La libéralisation de l'énergie ne convainc pas

Pour la Commission européenne, le 1er juillet, sonne comme une victoire. À l'exception du Portugal, de la Grèce, de Chypre et de l'Estonie, tous les pays de l'Union ont désormais ouvert leur marché de l'énergie à la concurrence. Le premier bilan dans les pays qui ont déjà institué la concurrence dans l'électricité et le gaz depuis plusieurs années, pourtant, est loin d'être probant.En quelques années, le prix de l'électricité a augmenté de 39 % en Espagne, de 49 % en Allemagne, de 77 % en Suède, de 81 % au Royaume-Uni, de 92 % au Danemark. " Bruxelles voulait créer un marché unique de l'électricité, il a en fait instauré un prix unique. Le marché s'est calé sur le prix des Bourses électriques, calculé sur les prix de production les plus élevés : les centrales au charbon en Allemagne ", constate un expert.Tout est en place pour que cette envolée se poursuive. Les prix du gaz et de toutes les énergies fossiles ne cessent d'augmenter. De plus, l'électricité devient une denrée rare en Europe. Faute d'investissements, l'Europe électrique, surcapacitaire dans les années 90, est devenue sous-capacitaire, entraînant des effets de black-out. " Bruxelles n'a pris aucune mesure pour surveiller les réseaux, forcer les producteurs à investir ", pointe un analyste." PEU OU PAS DE VERITABLE CHOIX "Les nouveaux entrants, tant vantés, sont pour l'essentiel des producteurs virtuels, achetant les productions disponibles sur les marchés de gros, et n'ont pas créé de nouvelles capacités.Bruxelles connaît ces dysfonctionnements, mais n'en démord pas. À ses yeux, si l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence ne s'est pas traduite par une baisse des prix espérée, ce n'est pas sa théorie qui est en cause mais sa mauvaise application. " Les marchés restent obstinément nationaux, le commerce transfrontalier est difficile et limité net bien trop de clients ont peu ou pas de véritable choix ", ne cesse de répéter le commissaire à l'Énergie, Andris Piebalgs. Dès septembre, la Commission a prévu un nouveau train de mesures pour libéraliser davantage le marché. Elle veut notamment imposer la scission patrimoniale des réseaux de distribution de gaz et d'électricité, afin de les rendre indépendants des producteurs historiques qui, jusque-là, en ont la gestion. Cette proposition a déjà été rejetée par la majorité des vingt-sept pays européens en juin au Luxembourg. Beaucoup la jugent dangereuse, car elle risque de nourrir une volatilité déjà extrême sur ce marché.Cette évolution leur paraît aussi contradictoire avec l'objectif de l'Europe de se doter d'une politique énergétique et de relancer le nucléaire. Ce qui suppose d'avoir une vision à long terme. " Ce n'est pas par hasard qu'aucun producteur, à l'exception d'EDF, n'ait lancé de projet nucléaire jusqu'à maintenant. Tant qu'il n'y aura pas un minimum de visibilité sur les conditions futures de marché, aucun ne s'engagera ", note un observateur.SUJET POLITIQUELa Commission est-elle prête à entendre ces arguments ? Beaucoup en doutent. Mais elle risque d'être forcée d'écouter au moins les États. Partout, les prix de l'énergie deviennent un sujet politique. En Belgique, Electrabel, filiale de Suez, a été contrainte, la semaine dernière, de renoncer, sous la pression politique, à son projet d'augmenter de 17 % les prix du gaz début septembre, et de revenir à une hausse de 3 %. Déjà, des représentants belges demandent un retour à des prix plafonds. En Allemagne, un projet de loi, visant à instaurer un contrôle des tarifs, est en discussion (voir ci-dessous). Si aucun cadre stable ne se dessine pour permettre l'émergence d'une vraie politique énergétique, ces initiatives risquent de faire école.
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