et 71% du gaz en 2030 par rapport à ce qui serait compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C », font-ils valoir. Soit, pour les énergies fossiles dans leur ensemble, une production « plus de deux fois supérieure » (110%) à celle compatible avec +1,5°C. Mais aussi 45% supérieure à une trajectoire de +2°C, pourtant non souhaitable selon l'accord.
Politiques incohérentes
Les signes d'alarme n'ont pourtant pas manqué : entre incendies géants et inondations extrêmes, le rapport du GIEC (les experts climat de l'ONU) publié au creux de l'été a marqué les esprits par ses prévisions désastreuses...mais n'a fait que préciser ce qui était déjà bien connu. Pourtant, malgré les alertes répétées, l'écart entre la production d'énergies fossiles et les niveaux souhaités pour respecter l'Accord de Paris est resté « largement inchangé » par rapport au premier rapport du PNUE sur le sujet, publié en 2019.
« Le chemin à parcourir pour parvenir à un avenir énergétique propre est encore long », a ainsi regretté le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Car dans un monde encore englué dans les fossiles, les responsables doivent composer avec des signaux contradictoires, conduisant à des politiques incohérentes au regard de leurs objectifs ambitieux. En Norvège, par exemple, parfois considéré comme un « bon élève », le nouveau gouvernement de centre-gauche a déclaré il y a quelques jours qu'il chercherait à « réduire les émissions de carbone »... tout en s'efforçant de « développer l'industrie pétrolière et gazière lucrative du pays ».
80% de l'énergie consommée est d'origine fossile
Pour espérer y remédier, « la production mondiale d'énergies fossiles doit commencer à baisser immédiatement et fortement », préviennent les chercheurs. L'ONU appelle notamment à transférer tous les financements dédiés aux fossiles vers les énergies renouvelables, pour « promouvoir la décarbonation complète du secteur de l'électricité et l'accès aux énergies renouvelables pour tous ». En effet, depuis le début de la pandémie début 2020, les pays du G20 ont affecté environ 300 milliards de dollars de financement vers les énergies fossiles, plus que vers les renouvelables. Résultat : le charbon, le pétrole et le gaz, sources de l'essentiel du réchauffement climatique du fait de leurs émissions, représentaient toujours 80,2% de la consommation d'énergie finale en 2019, contre 80,3% en 2009, notait le groupe de réflexion international REN21 en juin dernier. La part des énergies renouvelables, elle, est passée de 8,7% à 11,2% du total, avec une croissance annuelle de 5% en moyenne.
« Lors de la COP26 et au-delà, les gouvernements du monde doivent se mobiliser et prendre des mesures rapides et immédiates pour combler l'écart de production en matière de combustibles fossiles et assurer une transition juste et équitable. L'ambition climatique, c'est cela », a commenté la patronne du PNUE, Inger Anderson.
Les chercheurs pointent néanmoins une bonne nouvelle : la baisse « importante » de la finance publique internationale dédiée aux énergies fossiles, et la décision de plusieurs banques multilatérales de développement d'exclure de nouveaux investissements dans l'extraction de combustibles fossiles. Pas sûr que cela suffise à enrayer le dérèglement climatique.
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