L'électricité, fée de la révolution du vélo

Plus de deux cents ans après son invention, et alors que le Tour de France s'élancera ce week-end de Rotterdam, la petite reine est prête pour une seconde jeunesse. Pendant des années, le VTT, vélo tout-terrain, a dopé les ventes et les profits de l'industrie cycliste grâce à un rythme de renouvellement élevé. Ce segment représente un quart du marché, et il a atteint sa maturité. Les fabricants cherchaient un nouvel eldorado. Ils l'ont trouvé. Ce sera le vélo avec assistance électrique. « Pour l'adopter, il suffit de l'essayer », assure Gilles Lapierre, le président des cycles Lapierre, basés à Dijon. C'est vrai. Sans forcer, un cycliste peut atteindre en quelques coups de pédales les 25 kilomètres/heure. « Les gens n'arriveront plus en sueur à leur bureau », se félicite le petit-fils du fondateur des cycles Lapierre, aujourd'hui aux commandes de l'entreprise. Le niveau d'assistance électrique peut être réglé à volonté, en fonction de l'effort souhaité. Pour les sportifs, l'aide peut même se régler sur le rythme cardiaque du cycliste. Si ces vélos ressemblaient au début à des Mobylette, c'est déjà fini. Les vélos s'allègent malgré l'équipement supplémentaire, et en septembre, seront proposés des vélos de moins de 20 kilos. Les moteurs et les batteries ont fondu et se cacheront dans les tubulures du cadre. Le système électrique devient ainsi invisible. De quoi alimenter la polémique dans le sport avec la fraude présumée du cycliste suisse, Fabian Cancellara, soupçonné d'avoir gagné des courses grâce à un « vélo électrique ». Malgré cette promotion inespérée, les prix de vente constituent encore un frein?: il faut compter 2.000 euros au minimum. Ce qui explique qu'il ne se vend pas encore plus de 10.000 vélos électriques en France, sur un marché total de 3,5 millions d'unités par an.L'arrivée des vélos électriques sur le marché est l'illustration de l'évolution technologique constante dans ce secteur. Les cycles Lapierre, qui mettent en avant le made in Dijon, lieu de leur siège, déposent environ deux brevets par an. Les vélos qu'ils ont conçus pour les coureurs de l'équipe de la Française des Jeux, qui participent au Tour de France, sont des concentrés d'innovations. Dans ce cas, l'arme décisive est la légèreté. Les cadres, moulés dans du carbone, n'excèdent pas les 900 grammes. Le vélo complètement équipé reste sous la barre des 6 kilos. Mais cet exploit a un prix?: un peu plus de 1 euro le gramme?!Pour évoluer, l'industrie cycliste a complètement bousculé son circuit de production ces trente dernières années. Les villes de Saint-Étienne et Dijon, qui étaient les capitales du deux-roues, ont laissé leur place à la mondialisation. La France a alors perdu sa place de numéro un mondial?: elle ne produit plus que 36 % des vélos qui circulent sur ses routes. Seulement, le made in France n'est plus ce qu'il était?: désormais, un vélo français, c'est un vélo conçu et assemblé en France, mais à partir de pièces qui viennent du monde entier. Les cadres viennent d'Asie du Sud-Est, souvent de Chine. Les selles sont plutôt anglaises, comme les roues. Les pneus sont européens. Les dérailleurs et les pédaliers viennent du Japon, pratiquement exclusivement de la marque Shimano. « Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Shimano ne s'est pas imposé par les prix, même s'ils sont compétitifs, mais par la technologie. Il a été le premier à proposer un système intégré de déraillement et les commandes de changements de vitesse au guidon », se souvient Gilles Lapierre. Et cet équipementier continue avec le lancement en 2009 d'un dérailleur à commande électrique. L'histoire de ce fournisseur est indissociable du succès du VTT qui a démarré dans les années 1980.Au-delà de ce marché du haut de gamme, le vélo renoue avec la croissance un peu partout dans les pays développés. Les Européens achètent 20 millions d'unités par an, à des prix allant de 69 euros à 15.000 euros. Le vélo n'est plus un symbole de pauvreté, et il devient l'accessoire branché des citadins. Tout a commencé avec l'installation par les villes de vélos en libre-service tels que Velib' à Paris ou Vélo'v à Lyon. À l'opposé des craintes initiales des revendeurs de cycles, la mise à disposition de ces vélos a incité les citadins à s'acheter leur propre vélo après leur avoir redonné le goût de la petite reine. Ce nouvel engouement ne s'est pas limité aux trajets en ville et il s'est étendu aux loisirs et même aux vacances, amenant une nouvelle génération vers le vélo.La France peut toutefois mieux faire. Très bien équipés, les Français utilisent finalement peu leur vélo. La France n'est « même pas dans le gros du peloton européen », regrette l'étude qu'Atout France, l'organisme de promotion du tourisme en France, vient de consacrer à cette industrie. Pour les pouvoirs publics, la promotion du vélo est un véritable enjeu. Le chiffre d'affaires des différents acteurs économiques dont l'activité est liée à la pratique du vélo peut être estimé à 4,5 milliards d'euros par an. Les villes saturées par la circulation rêvent d'un report de la voiture vers les vélos, et pas seulement les jours de grève des transports publics?! Aujourd'hui moins de 3 % des déplacements se font en deux-roues. Pourtant, la moitié des déplacements urbains font moins de 5 kilomètres et 30 % sont inférieurs à 3 kilomètres. À horizon dix ans, l'objectif est que le vélo assure 15 % des déplacements quotidiens. Ce qui aurait un impact positif sur la santé publique grâce à une pratique plus régulière du sport, et sur la pollution. Héléna Dupuy
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