Six questions sur une réforme

1. Que prévoit le projet ?Dans son premier volet, le projet de loi propose une nouvelle réforme de l'hôpital afin de responsabiliser davantage leurs directeurs, de permettre une plus grande souplesse dans la gestion des établissements. Le directeur, « patron » de l'hôpital, pourra mettre en ?uvre et assumer sa politique. Il aura davantage de liberté dans le recrutement des médecins, dont une part de rémunération pourra être liée à l'activité. Il s'appuiera sur un directoire pour piloter son établissement, tandis que le conseil de surveillance, où siégeront les élus et les représentants des usagers et des personnels, se contentera du contrôle de l'activité. Les établissements sont par ailleurs encouragés à se regrouper en « communautés hospitalières de territoires » (CHT). Les hôpitaux de proximité auront davantage vocation à proposer des soins de suite ou l'accueil de personnes âgées ou handicapées, les plateaux techniques (blocs opératoires) plus sophistiqués étant réservés aux gros établissements.Le projet cherche également à mieux répartir les médecins sur le territoire, alors que la France voit apparaître des déserts médicaux dans les zones rurales et les banlieues. Le gouvernement mise par ailleurs sur l'exercice en groupe des professions médicales, et cofinancera des maisons de santé.Enfin, le texte crée des agences régionales de santé (ARS), qui réuniront « les forces de l'État et de l'assurance-maladie ». L'objectif est de simplifier, territorialiser et optimiser les politiques de santé. 2. L'hôpital manque-t-il de moyens ?La France arrivant au 3e rang mondial en termes de dépenses de santé (représentant 11,1 % du PIB en 2005), derrière les États-Unis et la Suisse. L'Hexagone emploie en outre autant de personnels à l'hôpital que l'Allemagne qui compte 20 millions d'habitants en plus. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu'il n'y a « pas de manque de moyens en personnels » et souligne que jusqu'à l'année dernière, « le nombre de médecins dans les hôpitaux n'a cessé d'augmenter ». Pourtant, en période de congés et lors de pics épidémiques, les personnels de santé travaillent de plus en plus à flux tendu. Plus que d'un problème de moyens, l'hôpital souffre de sa désorganisation, de vieilles habitudes défiant la logique : ainsi, dans de nombreux grands hôpitaux publics, on n'opère pas l'après-midi, par principe. Du coup, les blocs opératoires sont sous-utilisés. 3. Va-t-on vers une meilleure organisation ?L'une des grandes innovations du projet de loi, c'est de désigner un vrai patron à la tête de l'hôpital, en lieu et place du maire qui préside actuellement son conseil d'administration. Idée sous-jacente : un décideur peut faire passer les restructurations, alors qu'actuellement les différents pouvoirs ? maire, administration, médecins ? s'annulent, pour éviter de trancher, ou de moderniser l'organisation. Le hic, c'est qu'un « chef tel que le conçoit le projet, ça n'existe pas », estime le député PS Jean-Marie Le Guen, qui représente le maire de Paris au conseil d'administration de l'Assistance publique. Car « très peu de professionnels gestionnaires ont des compétences en matière de sant頻. En outre, le projet crée des Agences régionales de santé, qui permettront un pilotage coordonné des différents compartiments du système de soins (médecine de ville, hôpital, cliniques, établissements de retraite?). À la suite du décès d'un malade qui n'avait pas trouvé de place en service de réanimation, le ministère de la Santé avait souligné l'absence d'une instance régionale pouvant renseigner à toute heure sur le nombre de places disponibles. La loi va permettre d'y remédier. Jean de Kervasdoué, professeur en économie de la santé, est beaucoup moins optimiste. « Tous les pouvoirs vont être transmis à l'État, s'inquiète-t-il. Les futures ARS auront plus de pouvoir dans un hôpital qu'un actionnaire majoritaire dans une entreprise, ce seront elles les vrais patrons. » L'économiste redoute une « incontinence bureaucratique considérable » et doute que l'État soit capable de gérer la complexité de l'hôpital. 4. La réforme permettra-t-elle des économies ?Selon la FHF, le déficit des hôpitaux publics et privés à but non lucratif dépassera 800 millions d'euros en 2008. Tous les CHU sont aujourd'hui sous pression financière et pourraient afficher près de 500 millions d'euros de déficit pour l'an dernier. Or, le chef de l'État a demandé aux établissements de parvenir à l'équilibre à moyen terme. Les pouvoirs accrus dévolus aux directeurs d'hôpitaux et les regroupements d'établissements en Communautés hospitalières de territoires pourraient, sur le papier, permettre de réaliser des économies.5. Les services de proximité seront-ils affectés ?La mise en place des Communautés hospitalières de territoires, avec la suppression de blocs opératoires dans les petits établissements, obligera une partie des Français à faire plus de kilomètres pour se faire opérer. Reste que la France est un pays riche en structures de soins, puisqu'elle compte un hôpital ou une clinique pour 22.000 habitants, contre 1 pour 44.000 habitants pour la moyenne des pays européens. « Lorsqu'il est question de se faire opérer, la sécurité c'est la compétence, ce n'est pas la proximit頻, estime Jean de Kervasdoué. 6. Quelle est la responsabilité des médecins libéraux ?« Si on avait une permanence de soins en ville correctement organisée et correctement assurée, les services hospitaliers pourraient travailler dans de meilleures conditions », lançait en décembre 2003 Jean-François Mattei, alors ministre de la Santé. Depuis, chaque soubresaut agitant les hôpitaux entraîne la mise en cause des médecins libéraux. C'est ce qu'a fait Patrick Pelloux, le porte-parole des urgentistes lors de la grève des urgences en 2007. « Cela fait vingt-cinq ans qu'on débat de ce problème sans dégager de véritable solution. Or, d'autres pays y sont arrivés », se désole Jean-Pierre Davant, le président de la Fédération nationale de la Mutualité française. Malgré la mise en place depuis 2005 dans chaque département d'une permanence des soins, une majorité de libéraux rechignerait toujours à assumer les missions de service public : astreintes et gardes de nuit ou l'été. Dans les zones rurales et les banlieues difficiles, le manque de médecins rend d'ailleurs la permanence de soins illusoire. Conséquence : les patients préfèrent se tourner directement vers les urgences des hôpitaux, au risque de les encombrer pour des cas sans gravité. D'autant qu'aucune avance de frais n'est réclamée pour les titulaires de la CMU.Ivan Best, Véronique Chocron, et Patrick CoquidéLe projet de loi vise notamment à réorganiser l'hôpital, en nommant à sa tête un véritable responsable.
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