Gaz de schiste : pourquoi le principe de précaution ne s'applique pas

Par Dominique Garrigues, président de l'Institut européen pour la gestion raisonnée de l'environnement.
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Nous savons bien maintenant en France qu'il y a le principe de précaution et le principe de prévention. La limite entre les deux peut être ténue. Une réflexion nationale est actuellement menée par deux députés pour préciser ces démarches, comme le proposait entre autres Christine Noiville, qui suggérait de rédiger un "vade-mecum du principe de précaution". Pour simplifier à l'extrême, on peut dire que la précaution joue quand il y a des inconnues, la prévention dans tous les autres cas (notamment en présence d'incertitudes dont la courbe de distribution est connue et qui sont donc quantifiables par le calcul des probabilités).

La question des gaz de schiste donne à voir un nouveau cas intéressant d'application de cette problématique : y a-t-il des inconnues dans cette technique récemment apparue ? La réponse est non, on y trouve seulement des incertitudes quantifiables, susceptibles d'être traitées par de sérieuses mesures de prévention et de protection.

À notre avis, le principe de précaution ne s'applique pas à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.

Nos arguments ? Les forages horizontaux se déploieront à 2.000 mètres de profondeur ou plus, tandis que les nappes pour l'eau potable ne descendent pas à plus de 200 mètres ; il est possible de vérifier avec un excellent degré de certitude si les couches géologiques entre les deux sont rigoureusement étanches ou non (il peut arriver qu'il y ait des failles ou fractures ou couches verticales qui empêcheraient de garantir la complète séparation en hauteur, mais les sondages géologiques permettent de s'en assurer à l'avance d'une manière fiable). Des techniques de garantie de l'étanchéité de cimentage existent, pour isoler quasi parfaitement toute la partie haute des forages, empêchant ainsi tout contact des eaux injectées et des remontées de gaz avec les nappes superficielles (d'autant que ces bonnes isolations éviteront les déperditions de gaz à la remontée, dans l'intérêt de l'opérateur). Bien évidemment, la composition exacte des produits chimiques ajoutés à l'eau de fracturation devra être connue et approuvée, sans que l'opérateur puisse opposer le secret industriel.

L'alimentation en eau et le retraitement des eaux en sortie du puits ne posent aucun problème inconnu, il s'agit de questions technico-économiques bien connues et maîtrisées. Enfin, il est facile d'obliger à une parfaite remise en état du site en surface après la fin de l'exploitation. Notons que le traitement juridique du sous-sol en France évitera les situations américaines où l'on trouve un forage tous les 300 mètres !

Une solide sécurisation des garanties données par l'exploitant peut être obtenue sans difficulté : une assurance responsabilité complète ou un dépôt de garantie financière largement calculé en fonction des risques potentiels y pourvoiront. Et aussi la mise en oeuvre de contrôles rigoureux par la puissance publique (ou mieux par des agences de contrôle technique, aux frais de l'exploitant) tout au long du processus. Comme pour toute activité humaine, il existe des risques. Faut-il pour autant bannir l'utilisation de ces précieuses ressources énergétiques, qui auront des effets économiques largement bénéfiques pour tous, contribuant ainsi à réduire la pauvreté chez nous ? Voilà un enjeu éthique significatif, qui doit être pris en considération. Les retombées financières positives arriveront par la taxe professionnelle versée aux collectivités locales, et pourquoi ne pas y ajouter la distribution aux riverains d'actions de la société d'exploitation locale à créer, qui versera de substantiels dividendes ?

Cette nouvelle activité peut-elle se déployer en garantissant que les impacts sur l'environnement et la sécurité sanitaire seront minimes ? Si la réponse est oui, pourquoi l'interdire ? Avait-on banni tout transport maritime d'hydrocarbures après les marées noires ? Faudrait-il bloquer à tout jamais toute innovation, comme nous y conduirait une interprétation extrémiste - et en réalité dévoyée - du principe de précaution ? Ou pire, laisser les postures politiciennes prendre le dessus sur les nécessaires dialogues ?

On peut estimer que le débat public ne s'est pas vraiment déployé sur ces projets, et qu'une pause est bienvenue pour examiner sereinement la question : de ce point de vue, la décision du gouvernement de mener des compléments d'investigation avant le premier coup de trépan est sage. Discussion et pédagogie seront les bons outils.

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Commentaires 22
à écrit le 16/06/2011 à 11:17
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Le principe de précaution ne s'applique pas quand il s'agit de saccager la planète pour du fric. Nous aurons certes du poison, des maladies, une catastrophe écologique mais n'oublions pas qu'il y a de la croissance à la clé et des emplois !

à écrit le 09/05/2011 à 22:28
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Gaz et pétrole de schiste et intoxications : http://atctoxicologie.free.fr/archi/bibli/BILAN_TOXICOLOGIE%20_CHIMIE_GAZ_DE_SCHISTE.pdf « Selon la couche de schiste, un puits peut donner accès à des quantités de gaz très variables » rappelle entr...

à écrit le 09/05/2011 à 20:56
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Bonjour monsieur Guarrigues, Comment désapprouver tout ce qui vient d'être dit ici sans passer pour un archo-autonome de gauche tendance écolo-josébovéiste? Je réside en Seine-et-Marne depuis septembre dernier, a quelques kilomètre d'un des premier...

à écrit le 09/05/2011 à 12:11
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heureusement les lecteurs ne se sont pas fait avoir... pourquoi ici serait différent d'ailleurs. Pourquoi sacrifier 7 ou 8 départements pour satisfaire simplement 4% de notre consommation de gaz alors que la plupart des contrats gaziers sont déjà sig...

à écrit le 09/05/2011 à 9:48
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Cet article est tendancieux, car il n'expose qu'un point de vue intéressé, résolument optimiste. La Tribune s'honorerait en faisant une contre-enquête pour présenter les arguments opposés, puis une synthèse. Monsieur Garrigues part du principe que le...

à écrit le 09/05/2011 à 9:27
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Merci M. Dominique Garrigues de nous presenter tres vite votre declaration de conflit d'interet. "Institut Europeen" = lobby.

à écrit le 09/05/2011 à 7:42
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Propaganda

à écrit le 09/05/2011 à 7:40
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Les députés ont " reculé" dans le dossier des gaz de schistes, par rapport à la proposition de loi initiale déposée en mars par Christian Jacob, député UMP. La proposition de loi, soutenue par Michel Havard, député du Rhône, demandait l?interdiction...

à écrit le 09/05/2011 à 7:08
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Il me semble que Tepco au Japon avait donné toutes les garanties sur une technologie nucléaire maîtisée. Il semble que les leçons n?aient toujours pas portées et c?est inquiétant chez un type de cet âge à la tête d?un tel institut. Oui il faut prendr...

à écrit le 09/05/2011 à 3:27
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C'est un publi-rédactionnel et non un article d'information.

à écrit le 08/05/2011 à 20:31
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Nous savons désormais qu'il y a du pétrole en France, et qu'il faut forer à quelques 5000 mètres pour l'extraction!. bonne nouvelle, oui, non?.

à écrit le 08/05/2011 à 19:05
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Il suffit d'aller voir le site de cet "Institut Européen" pour constater qu'il s'agit d'une coquille vide qui sert à quelques personnes, dont M. Garrigues à propager des idées lénifiantes climato-sceptiques à deux balles. Mais pourquoi la Tribune rel...

à écrit le 08/05/2011 à 14:14
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Pourquoi chercher les risques alors qu'il existe des energies propres, les marées, le vent, le soleil, les plantes, les nodules, il faut certainement encore engraisser quelques capitalistes et quelques agents de l'administration ou du gouvernement

le 08/05/2011 à 14:59
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et les energies propres sortent du cul des vaches ? Ce sont également des industriels qui sont derrière...

à écrit le 08/05/2011 à 10:37
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C'est vrai. "On" sait faire en ce domaine. Dans un désert où les effets d'une pollution sont sans importance. Mais sûrement pas en Ardèche. Votre patronyme laissait supposer que vous aviez quelque prédisposition pour la géologie. Mais non. Comme vous...

à écrit le 08/05/2011 à 8:23
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De toute façon qu'on le veuille ou non le gaz de schiste sera exploité en France. Ce n'est qu'une question de temps. Le principe de précaution/prévention ne tiendra pas face au besoin des populations en énergie "fossile" et aux intérêts financiers....

à écrit le 08/05/2011 à 7:27
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Cet article n'est rien d'autre qu'une plaidoirie pour l?industrie du gas. C?est inexcusable. Les bienfaits économiques et socials pour les communes et populations qui n?auront plus d?eau potable, qui auront les nappes phréatiques bourrées de produ...

à écrit le 08/05/2011 à 6:45
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Lobbyiste ! Pour ceux qui ont encore un doute sur les gaz de schiste : http://www.gaslandthemovie.com/

à écrit le 07/05/2011 à 22:22
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Il a les dents bien aiguisées ce monsieur Garrigues ! "Une solide sécurisation des garanties données par l'exploitant peut être obtenue sans difficulté : une assurance responsabilité complète ou un dépôt de garantie financière largement calculé en...

à écrit le 07/05/2011 à 21:30
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Magnifique plaidoyer ! Un peu plus il vous ferait acheter des actions des compagnies foreuses... Confiance totale dans la capacité technologique à trouver demain des solutions aux problèmes d'aujourd'hui. Tout en prenant soin de ne pas approfondir et...

à écrit le 07/05/2011 à 20:40
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Bref, selon l'auteur, il suffit que tout le monde croise les doigts pour qu'il n'y ait pas de problèmes... <et puis si l'eau souterraine est polluée, les populations seront ravis que l'assurance donne des sous à l'Etat... Vraiment ! Et puis les puit...

le 08/05/2011 à 7:54
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je suis un actionnaire français . Dois-je tenir compte de ton avis ?

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