Le paradoxe de la crise

La crise est historique. Impossible de l'oublier. Nous le répétons, tous, quotidiennement. Entre des taux d'intérêt anglais au plus bas depuis le XVIIe siècle et une décroissance économique japonaise inconnue depuis trente-cinq ans, les indicateurs économiques de tous les pays pulvérisent régulièrement de tristes records. Mais la crise est également paradoxale. Pas seulement par le fait que les stations de sports d'hiver affichent complet en période de vacances scolaires, alors qu'on compare la crise à celle de 1929, où les queues s'allongeaient devant les soupes populaires et pas devant la gare de Lyon. Non. Depuis les temps bibliques, les crises se caractérisent par une chute de l'épargne des ménages. Pour une raison simple : en période de vaches maigres, les revenus baissent ou disparaissent et les bas de laine fuient donc de toutes parts pour préserver partiellement le pouvoir d'achat. Or, dans tous les pays, la crise actuelle s'accompagne d'une hausse de l'épargne. Dans des pays d'épargnants comme en Europe continentale, au Japon ou en Chine mais également aux États-Unis, où le mot épargne avait disparu du vocabulaire commun depuis les années 1960 et était presque devenu une insulte. En quelques mois l'épargne des ménages américains est passée de ? 3,5 % à près de + 4 %. Ce paradoxe majeur s'explique par une défiance des ménages face à l'avenir économique en général et leur emploi en particulier, entraînant la constitution d'une épargne massive de précaution. Les gouvernements s'endettent pour relancer la consommation mais les plans de relance financent? l'épargne. Et la relance ne vient pas. Là encore, la communication des gouvernements est incohérente et anxiogène. Quand on dramatise une crise, certes réelle, et qu'on parle de dépression et de fin du monde plusieurs fois par jour, on peut comprendre que les ménages ne soient pas pris instantanément d'une frénésie de consommation. Ce paradoxe est un problème majeur qui mérite toutes les attentions : il a caractérisé la crise du Japon au début des années 1990, crise dont le Japon ne s'est jamais tout à fait relevé.
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