Abandonné à son sort, le yen joue aux montagnes russes sur le marché des changes

La devise japonaise a poursuivi sa chute lundi, franchissant la barre des 160 yens pour un dollar pour la première fois depuis 1990 avant de se renforcer jusqu'à 155,05 yens pour un dollar. Des analystes suggèrent que les autorités japonaises sont intervenues pour arrêter la chute de la devise, ce qui serait une première depuis 2022.
Le gouvernement nippon aurait pu intervenir lundi sur le marché des changes pour stopper la dégringolade de sa devise.
Le gouvernement nippon aurait pu intervenir lundi sur le marché des changes pour stopper la dégringolade de sa devise. (Crédits : KIM KYUNG-HOON)

Ce lundi matin, un dollar valait 160,17 yens. Du jamais-vu depuis presque 35 ans pour la monnaie nippone qui a lâché près de 5% en trois semaines, une variation majeure sur le marché des changes. La devise japonaise s'est ensuite ressaisie jusqu'à 155,05 yens pour un dollar. Une volatilité qui est la conséquence de la position de la Banque du Japon (BoJ). Elle a vendredi opté pour le statu quo monétaire faisant dévisser le yen alors que le gouvernement nippon n'est pas non plus intervenu sur le marché des changes pour soutenir sa devise.

Le gouverneur de la Banque du Japon, Kazuo Ueda, « a adopté un ton prudent » lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce de la décision, ont relevé les analystes de Brown Brothers Harriman. Il a notamment estimé que l'effet de la faiblesse actuelle du yen sur l'inflation n'était « pas important », pour l'instant, écartant ainsi, de fait, un relèvement du taux directeur pour relancer la monnaie de l'archipel. L'inflation dans la région de Tokyo est ressortie à 1,8% sur un an en avril, selon des chiffres publiés jeudi, soit sensiblement en-deçà des 2,6% annoncés par les économistes.

« Le yen n'est pas encore descendu au niveau auquel les autorités s'inquiètent et voient le besoin d'intervenir », a commenté Aroop Chatterjee, de Wells Fargo Securities. « Elles n'ont pas tracé de ligne rouge et observent si les mouvements entre dollar et yen sont déstabilisants » pour l'économie japonaise, a poursuivi l'analyste.

En attendant, « ce sont les citoyens japonais qui souffrent » a réagi Peter Boockvar, de Bleakley Advisory Group. « Ils ne perçoivent pas d'intérêts sur leur épargne, l'inflation va plus vite que les salaires et le pouvoir d'achat de leur monnaie continue à se détériorer. »

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Les autorités japonaises se sont dites à plusieurs reprises prêtes à intervenir en cas de mouvements incontrôlés du taux de change, citant la spéculation comme un problème majeur. Toutefois, les observateurs sont sceptiques quant à l'efficacité de ce qui serait la première intervention depuis la fin 2022.

« Les attentes d'une intervention avec un impact durable pourraient être déçues étant donné que les fondamentaux macroéconomiques ne soutiennent pas un changement soudain vers une position monétaire interventionniste », a déclaré Tapas Strickland de la National Australia Bank.

Des analystes suggérent néanmoins que les autorités japonaises sont intervenues pour arrêter la chute de la devise, ce qui serait une première depuis 2022. «Je n'ai aucun commentaire à faire pour le moment » a déclaré Masato Kanda, vice-ministre des finances chargé des affaires internationales, aux journalistes. Le marché financier japonais était fermé lundi pour cause de jour férié. Pour Tony Sycamore, de IG Australia, « cette évolution a toutes les caractéristiques d'une intervention réelle de la Banque du Japon, au meilleur moment pour le faire, pendant un jour férié quand il y a peu de liquidités ».

La BoJ a mis fin à sa politique de taux négatifs, qu'elle était la dernière au monde à pratiquer le mois dernier, en remontant son taux directeur pour la première fois en 17 ans. Après des décennies de déflation et de stagnation, l'inflation est attendue vers 2% cette année (hors produits frais) au Japon. Elle est longtemps restée une exception, avec une politique ultra-accommodante alors que les autres banques centrales ont augmenté leurs taux pour lutter contre l'inflation galopante, provoquant un écart important qui a poussé les investisseurs à se tourner vers d'autres devises.

Une aubaine pour l'industrie du tourisme

Un yen faible est généralement considéré comme un avantage pour les nombreuses entreprises exportatrices du Japon. Il est aussi favorable au développement du tourisme. Ainsi, plus de trois millions de visiteurs étrangers sont entrés au Japon en mars, un record absolu sur un mois. En France, pour la saison été (avril-octobre 2024), plus de 9.000 personnes ont déjà, selon les chiffres du syndicat des tour-opérateurs (Seto), réservé un séjour sur l'archipel, soit une progression de 50% par rapport à 2023.

 Mais en renchérissant également les importations du pays, la dégringolade du yen pèse en même temps sur la consommation intérieure et peut alimenter une inflation « importée » : le contraire d'une hausse des prix stimulée par des augmentations de salaires et la demande, la configuration que la BoJ souhaiterait entrevoir avant de resserrer davantage les vannes du crédit.

 (Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 29/04/2024 à 8:29
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Il n'y a pas que le tourisme qui en profite, le Japon étant un pays exportateur ce sont toutes ses exportations qui en profitent également. C'est que la concurrence y est sans pitié dans la région !

le 30/04/2024 à 1:24
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"Il n'y a pas que le tourisme qui en profite, le Japon étant un pays exportateur ce sont toutes ses exportations qui en profitent également." Sauf que le Japon est massivement concurrencé par l'empire des Hans violant sans vergogne la popriété ...

le 30/04/2024 à 8:30
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Alors que c’était un pays qui exportait une qualité de produits hors du commun dans les années 80-90, les nissan primera de l'époque ont toutes plus de 500000 kilomètres au compteur quel gâchis tout ça pour faire plaisir aux actionnaires milliardaire...

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