300 millions d'euros pour une seule ferme d'insectes à Poulainville, près d'Amiens dans les Hauts-de-France. C'est le montant que va investir la startup française Ÿnsect pour la construction de la plus grande ferme verticale au monde dédiée à la production de protéines alternatives pour l'alimentation animale. Sa spécificité ? Ces protéines sont fabriquées à base de Molitor, un petit scarabée connu sous le nom de ver de farine, destiné à remplacer les protéines animales.
Cette somme colossale a été réunie en deux fois : d'abord 110 millions d'euros levés en février 2019, puis 190 millions d'euros annoncés ce mardi 6 octobre, en présence du secrétaire d'Etat à la Transition numérique, Cédric O. Le premier chèque pour lancer la construction, et le deuxième pour l'achever en augmentant au passage les capacités de production. Au diapason d'une ambition mondiale revue à la hausse, Ÿnsect souhaite désormais produire 100.000 tonnes d'ingrédients par an à partir de 2022 à Poulainville, et même 200.000 les années suivantes, alors que le projet initial prévoyait 20.000 tonnes. A la clé, 500 emplois directs et indirects devraient être créés sur trois ans.
Le scarabée Molitor, le pari gagnant de Ÿnsect
Cette levée de fonds -même en deux fois- est un record pour le secteur de l'agtech, les startups évoluant dans le domaine de l'agriculture. Depuis sa création en 2011, Ÿnsect a levé 425 millions d'euros et se revendique leader mondial dans l'élevage d'insectes et leur transformation en ingrédients pour l'aquaculture et les animaux de compagnie. Le nouveau financement provient de différents apports : Astanor Ventures (investisseur principal), Upfront Ventures (basé à Los Angeles), FootPrint Coalition (de la star hollywoodienne Robert Downey Jr.), Happiness Capital (investisseur basé à Hong-Kong), Supernova Invest (premier investisseur sur le marché français des deeptech) et Armat Group (établi au Luxembourg).
Contrairement à ses principaux concurrents, le néerlandais Protix et le sud-africain AgriProtein, qui misent sur les mouches considérées comme moins riches pour l'alimentation animale, le pari de Ÿnsect de travailler sur le Molitor, aux grandes qualités nutritionnelles, lui donne l'occasion de prendre les devants. Le petit scarabée lui permet de produire deux produits "premium": ŸnMeal, un nutriment pour les animaux particulièrement adapté à l'élevage de crevettes, saumons, truites et bars ; et ŸnFrass, un fertilisant de haute qualité « dont l'efficacité est prouvée sur de nombreuses cultures », affirme Antoine Hubert, le PDG et cofondateur d'Ÿnsect.
"Ce nouveau financement ainsi que la signature de contrats commerciaux pour plus de 100 millions de dollars témoignent des qualités et propriétés spectaculaires et inégalées du scarabée Molitor par rapport à d'autres protéines mais également par rapport à d'autres espèces d'insectes, telles que la mouche soldat noire. En cultivant des scarabées Molitor, Ÿnsect utilise 98% moins de terres qu'une ferme traditionnelle tout en réduisant considérablement son empreinte carbone et écologique : les méthodes de production d'Ÿnsect ne génèrent aucun déchet et est carbone négative", ajoute l'entreprise dans un communiqué.
Discrète dans l'écosystème de la French Tech, Ÿnsect incarne aussi l'excellence de la deep tech hexagonale. Pour automatiser sa chaîne de production et pouvoir produire à grande échelle, la startup s'appuie sur une technologie de rupture protégée par près de 30 brevets, ce qui positionne l'entreprise comme le premier détenteur mondial de brevets sur les insectes, avec 40 % du portefeuille total des brevets détenus par les 10 plus grands producteurs d'insectes.
Une technologie de rupture à la rencontre d'un marché colossal
Forte d'un positionnement unique au monde, Ÿnsect vise rien de moins que "révolutionner la chaîne alimentaire en commençant par son fondement, à savoir les insectes et le sol", a déclaré le PDG Antoine Hubert . Qui poursuit : "Le changement climatique et la croissance démographique mondiale nous imposent de produire plus de nourriture avec moins de terres et de ressources et ce, sans déforester, ni vider les océans".
À ce jour, Ÿnsect a signé des contrats d'une valeur globale de 105 millions de dollars avec des clients tels que Torres (l'une des marques de vin européennes les plus appréciées au monde selon Drinks International), Skretting, le leader mondial en alimentation aquacole, ou encore Compo Group, leader européen de la nutrition végétale pour les jardiniers. Après l'Europe et l'Asie, la société poursuit également son expansion aux États-Unis.
Le marché visé est colossal et en forte croissance. A cause de l'accroissement démographique mondial et de l'amélioration du niveau de vie, la consommation de protéines pour la consommation humaine, mais aussi pour l'alimentation animale (poissons, volailles, bétail), est amenée à fortement augmenter dans les années à venir. La FAO considère ainsi que la consommation de protéines animales aura augmenté en 2030 de 52% par rapport à 2007. D'où la structuration d'une nouvelle filière de protéines alternatives aux protéines animales, à base d'insectes, pour préserver les terres agricoles et ne pas intensifier l'élevage animal, qui génère beaucoup d'émissions de gaz à effet de serre.
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