Ségolène Royal : "on ne peut pas être vert à Copenhague et libéral à Paris"

Ségolène Royal se rend ce mardi à Copenhague pour présenter les actions de la région Poitou-Charentes, qu'elle préside depuis 2004, en matière de "croissance verte". Elle les détaille pour La Tribune.

- La Tribune : quel sera votre message à Copenhague ?

- Ségolène Royal : je suis invitée à la journée des régions du monde car chacun a bien compris qu'aujourd'hui la mobilisation est attendue à tous les étages si l'on veut enrayer la marche vers la catastrophe planétaire. Il faut une vision globale mais des actions locales. C'est tous ensemble que la lutte sera efficace. Poitou-Charentes est invitée pour deux raisons. Nous sommes exemplaires sur notre territoire, avec notamment le premier plan solaire soutenu par la Banque européenne d'investissement à hauteur de 400 millions d'euros. J'ai obtenu à Copenhague la présence de la voiture Heuliez, première voiture électrique française à être mise en vente, qui va ainsi bénéficier d'une vitrine mondiale exceptionnelle. Parce que nous avons décidé en Poitou-Charentes de respecter le protocole de Kyoto, nous avons axé toute notre politique sur la croissance verte, en investissant dans les énergies renouvelables, qu'il s'agisse de l'énergie solaire ou des agro-carburants, des chauffages au bois ou des éoliennes. Dans ce cas précis nous sauvons des emplois. C'est cela, la croissance verte, une mutation de toute la chaîne.

Et parce que nous agissons localement, nous pouvons aider les autres à agir, notamment dans les pays les plus vulnérables. A ce titre, la coopération que nous avons lancée en 2006 avec la région de Fatick au Sénégal a été reconnue exemplaire par le Pnud. Nous échangeons nos savoir-faire, nous aidons cette région à se développer durablement et elle nous permet de nous développer économiquement. Aujourd'hui nous fournissons des fours solaires, des foyers économes en énergie à la région de Fatick. Nous coopérons sur l'agriculture et sur la pêche ! Derrière le défi climatique, le défi international, l'alliance du local et du global pour rééquilibrer les rapports Sud-Nord !

- La coopération régionale que vous prônez entre le Sud et le Nord est-elle destinée à accélérer l'engagement des Etats ?

- Oui parce que nous agissons par la preuve, tout simplement. Ce que nous parvenons à faire, régionalement, tout Etat peut décider de le faire à l'échelle nationale. La mobilisation des communes, des entreprises, des citoyens, des associations est essentielle. Le développement durable ne se découpe pas : un bout pour les transports, un bout pour les éoliennes, un bout pour les énergies renouvelables. C'est une politique globale. Ce ne sont pas des incantations, le président Obama l'a bien compris. Son engagement dans la mutation écologique comme l'un des leviers de sortie de crise est majeur. Il a investi plus de 2 milliards dans le véhicule électrique. J'aurais aimé qu'on en fasse autant en France. On ne peut pas être vert à Copenhague et libéral à Paris. Il faut choisir.

- Un sondage indiquait récemment qu'une très forte majorité de Français pensent que le sommet de Copenhague n'aboutira qu'à un accord de façade. C'est aussi votre sentiment ?

- Je suis d'un optimisme raisonnable. Et les régions du monde ne vont pas à Copenhague pour obtenir des résultats. C'est la clé de la sortie de crise et des nouveaux rapports Sud-Nord. L'urgence climatique est telle que je ne peux pas imaginer des gouvernements irresponsables au point de se contenter d'un accord de façade. Les conséquences en seraient dramatiques ne serait-ce que pour l'accès à l'eau potable, première menace du réchauffement climatique.

- Que pensez-vous de l'engagement de Nicolas Sarkozy pour Copenhague ?

- J'ose espérer qu'il n'instrumentalisera pas le Sommet de Copenhague pour des raisons de politique intérieure. L'engagement européen me va : 20% de réduction à l'horizon 2020, et 30% si chacun y met de la bonne volonté. On aimerait plus d'actes concrets en France, et pas de taxe carbone. En revanche, l'aide au développement durable pour les pays pauvres et vulnérables me paraît pour le moment insuffisante. Je suis favorable à la taxation des transactions financières, mais il faut aussi en définir les circuits courts. Si j'avais une mesure à porter au nom des régions, ce serait de participer à la gestion d'un fonds vert pour le développement durable des pays pauvres ou en voie de développement car de région du nord à région du sud, c'est plus efficace.

- Vous avez été la seule responsable politique à rejeter la taxe carbone. Est-ce que vous restez sur cette position ?

- Bien sûr. Sous le prétexte écologique, il s'agit d'un impôt supplémentaire. On ne fait pas de l'écologie en punissant. J'entends bien les Verts expliquer qu'il faut bien commencer par quelque chose. Justement, il y mille façons de commencer. Mais pas par une taxe. Permettre par exemple aux citoyens d'abord d'accéder aux véhicules propres et ensuite taxer. Et appliquer le principe pollueur-payeur. Je maintiens donc que la taxe carbone tient plus du racket fiscal que de la politique écologique.

- Nicolas Sarkozy a récemment attaqué ce qu'il appelle "l'invraisemblable stratégie de la décroissance" des écologistes...

- Comme souvent , le chef de l'Etat caricature. Il faut une nouvelle façon de consommer, plus sobrement. C'est aussi replacer l'être humain et le monde dans lequel il vit au centre de toute décision politique, au lieu d'en faire une simple variable d'ajustement. Le système où les êtres humains et l'environnement ne sont que des moyens au service du capitalisme financier s'est effondré avec la crise. Il a montré ses limites. Nous sommes à la recherche de cette nouvelle voie qui allie le développement durable, l'efficacité économique, le progrès social et éducatif. Ne créons pas de faux débats sémantiques pour éluder le véritable défi de civilisation que nous devons relever. C'est aussi pour cela que Copenhague est utile.

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