Bons baisers de Corée

Il est des invitations au voyage qui ne se refusent pas. Celle lancée par Vuitton par exemple. La maison accueille, au sein de son espace culturel parisien, une passionnante exposition dédiée à l'art contemporain coréen. Riche d'une vingtaine de vidéos, installations, sculptures ou tableaux remarquablement mis en espace, « Métamorphoses » révèle une scène artistique foisonnante où la créativité des uns n'a d'égale que la liberté des autres. Un univers inédit où s'entremêlent modernité et tradition et où les larmes provoquées par l'histoire douloureuse de la Corée sont vite balayées par l'humour grinçant de ses artistes. « Si les J. O. de Séoul, en 1988, ont remis le pays sur le devant de la scène, confie Marie-Ange Moulonguet, directrice de l'Espace Louis Vuitton et co-commissaire de l'exposition avec Hervé Mikaeloff, beaucoup de choses ont changé depuis. À travers cette exposition, nous avons eu envie de raconter ces métamorphoses. »frontière de l'imaginairePour ce faire, elle a convié les artistes les plus pertinents du moment à exposer à Paris. Nés dans les années 1960-1970, nombreux sont ceux qui racontent à travers leurs ?uvres l'histoire récente de leur pays. Et plus particulièrement cette frontière (plaie béante impossible à cicatriser) entre le Nord et le Sud, héritée de la guerre civile, qui a divisé le pays dans les années 1950. Ainsi ces horizons imaginés par Heryun Kim. Soit une multitude de petits tableaux quasi abstraits, aux couleurs apaisantes, rassemblés sous un titre sans équivoque « Injured Landscape » (paysages blessés). Car tous sont rayés de fils barbelés peints à gros traits ou grattés dans la toile telle une entaille.Jeon Joonho s'est, quant à lui, attaché aux héros d'une histoire populaire. Deux frères séparés lors de la partition du pays, avant d'être obligés de se combattre. De quoi inspirer à l'artiste une magnifique vidéo dans laquelle des soldats de plomb sont emportés dans une valse sans fin. Ils tendent les bras les uns vers les autres dans l'espoir d'une étreinte. Laquelle ne vient jamais.Pas question de plomber l'ambiance de l'Espace Vuitton pour autant. Car les ?uvres les plus poignantes succèdent aux pièces les plus drôles grâce à un accrochage conçu comme une ronde endiablée. Ainsi cette délirante installation signée Ham Jin. Ce dernier s'en est allé chercher un obus américain datant de la guerre de Corée sur lequel il a érigé une microsociété cartoonesque en pâte à modeler, étrangement ressemblante à la Corée d'aujourd'hui. Un monde miniature habité par de minuscules personnages colorés à tête d'épingle. Ici, la religion est omniprésente et la surconsommation de mise. Mais à en croire Ham Jin, ça pourrait exploser d'une seconde à l'autre.une Tradition présenteLe pays du Matin-Calme a beau s'être occidentalisé, il n'a pourtant pas tourné le dos à ses traditions. Ses artistes viennent d'ailleurs souvent s'y ressourcer pour offrir au final des ?uvres à la fois typiquement coréennes mais néanmoins universelles. En témoignent les sculptures de Sookyung Lee. L'artiste a récupéré des « déchets » de porcelaines blanches ou bleues à l'ancienne pour les amalgamer à l'or. Comme si elle voulait cicatriser ces morceaux de vases, de bols ou de jarres abandonnés. Tous renvoient les visiteurs à leurs propres blessures, tout en les entraînant au c?ur d'une intimité coréenne devenue leur, au fil de cette exposition. Yasmine Youssi« Métamorphoses, trajectoires coréennes », à l'Espace Louis Vuitton, 60, rue Bassano, Paris VIIIe. ? Du Jusqu'au 31 décembre 2008. Tél. : 01.53.57.52.03. Ouvert du lundi au samedi de 10 heures à 19 heures. Entrée gratuite.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.