Pascal Canfin est un acteur de la transition écologique depuis près de vingt ans. Député européen d'Europe Ecologie les Verts de 2002 à 2009, puis élu à nouveau en 2019 sur la liste Renaissance de la République en marche, il est président de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire au Parlement européen. Auparavant, il a été conseiller principal pour le climat du World Ressources Institute (WRI), un think tank américain spécialisé dans les questions environnementales, ce qui lui a valu de travailler à la préparation de la COP21. Il a également présidé le WWF France. C'est à son initiative que le Parlement européen déclare le 28 novembre 2019 l'état d'urgence climatique.
Un chamboulement législatif pour tenir les objectifs climatiques
Lors du Transition Forum 2021 de Nice, il est revenu sur les initiatives européennes en faveur du climat. En particulier le plan « Fit for 55 » (paré pour 55), un paquet de 12 propositions législatives qui doit permettre aux pays de l'UE de tenir l'objectif de réduction de 55 % au moins des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport à 1990.
« L'action européenne va au-delà de ces textes. Si on y ajoute le Green Deal, ce n'est pas moins de 54 lois qui vont être modifiées d'ici 2022. C'est un enjeu économique mais aussi démocratique, car si les citoyens ne savent pas ce qui va arriver, ils ne pourront pas ajuster leurs comportements. Idem pour les entreprises en ce qui concerne leurs investissements »; explique le député européen.
Eviter le dumping climat
La fin programmée des voitures thermiques à essence et diesel en 2035, "dans 14 ans, soit demain", souligne Pascal Canfin, va bouleverser la totalité de l'industrie automobile européenne, qui est le principal employeur industriel du continent. Le prix de la tonne de carbone est lui passé de 20 à 65 euros. Ce qui a conduit à la taxe carbone aux frontières, qui n'en est pas vraiment une selon Pascal Canfin : « si c'était une taxe, il faudrait qu'elle soit votée à l'unanimité, ce qui est très difficile, et elle ne serait pas compatible avec les règles de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ».
Il s'agit en fait d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) dont l'entrée en vigueur est prévue en 2023. Un moyen d'éviter que les industries polluantes ne délocalisent leur activité dans des pays à la législation moins stricte. Un double choc négatif ? Selon le Ministère de Affaires Etrangères, l'objectif du MACF est que les biens importés dans l'Union européenne soient couverts par une tarification du carbone équivalente à celle s'appliquant à la production de ces mêmes biens sur le territoire de l'Union. « C'est une manière d'établir une concurrence équitable pour éviter un dumping climat de la part de certains » ajoute l'ancien ministre du développement.
Double choc
Dans un travail de recherche publié par le Peterson Institute, l'économiste Jean Pisani-Ferry estime que ce qui nous attend est sans doute équivalent au choc pétrolier de 1973. La hausse des prix de l'énergie pourrait déclencher un double choc négatif.
Un premier choc en dévalorisant la valeur des machines fonctionnant aux énergies fossiles. Le second choc serait celui d'une potentielle demande négative de la part des consommateurs si l'on ne prend pas en compte la dimension de redistribution sociale.
Mais qui va payer ? Faudra-t-il instaurer un impôt vert ? « Pas forcément », estime Pascal Canfin, mais il faudra se donner les moyens d'une transition juste :
« Le schéma mental qui consisterait à dire : il y a d'un côté les coûts liés à la transition, et de l'autre le business as usual avec zéro coût, c'est une vue de l'esprit. Dans un monde à 2, 3, 4 degrés supplémentaires, les Gilets Jaunes, ça sera puissance 10 ! ».
Pour le député européen, « soit on subit ces chocs, soit on les anticipe, puis on organise les réponses et on les séquence dans le temps afin que ce soit jouable à la fois pour les industriels et du point de vue de la justice sociale. »
Pour lui, le prix du carbone est très peu corrélé à l'augmentation des prix de l'énergie. Mais il est favorable à sortir la mesure qui consiste à étendre le marché du carbone au chauffage des particuliers, des bâtiments commerciaux et au trafic routier du plan « Fit for 55 ».
« Ce qui fonctionne avec les acteurs économiques rationnels que sont les entreprises ne marche pas avec les ménages. Qui a déjà calculé sur dix ans la rentabilité éventuelle d'un investissement dans telle ou telle technologie de chauffage ou d'isolation ? » s'interroge-t-il.
« Cette transition est une révolution schumpetérienne, c'est pourquoi il faut l'aborder de manière globale. Et chercher les modèles économiques qui permettent de déployer à grande échelle les solutions technologies dont on dispose. Les deux mots-clés sont le gain de productivité, permis par la transition écologique, et la révision des règles du jeu financières. Exemple : à parité d'aides, une voiture électrique sera au même prix qu'une automobile thermique en 2026 », conclut l'ex président du WWF France.
Sujets les + commentés