Un parcours initiatique dans l'espace et le temps

Fascinant et paradoxal parcours initiatique. Dans « la Prospérité du vice », Daniel Cohen nous assène d'entrée de jeu que « ni la richesse ni même l'éducation ne rendent meilleur un homme qui est mauvais ». On est loin de Condorcet ou de Montesquieu pour qui l'éducation et le commerce « adoucissent les m?urs et les c?urs »? Les rapports de force et la cupidité ont toujours mené le monde. L'auteur ne cesse de le rappeler. Avec un sens de la narration qui nous fait ? presque ? oublier l'expert.Initiation dans le temps. Saviez-vous que le niveau de vie de l'esclave, sous Rome, n'était pas « significativement » différent de celui du paysan du Languedoc du XVIIe siècle ? Il faudra attendre la révolution industrielle et l'essor de la productivité, au XIXe, pour que soit vaincue la loi de Malthus, cette fatalité d'une croissance démographique porteuse de pauvreté perpétuelle. L'Empire britannique en est le symbole. Et pourtant, la loi de Malthus fut vaincue « sans gloire » : vente de textiles anglais vers l'Afrique, exportation d'esclaves africains vers l'Amérique, exportation de coton américain vers l'Angleterre? Sinistre triangle. Il n'aura qu'un temps. Mais il illustre le règne de la « prospérité du vice ». Que toutes les crises, dont celle d'aujourd'hui, confirment.Initiation dans l'espace aussi. La mondialisation a été précédée par une réorganisation du capitalisme qui a privilégié les actionnaires au détriment des entrepreneurs et donné le pouvoir, sans frontières ni régulations, aux « banques de l'ombre » ? des hedge funds aux banques d'investissement. Au point de faire circuler de la « fausse monnaie », dont les trop célèbres subprimes sont la caricature et d'aboutir à la crise internationale actuelle. Pour Daniel Cohen, le cybermonde risque d'être une échappatoire virtuelle aux réalités d'une planète qui, compte tenu de ses contraintes écologiques, ne peut plus « se permettre de corriger après coup ses erreurs ». Alors qu'il est urgent de réinventer la croissance et la solidarité. Mais comme le disait Alfred Sauvy, cité par l'auteur, nous sommes tous « des marcheurs qui cherchent l'horizon, sans jamais l'atteindre ». Un livre pessimiste. Mais nullement désespéré. Françoise Crouïgneau Daniel Cohen, « la Prospérité du vice ». Une introduction (inquiète) à l'économie, Albin Michel, 284 pages, 19 euros.
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