Énergie et développement durable, alimentation, sécurité des données, préservation de la biodiversité... Le commissaire européen à l'environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevičius et le gouvernement français, font cause commune pour répéter que la question de la souveraineté maritime est devenue cruciale.
Organisées le mercredi 24 et le jeudi 25 mai 2023 à Brest, cité maritime où les fonds FEDER ont notamment permis l'émergence d'un polder dédié aux énergies marines renouvelables (EMR), les Journées européennes de la mer (European Maritime Day) ont largement déroulé cette thématique.
« Avec la guerre en Europe et les tensions indo-pacifiques, les enjeux maritimes sont devenus primordiaux. Il faut faire de la mer un levier pour renforcer la souveraineté européenne, au cœur de l'urgence géopolitique et cyber », a asséné Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la Mer lors de la session d'ouverture.
Souveraineté alimentaire et protection des fonds marins
Destiné à créer des ponts et à définir des actions communes dans le domaine des affaires maritimes et de l'économie bleue durable, cet événement a été suivi par près de 1.500 professionnels européens, mobilisant tout l'écosystème brestois lié à la sécurité maritime et à l'océan.
À commencer par les pêcheurs, avec lesquels Hervé Berville, accueilli le matin même par une casserolade de l'intersyndicale, et le commissaire européen ont échangé au sujet du Plan d'action pour l'océan, publié par la Commission européenne en février dernier. Celui-ci rappelle aux États le droit européen existant concernant la nécessité d'interdire le chalutage de fond dans les aires marines protégées.
Mis à l'épreuve par la crise énergétique et les enjeux de la filière pêche, notamment autour de la souveraineté alimentaire, le secteur est aussi malmené par les conséquences du Plan de sortie de flotte national post-Brexit.
« Les écosystèmes marins se dégradent et nous devons faire des efforts » a martelé Virginijus Sinkevičius. Il s'est déclaré cependant satisfait de la rencontre avec les pêcheurs. « Nous faisons des progrès sur notre objectif global de protéger les écosystèmes et renforcer la résilience du secteur de la pêche » a-t-il résumé.
80% de produits de la mer importés
Hervé Berville a, quant à lui, réitéré son soutien à la pêche française « enjeu essentiel » et à la « défense de tous les modèles », alors que les 80% d'importations des produits de la mer alimentent des « systèmes moins-disants environnementaux et sociaux ».
« La France doit assumer de défendre sa pêche et son aquaculture, c'est un combat d'identité pour nos territoires » affirme-t-il, militant même pour un alignement des politiques commerciales sur la politique des pêches.
La protection des écosystèmes et la préservation du secteur de la pêche passeront forcément par la décarbonation du secteur maritime et l'utilisation de sources d'énergie bas-carbone ou à propulsion vélique et de navires zéro émission. Une filière que la France compte aussi développer à l'export.
« La décarbonation est un point essentiel du Green Deal européen. Et la France a un rôle clé à jouer », estime Virginijus Sinkevičius, alors qu'à l'approche des élections européennes de 2024, l'actuelle Commission arrive en fin de mandature.
Retard français sur les éoliennes en mer
Le Pacte vert de la Commission européenne entérine la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Il fixe un objectif de réduction des émissions nettes d'au moins 55% d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Sur le plan énergétique, autre enjeu de souveraineté, l'Europe entend se mobiliser autour des énergies marines renouvelables, et notamment des fermes éoliennes en mer, avec l'objectif de produire 60 GW en 2030 et 300 GW en 2050.
Dans ce domaine, la France a du retard. Mais elle a pris « un engagement très clair » assure Hervé Berville. Au total, 50 parcs éoliens en mer, soit 40 GW, seront installés d'ici à 2050, avec 20 GW attribués d'ici à 2030. « Pour être en phase avec les objectifs de neutralité carbone en 2050, il nous faut installer 2 GW par an à partir de 2025 » calcule-t-il. L'enjeu maritime apparaît désormais comme une réponse forte pour lutter contre le changement climatique.
Vers la création d'un jumeau numérique de l'océan
Lors de ces journées brestoises, Brest Métropole a mis sur le pont une partie de sa communauté d'acteurs, forte de 42.600 emplois maritimes et 1.850 étudiants engagés dans la filière maritime (Campus mondial de la mer, base navale, biotechnologies, recherche marine).
Si la coopération internationale s'engage aussi sur les enjeux de protection de la haute mer (45% de l'espace maritime), de création d'aires marines protégées au niveau international, et de l'interdiction de l'exploitation minière des fonds marins, l'eurodéputé Pierre Karleskind a, pour sa part, appelé à une politique souveraine des données sur l'océan.
« Brest est la fille de la dissuasion nucléaire et de la défense. On travaille ici à la création d'un jumeau numérique de l'océan. Dans cet océan de données, il faut se poser la question de leur protection ».
Cartographie, courants de marée, nature des fonds marins : le partage de données, non-stratégiques, par des fonds publics comme l'Ifremer, le service hydrographique de la marine (Shom) où les universités pourrait demain trouver davantage de limites.
Les intervenants à ces journées ont aussi convenu que le renforcement géostratégique de la politique maritime au service de la souveraineté économique et de la transition écologique implique d'investir dans les talents et dans la formation, mais aussi d'embarquer les citoyens. La prise de conscience des impacts humains sur la mer n'en est qu'à ses débuts.
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