De Jaurès à Jospin

On ne va pas reprocher à Lionel Jospin de s'exprimer dès demain à la télé. Alain Juppé le faisait bien... et Mendès France aussi. Quand il fallait convaincre les Français qu'une politique et un calendrier pouvaient mettre un terme à la guerre d'Indochine. Seulement voilà... les temps ont changé, et on ne sortira pas du sous-emploi comme on a pu se dégager (en quelques mois) du guêpier indochinois. Lionel Jospin le sait si bien qu'il a déjà prévenu... le Monde que « le principal vecteur du changement » sera la prochaine loi de finances. Soit, serait-on tenté de dire, si le gouvernement disposait d'un état de grâce et d'une quelconque marge de manoeuvre. Or il n'a ni l'un ni l'autre, et les mauvaises nouvelles tombent sur lui comme obus à Gravelotte. Avant-hier, c'étaient les chiffres du chômage, plus noirs que jamais en mai. Hier, le nombre des voitures neuves vendues en juin (- 30 % sur un an). Tout cela, Vilvorde et le reste, suggère Jean-Michel Thenard dans Libération, « ce sont des déconvenues pour une équipe qui ne pensait pas être élue » ! Mais non, « tout n'est pas joué, assure Laurent Joffrin dans le même quotidien. Les ouvriers de Vilvorde peuvent encore trouver des compensations à la fermeture de leur usine. Et le gouvernement définir une politique à la fois réaliste et conforme à ses valeurs... ». Charles Lambroschini, du Figaro, préfère évoquer (en s'en félicitant) « les renoncements » de Lionel Jospin, tandis que la Croix s'apitoie, comme il se doit, sur le sort des jeunes sans emploi. « Le Smic, dit l'une d'elles, vingt-quatre ans, licenciée ès lettres, femme de ménage et garde d'enfants..., ce serait le rêve ! » Quelques pages plus loin, Jacques Duquesne soupire : « Hélas, sacrifier l'avenir est une pratique assez courante dans ce pays ». Et mon confrère d'illustrer son propos par la fermeture, lundi, de la mine symbole de Carmaux : « Pour les 247 mineurs qui y travaillaient encore, c'est fini, écrit-il, mais ils produisaient le charbon le plus cher du monde ! Il coûtait 1.769 francs la tonne et était vendu 263 francs. Des emplois avaient été sauvegardés mais au prix de 350.000 francs par personne et par an. Au total, près de 7 milliards de subventions ! » Comme quoi il y a loin (et cher) de l'idéalisme de Jaurès... au réalisme de Jospin.
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