Suez Environnement prépare son émancipation

Rien ne prédestinait Jean-Louis Chaussade à être en position d'entrer dans le très fermé Gotha des patrons du CAC 40. Et pourtant, c'est la perspective à laquelle cet ingénieur de 56 ans, qui a fait toute sa carrière chez Suez Environnement, se prépare depuis six mois. Précisément depuis ce week-end de début septembre 2007, lorsque l'Élysée a obtenu de Gérard Mestrallet que Suez se sépare de sa filiale Environnement afin de se marier avec Gaz de France. Pour Jean-Louis Chaussade, aux commandes de la branche Environnement de Suez depuis 2004, la perspective impose un changement de comportement. D'un naturel expansif et spontané, qu'il a entretenu lors de la dizaine d'années passée en Espagne et en Amérique latine, il est en train de se convertir au langage policé en vigueur chez les dirigeants de grandes sociétés cotées.Surtout, il travaille à mettre sous les projecteurs cette branche de Suez, active dans l'eau et les déchets, beaucoup moins connue que ses deux principales filiales françaises, Lyonnaise des Eaux et Sita. Projet sur le site Michelin de Toul, partenariat avec Renault, visite de Nicolas Sarkozy sur le site Metaleurop reconverti par Sita... le groupe a multiplié les annonces ces derniers jours. " Roadshows ", " investor days ", " silent period ", Jean-Louis Chaussade et ses équipes s'initient en outre aux joies de la communication financière afin d'être prêts à séduire les marchés dès que la fusion Suez-Gaz de France sera effective, au plus tôt à la fin du premier semestre. Un défi pour cette société que Gérard Mestrallet oubliait parfois de citer lors de ses présentations à la presse. " En cours d'instruction par l'AMF, qui valide actuellement les documents, cette opération est parmi les plus importantes jamais organisées à la Bourse de Paris ", assure Jean-Louis Chaussade.SOUS LE SIGNE DE LA CONTINUITECe groupe de près de 60.000 personnes, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 11,4 milliards d'euros en 2006, notamment en fournissant de l'eau potable à 80 millions de personnes dans le monde, est valorisé actuellement entre 16,7 et 20,6 milliards d'euros. De quoi lui assurer son entrée future au CAC 40. " Nous ne sommes pas petits, aime à répéter Jean-Louis Chaussade, sauf à dire que L'Oréal ou Air Liquide sont petits. " Au-delà de la nécessité de se forger une image et des relations solides avec les investisseurs, Suez Environnement aborde cette nouvelle ère sous le signe de la continuité. Le groupe ne s'affranchit pas de ses liens avec Suez, qui demeure sa maison mère avec 35 % du capital, et sera lié par un pacte à des actionnaires qui en contrôlent 12 % supplémentaires. Suez continuera d'ailleurs à consolider dans ses comptes l'intégralité des résultats de Suez Environnement, par la méthode de l'intégration globale. De quelle autonomie de gestion disposera alors le nouveau Suez Environnement ? " Comme actionnaire de référence, Suez aura la majorité au conseil d'administration. Mais j'entends jouer complètement mon nouveau rôle de directeur général exécutif de la nouvelle société cotée ", se contente d'affirmer Jean-Louis Chaussade. " Mes relations ont toujours été excellentes avec Gérard Mestrallet ", ajoute-t-il.Symbole de cette continuité assumée : le groupe gardera son nom. " J'aime ce qu'évoque le canal de Suez. Imaginé au XIXe siècle, cet ouvrage reste emblématique deux siècles plus tard. Se projeter à la fin du XXIe siècle, c'est tout ce que je souhaite à Suez Environnement ", affirme Jean-Louis Chaussade. " J'assume des liens très forts avec Suez, qui sont solides et qui le resteront ", insiste-t-il.COUP D'ACCELERATEUR DANS LA CROISSANCELe maintien dans le giron de Suez permet de rassurer salariés, clients et pouvoirs publics, tous très attachés au maintien d'un second opérateur français sur les marchés publics de l'eau et des déchets, aux côtés de Veolia. Mais combien de temps cet ancrage protégera-t-il Suez Environnement d'une OPA ? Son noyau dur de 47 % va reposer sur un pacte d'actionnaires qui devrait être conclu pour cinq ans mais l'obligation de conservation fiscale fixée par Bercy est de trois ans seulement.Au-delà, Suez Environnement va devoir compter sur ses propres forces. Là encore, pas de bouleversements annoncés dans la stratégie. Juste un coup d'accélérateur dans sa croissance. Outre un petit coup de pouce au programme d'investissements, " nous ne nous interdisons pas une acquisition stratégique ", déclare Jean-Louis Chaussade. Pourrait-il s'agir du spécialiste britannique des déchets, Biffa ? Une hypothèse qu'il s'interdit de commenter.Chronologie1951 : Naissance à Châlons-sur-Marne.1978 : Ingénieur, diplômé de sciences politiques et de Harvard Business School, il entre chez Degrémont, filiale ingénierie de la Lyonnaise des Eaux.1997 :PDG de la Lyonnaise des Eaux en Amérique latine.2000 : PDG de Degrémont.2004 : Directeur général adjoint de Suez, en charge de Suez Environnement.
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