On a tous un ancien collègue qui a pris du galon et qui est très généreux. Il vous invite dans un bon petit restaurant et vous refaites le monde avec entrée, plat, dessert et une bonne bouteille. À force de le voir composer son code de carte bancaire, vous connaissez par c?ur les quatre chiffres. C'est toujours lui qui régale. Ou plutôt son entreprise. Il n'oublie jamais d'emporter l'addition pour ses notes de frais. Vous offrez bien volontiers un dernier café en terrasse avant de retourner travailler. C'est agréable, ces déjeuners amicaux. On oublie la conjoncture morose. C'est réconfortant de revenir en arrière, de se dire en toute liberté que c'était mieux avant. Même si vous avez quitté votre ancienne boîte parce que vous ne supportiez plus l'ambiance, les petits chefs qui rêvent de grandir et les grands chefs qui se comportent comme des chefaillons. À chaque rendez-vous, vous jouez la nostalgie entre camarades. Vous appréciez de plus en plus cet ami qui vous invite à une escapade hors du temps. Avec lui, vous êtes et vous avez été.Vous attendez votre déjeuner de rentrée avec impatience. Vous avez des tas de choses à raconter. Vous avez besoin de prendre des nouvelles de vos anciens collègues, d'être au fait des dernières rumeurs. Silence radio. Vous connaissiez pourtant ses dates de vacances. Il a déjà deux semaines de boulot dans les pattes. Le retour a dû être difficile. Début septembre, toujours pas de nouvelles. Vous vous inquiétez, vous le relancez. Il vous répond enfin. Il vous propose un déjeuner rapide dans un café près de son bureau Vous êtes rassuré, il n'a rien de grave.manque à gagnerVous le retrouvez quand même un peu tendu autour d'un croque-monsieur-salade. L'entreprise a décidé de mettre fin à la gabegie et la direction a pondu un laïus sur les notes de frais. Il est servi accompagné du modèle d'autorisation qu'il doit remplir désormais en trois exemplaires avant d'inviter les très gros clients au restaurant. Les autres auront droit à un café. Quant aux amis? Il peste contre ce manque à gagner. Vous ne le reconnaissez pas. Ce n'est plus votre collègue complice. Vous inviter était source de profit. Cela devient un coût. Vous étiez son camarade note de frais. Vous réglez l'addition avec vos Tickets Restaurant. Vous avez perdu un ami.

latribune.fr

04 Sept 2009, 1:38

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