Avec son rotor de 222 mètres de diamètre et ses pales de 108 mètres de long, c'est un nouveau géant des mers qu'a dévoilé fin mai Siemens Gamesa. Baptisée SG 14-222 DD, cette éolienne offshore, encore en cours de développement et dont le déploiement est espéré en 2024, sera la plus grande et la puissante jamais conçue. Elle symbolise la course au gigantisme dans laquelle s'est lancée le secteur, aussi bien les fabricants que les promoteurs de parcs.
La consommation de 18.000 ménages
Ce nouveau modèle affiche une puissante nominale de 14 mégawatts (MW), soit 3 MW de plus que son prédécesseur. Et 6 MW de plus que les éoliennes que le groupe espagnol, détenu majoritairement par l'allemand Siemens, fournira pour le futur parc au large de Saint-Brieuc. Chaque mât pourra produire suffisamment d'électricité pour satisfaire la consommation de 18.000 ménages, assure l'entreprise.
Avec cette éolienne, Siemens Gamesa réplique à son rival General Electric, dont la turbine le plus puissante, l'Haliade-X, culmine à 12 MW de puissance nominale. Ces derniers mois, cette turbine a permis au conglomérat américain de décrocher plusieurs succès commerciaux, notamment pour fournir les éoliennes du projet Dogger Bank au Royaume-Uni, la plus grande ferme éolienne offshore au monde.
Leader du marché de l'éolien en mer, avec une part de marché supérieure à 50%, Siemens Gamesa se devait donc de répliquer face à cette nouvelle concurrence plébiscitée par les promoteurs. Le groupe indique d'ailleurs que son nouveau modèle a déjà remporté deux contrats aux États-Unis - pour un immense parc au large de la Virginie - et à Taiwan.
Abaisser les coûts de production de l'électricité
La course au gigantisme doit permettre d'abaisser les coûts de production de l'électricité. "La taille des éoliennes est un élément fondamental pour y parvenir", souligne Filippo Cimitan, le président de la branche française de Siemens Gamesa. Plus elles sont grandes et puissantes, et plus les éoliennes affichent en effet un facteur de charge élevé. C'est-à-dire, plus leur production réelle est proche de la production maximale. Le modèle 14 MW de Siemens Gamesa devrait ainsi générer 25% d'électricité de plus que le modèle 11 MW.
Pour les industriels du secteur, il ne faut cependant pas "chercher le gigantisme pour lui-même", prévient Filippo Cimitan. Deux autres éléments doivent être pris en compte, poursuit le responsable de Siemens Gamesa. D'abord, les coûts de fabrication de l'éolienne qui augmentent avec la taille. Ensuite, la fiabilité de la turbine pour éviter une envolée des coûts de maintenance. "Les limites sur la taille des éoliennes offshore ne sont pas liées à des contraintes visuelles ou administratives, elles sont technologiques", note ainsi Filippo Cimitan.
Fermes géantes
La course au gigantisme passe aussi par des fermes de plus en plus vastes. Les quelque 300 éoliennes du projet Dogger Bank, dont l'entrée en service est prévue en 2023, afficheront une capacité cumulée de 3,6 GW. C'est trois fois plus que la plus grande ferme actuellement en service, elle aussi située au large du Royaume-Uni. Et six fois plus que la deuxième plus grande. Aux États-Unis, plusieurs projets de parcs géants sont également en cours.
En France, où l'éolien offshore affiche du retard, cette tendance est moins marquée. Le premier parc en mer, qui ne sera pas inauguré avant 2022 au large de Saint-Nazaire, affiche une puissance de 480 MW. Celui de Dunkerque, remporté en juin par EDF, montera à 600 MW. Et le prochain appel d'offres, en Normandie, portera sur un parc d'une capacité de 1 GW. "Mais il sera difficile d'aller au-delà de 1 GW à 1,5 GW, prédit Matthieu Monnier, de France Énergie Éolienne, car les conditions de surface ne sont pas réunies pour de tels projets".
Ces champs plus vastes permettent de réaliser des économies d'échelle supplémentaires, en particulier sur la maintenance et sur le raccordement au réseau électrique, assuré par des câbles sous-marins. "Un parc de 500 MW convenait lorsque les premiers appels d'offres ont été lancés, estime Filippo Cimitan. Aujourd'hui cette taille n'est plus appropriée". L'augmentation de la capacité va d'ailleurs devenir cruciale, alors que "les nouveaux projets vont s'implanter plus loin des côtes", augmentant ainsi les coûts du raccordement, souligne l'Agence internationale à l'énergie (AIE). Selon ses estimations, ces coûts de raccordement représenteront bientôt 50% de la facture totale.
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