Industrie : les économistes dubitatifs devant le "Gosplan" de Sarkozy

Mitigé ? Même pas. Le sentiment éprouvé par les économistes à l'écoute du discours prononcé jeudi par Nicolas Sarkozy en conclusion des états généraux de l'industrie est clair. Les 23 mesures proposées ne permettront pas de restaurer la compétitivité du secteur manufacturier tricolore. Elle seront également trop peu incitatives pour atteindre l'objectif fixé d'augmenter de 25 % la production industrielle d'ici à 2015. Seul le lancement des gigantesques chantiers que sont les remises à plat du financement de la protection sociale et de la fiscalité pourraient rendre cet objectif réalisable.Méthode corporatisteLes principales critiques portent sur la stratégie de filières évoquée hier. « Seuls les secteurs concernés peuvent se réjouir », estime Nicolas Bouzou, chez Asterès. « Cette méthode très corporatiste n'a jamais marché, ni en France ni ailleurs dans le monde. » « Il est par ailleurs présomptueux de prétendre que l'on connaît avec exactitude les secteurs d'avenir. En voulant décider de quoi l'avenir sera fait, l'État peut faire des erreurs graves et coûteuses », poursuit l'économiste.Un petit côté GosplanCette stratégie de filières ne trouve pas plus grâce aux yeux de Philippe Waechter, chez Natixis Asset Management. « C'est un peu la solution magique que l'on ressort régulièrement quand la conjoncture se durcit. Je me méfie de ces remèdes miracles qui ne fonctionnent jamais », explique-t-il. « En outre, cette solution, qui a un petit côté Gosplan soviétique, est risquée, car elle gomme en grande partie les signaux envoyés par le marché. Or, ces signaux sont très importants, car ils fournissent de précieuses indications sur l'évolution de l'offre et de la demande. »Réécrire l'histoireLa prime à la relocalisation rebute également. « Cette fois-ci, on veut réécrire l'histoire. À l'exception de quelques délocalisation qui ont été décidées trop brutalement, qui se sont soldées par des échecs et donc par des rapatriements d'usines, ce transfert d'une partie de l'appareil de production est souvent inéluctable, dans certains secteurs en tout cas. Compte tenu des montants engagés, les effets d'aubaine sont importants », estime Nicolas Bouzou. « Plutôt que de dépenser de l'argent public pour fabriquer des produits en France, il vaut mieux s'interroger sur la façon de garder nos cerveaux et de favoriser l'émergence de produits conçus dans l'Hexagone et réellement innovants », complète-t-il. Le montant de cette prime a été fixé à 200 millions d'euros.Mesures transversalesQuelle politique aurait-il fallu engager ? Mathilde Lemoine, chez HSBC France, aurait préféré la mise en place de mesures globales, transversales. « Une baisse de l'impôt sur les sociétés aurait eu plus d'impact que toutes les mesures du monde. La nouvelle version du crédit d'impôt recherche, la réforme de la taxe professionnelle, voilà des mesures qui ont du sens, car elles redynamisent l'ensemble de l'industrie », explique-t-elle.Pour stimuler l'industrie au niveau local, Nicolas Bouzou propose une autre solution. « Les entreprises, et en particulier les PME, souffrent d'un accès toujours délicat au financement. Pour desserrer cette contrainte, les régions pourraient prendre des participations dans des sociétés de capital-investissement ou de capital-risque », propose-t-il.
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